Plusieurs indicateurs économiques n'augurent pas que du bon. Ahmed Lahlimi tempère. Le Haut Commissaire au Plan revient sur diverses situations pour donner son avis sur ce qui va bien mais aussi sur ce qui va moins bien. Challenge Hebdo : beaucoup d'indicateurs (augmentation des produits pétroliers et alimentaires, endettement public, charges de compensation, dialogue social...) laissent penser que nous nous acheminons vers une situation qui ressemblerait à celle d'avant le PAS. Pensez-vous que le Maroc puisse revivre les situations du début des années 1980? Ahmed Lahlimi : la situation actuelle n'est pas comparable à celle des années 80. Aujourd'hui, notre pays bénéficie des retombées positives des différentes réformes économiques, des programmes d'assainissement du secteur financier et des avancées sociales opérés depuis la période de l'ajustement structurel. Sa croissance s'inscrit dans un sentier ascendant. Les performances des activités non agricoles atténuent par ailleurs sa vulnérabilité vis-à-vis des chocs externes. Cependant, la conjoncture actuelle, marquée par la flambée des prix des matières premières, énergétiques et alimentaires, alors que le pays supporte les charges d'un soutien forfaitaire des prix à la consommation et doit faire face aux revendications sociales, est de nature à menacer les équilibres macroéconomiques fondamentaux, particulièrement au niveau du budget de l'Etat et de la balance des paiements. Une telle situation risque de conduire à la spirale déficit-endettement et de mettre en cause la soutenabilité des finances publiques à moyen terme. C. H. : l'indice du coût de la vie risque-t-il de trop s'élever? Quels sont les produits dont les prix risquent de flamber? Les prix des produits qui risquent de baisser? A. L. : au cours des dernières années, la hausse des prix est restée à des niveaux raisonnables, autour de 2%. Cependant, durant les 3 premiers mois de l'année 2008, la hausse est de l'ordre de 2,4% par rapport à la même période de l'année précédente. Cette hausse touche, il est vrai, beaucoup plus les produits alimentaires. Leur indice s'est accru de 4,5% au cours du premier trimestre 2008 au lieu de 3,2% en 2007. Par ailleurs, les produits non subventionnés risquent eux aussi de connaître une inflation plus élevée et d'affecter l'ensemble de l'économie. Cette situation devrait vraisemblablement perdurer, les facteurs qui sont à son origine étant appelés à persister. Les capacités d'adaptation de notre appareil de production auraient besoin d'une certaine durée pour opérer. D'autant plus que la soutenablité de l'effort de l'Etat, en matière de soutien des prix alimentaires de base, deviendrait problématique à plus ou moins brève échéance. C. H. : les résolutions accordées dans le cadre du dialogue social auront-elles à votre avis des conséquences sur le quotidien des citoyens ? A. L. : il faut attendre les résultats des négociations en cours. La crise internationale ayant un caractère systémique, la question, pour notre pays comme pour d'autres, est de savoir comment réaliser un consensus national pour apporter une réponse globale à cette situation. Le cadre approprié pour cela transcende le dialogue social et requiert un débat national et une convergence nationale des analyses pour réaliser un tel consensus. C. H. : quels sont à votre avis les secteurs qui pourraient connaître une crise à court et moyen terme ? A. L. : notre pays n'est pas -en tout cas, pas encore- producteur d'énergie. Les prix internationaux des produits énergétiques sont appelés à connaître une hausse de plus en plus forte. Cela devrait peser sur le coût de production de pratiquement tous les secteurs économiques et, en particulier, ceux qui en sont de grands consommateurs. Le soutien de l'Etat ne pouvant être maintenu au même niveau, ces secteurs sont invités à faire un effort de compétitivité pour sauvegarder leur part dans les marchés intérieurs et extérieurs. Ceci est d'autant plus nécessaire que l'environnement mondial reste marqué par une instabilité financière et des incertitudes économiques, alors que les instances internationales classiques n'ont plus le même pouvoir de régulation pour assurer, à court terme, les ajustements nécessaires.