Depuis quelque temps, des grandes villes de Chine ont commencé à devenir des foyers de plusieurs cimetières de véhicules électriques. La cause ? Des projets non viables, une obsolescence rapide… Au Maroc, comment éviter les erreurs de la Chine ? Devenu l'un des symboles des véhicules électriques (VE) ces dernières années, le modèle de Pékin commence à montrer ses limites. C'est une enquête de Bloomberg qui a mis en lumière le fléau des cimetières automobiles, traduisant la crise du marché des VE en Chine. « Les scènes rappellent les conséquences du crash national du partage de vélos en 2018, lorsque des dizaines de millions de vélos se sont retrouvés dans des rivières, des fossés et des parkings désaffectés après la montée et la chute de startups soutenues par de grandes technologies telles que Ofo et Mobike », explique l'enquête. Lire aussi | Majdouline Chafai El Alaoui: «MINI a de belles cartes à jouer dans le segment du tout électrique au Maroc» Le pays a lancé plusieurs programmes ambitieux pour stimuler son économie et accélérer sa transition écologique, notamment le développement de la voiture électrique pour lutter contre la pollution des grandes villes. Ces initiatives ont été soutenues par d'importantes subventions, incitant les industriels à se pencher sérieusement sur les véhicules électriques et hybrides. Cependant, une fois que les subventions ont diminué, de nombreuses entreprises n'ont pas réussi à survivre financièrement. Cela a conduit à l'arrêt soudain de services tels que l'autopartage et le transport de personnes, laissant les flottes de véhicules électriques abandonnées en attente d'une solution. De plus, des centaines d'entreprises ont fait faillite. Leurs modèles bas de gamme, incarnés par des batteries à faible autonomie, ne correspondaient pas aux attentes des consommateurs. Maroc : Comment Réussir le Modèle de Hub Régional ? « Le Maroc, dans le cadre de sa stratégie de décarbonation du secteur du transport, prévoit de créer une véritable industrie de véhicules électriques compétitive. La proximité avec l'Europe et l'entrée en vigueur de la future taxe carbone début 2026 poussent les investisseurs à se tourner vers d'autres marchés comme celui du Maroc. Une batterie fabriquée en Inde ou en Chine, par exemple, coûtera plus cher pour entrer sur le marché européen qu'une batterie fabriquée à presque 10 km des frontières », explique le Président de l'Iresen, Samir Rachidi, ajoutant : « À l'aune de la Zlecaf, le Maroc pourrait également exporter ces véhicules électriques vers le marché africain, ce qui permettrait de renforcer la balance commerciale et la compétitivité économique de notre pays ». Lire aussi | Comment le Maroc est devenu un hub pour les écoles étrangères En effet, les ambitions du Maroc dans ce chantier sont claires. Et même si beaucoup, ces dernières années, ont appelé à plus de subventions et d'incitations pour le développement de ce secteur, l'expérience chinoise démontre que cette méthode semble avoir des limites. « Pour éviter les erreurs observées ailleurs concernant les 'nécropoles' de véhicules électriques, le Maroc devrait adopter une stratégie multifacette. Cela inclut la mise en place d'une planification durable qui anticipe correctement la demande future, le développement d'une infrastructure de recharge robuste, et l'investissement dans des technologies de recyclage avancées. En parallèle, il sera également crucial d'offrir des incitations pour stimuler l'adoption des véhicules électriques et de sensibiliser le public aux avantages de la mobilité durable. En collaborant avec des leaders internationaux et en restant à la pointe de la technologie, le Maroc peut développer un marché des véhicules électriques viable et écologiquement responsable », nous confie Loïc JAEGERT HUBER, Directeur Régional ENGIE North Africa, spécialiste des bornes électriques. De son côté, l'Ex-patron de l'Iresen, Badr Ikken, nuance en déclarant : « Lors de mon parcours professionnel en Allemagne et au Maroc, j'ai compris qu'il y avait toujours de la résistance au changement, accompagnée fréquemment de campagnes de discréditation des nouvelles filières. Je ne pense pas qu'il existe proportionnellement plus de nécropoles de voitures électriques que de voitures à moteurs à combustion. En Chine, il s'agit souvent de véhicules électriques qui ont bénéficié de fortes subventions de l'Etat et qui, après 5 à 6 ans d'exploitation, deviennent obsolètes ou ont été amortis. Il est également à noter que plusieurs projets de partage d'utilisation de voitures urbaines ont été voués à l'échec, qu'ils concernent des voitures à moteurs à combustion ou électriques ». Lire aussi | Hydrogène vert : le défi de l'électrolyseur Et de préciser : « Je pense que nous ne serons pas confrontés, au Maroc, à des situations similaires car le projet de feuille de route de la mobilité électrique ne prévoit pas de subventions conséquentes qui encourageraient le développement de modèles économiques non pérennes et un gaspillage des ressources. Par contre, il est très important d'inciter le développement des projets et programmes de deuxième vie des batteries, notamment, pour les applications énergétiques stationnaires (centrales électriques renouvelables) ou résidentielles (stockage résidentiel d'énergie photovoltaïque) et de développer la filière du recyclage des batteries ». Un secteur passé au scanner ! En 2023, le marché automobile marocain a enregistré une légère hausse de 25,28 % des ventes de véhicules électrifiés, totalisant 7 165 unités vendues, incluant les modèles électriques, hybrides et hybrides rechargeables. Cependant, cette croissance ne représente que 4,5 % de la part totale du marché, qui compte 161 504 véhicules immatriculés au Maroc. La part des véhicules à énergie alternative (véhicules hybrides et électriques) reste faible : 4,5 % (contre 47 % en Europe). Les véhicules entièrement électriques constituent seulement 6,46 % des ventes d'unités électrifiées, avec 463 unités vendues, fait constater l'Aivam dans sa dernière note météo dédiée au secteur automobile marocain. Dans les chiffres, l'axe de l'électrique, ne suscitant pas un vif intérêt du grand public, a seulement enregistré un total de vente de 463 unités. La majorité des ventes est dominée par 3 acteurs notamment, Dacia (146 unités), Citroën (84 unités) et BYD (38 unités). Les autres ventes sont partagées principalement entre des marques premium telles qu'Audi, qui a récemment introduit ses modèles Q8 e-tron et Q8 e-tron Sportback entièrement électriques, et Mercedes, qui a lancé une gamme complète de 6 véhicules électriques il y a deux mois. Par ailleurs, l'hybride rechargeable suscite un intérêt croissant parmi les clients des marques de luxe, atteignant 561 unités en 2023 par rapport à 380 unités en 2021. Cet axe est dominé par Porsche avec ses 130 unités, Land Rover (112 unités) et Mercedes Benz (104 unités). Quant au 100 % hybride, c'est lui qui, pour l'heure, a le plus d'aura auprès de la clientèle marocaine. Il est dominé par le constructeur Toyota avec (3470 unités) ; suivi derrière par Hyundai (1319 unités) et à la 3e place Renault (367 unités). Il a totalisé en 2023 près de 6141 unités vendues. Sur l'année 2023, le marché automobile marocain comprend 24 marques et 82 modèles NEV (New energy vehicles) contre 18 marques et 71 modèles en 2022.