Selon Schengen News, l'UE encaisse 56 millions d'euros grâce aux demandes de visas rejetées sur le continent africain. Au Maroc, 136.367 demandes ont été rejetées en 2023, soit 11 millions d'euros perdus. « Cette mission est née d'un sentiment de décalage entre l'ambition affichée par l'exécutif et la réalité sur le terrain. Le 28 novembre 2017, le président de la République promettait à la jeunesse africaine « la révolution de la mobilité, [...] celle qui nous permettra de repenser nos liens, mais aussi la circulation des femmes et des hommes en Afrique, et entre l'Afrique et l'Europe ». Trois ans après le discours de Ouagadougou, vos rapporteurs regrettent que la politique des visas à l'égard des populations africaines reste très en deçà de l'ambition présidentielle », peut-on lire dans le rapport piloté par l'ancien député français M'Jid El Guerrab, publié en février 2021. Tel un véritable plaidoyer, ce document de 45 pages met à nu les pratiques en décalage avec le discours officiel de Paris. Pour la petite histoire, le 28 novembre 2017, à l'Université de Ouagadougou, devant un parterre d'étudiants, Emmanuel Macron promettait à la jeunesse africaine une révolution de la mobilité, « celle qui nous permettra de repenser nos liens, mais aussi la circulation des femmes et des hommes en Afrique, et entre l'Afrique et l'Europe ». « La politique des visas s'écarte, dans la pratique, de l'ambition fixée par le président de la République lors du discours de Ouagadougou de 2017 », constatent les experts du rapport. Lire aussi | Lancement de l'appel à projets 2024 du SG Social Impact Fund pour l'employabilité des jeunes En 2023, les données des statistiques des visas Schengen montrent que les ressortissants africains ont reçu 704.000 réponses négatives à leurs demandes de visa. Cela signifie que 56,3 millions d'euros sont partis en fumée, sachant que les frais de demande de visa ne sont pas remboursables. Outre les refus systématiques de visas, il a également été constaté une hausse du coût du visa Schengen, porté à 90 euros pour les adultes. Le Maroc, deuxième pays au taux de refus le plus élevé Le Maroc arrive ainsi en deuxième position des pays cumulant le taux le plus élevé de refus de visa Schengen. Au total, 136.367 demandes de visa déposées par les Marocains ont été rejetées en 2023, représentant 8,3% du total des demandes posées cette année-là. « Ce manque d'attractivité provoque une dégradation des relations avec les populations africaines et la perte de notre avantage historique sur ce continent. L'Afrique est un continent d'avenir, elle est le continent de tous les défis contemporains, mais elle reste cependant trop souvent perçue comme une menace. Une politique des visas dissuasive est susceptible de conduire les Africains à se détourner de la France au profit de destinations jugées plus attractives sur le plan du droit à la mobilité et de l'accueil », explique le rapport. Jean-Christophe Belliard, ambassadeur de France en Côte d'Ivoire, s'interroge déjà sur le fait que, dans le domaine des sciences sociales, les principaux intellectuels africains soient établis en Afrique du Sud, au Canada, au Royaume-Uni, mais rarement en France. Il est donc important de répondre à la question de la mobilité et de la circulation, qui est l'un des principaux irritants constatés entre l'Afrique et la France. Lire aussi | Hautes études au Maroc : séparer le bon grain de l'ivraie Les dépenses des Marocains pour ces demandes rejetées s'élèvent à 11 millions d'euros. « À l'échelle macro-économique, a fortiori pour un pays comme la France dont le PIB flirte avec les 3000 milliards d'euros, ce montant n'est pas du tout significatif et n'a pas vocation à changer les équilibres budgétaires, par exemple. Il s'agit davantage de comprendre et d'analyser les motifs de rejets, qui demeurent, ceci dit, sujets à la totale discrétion de la diplomatie française », explique l'économiste Hicham Alaoui. Et de préciser : « C'est spécifié en amont. Il n'y a pas d'obligation de résultats. Et il y a des coûts incompressibles (personnel, loyers...) qui semblent indépendants de l'octroi ou non des visas ». Sur le taux élevé de refus, l'économiste nuance : « Peut-être y a-t-il plus de demandes chez nous que dans d'autres continents, ce qui augmente mécaniquement le risque d'avoir des dossiers plus fragiles et donc ayant moins de chances d'être acceptés. Mais ce n'est que spéculation. La France est souveraine dans ses choix. » L'Europe plus fermée aux Africains qu'aux autres Si le traitement réservé aux demandes de visas est très différent selon le pays de départ, il est indéniable que l'Afrique est globalement le continent affichant le taux de refus le plus élevé au monde, avec 27 % de refus, contre 15 % pour l'Amérique (du Nord et du Sud), 13 % pour l'Asie, 7 % pour l'Europe et 3 % pour l'Océanie. Selon une analyse, plus le PIB par habitant est faible, plus le taux de refus tend à augmenter. Et c'est surtout le cas pour les pays africains. À l'inverse, plus le pays est riche, plus les visas sont acceptés, comme c'est le cas notamment pour le Canada et les Etats-Unis. Source: Lagocollective