Peu médiatisée et pourtant mesure phare du contrat-programme du secteur des assurances 2011-2015, et notamment du coté des assurés et victimes d'un accident de la circulation, la mise en place, à effet du 1er Janvier 2013, de la «Convention d'Indemnisation Corporelle Automobile» (CICA) ayant pour but d'accélérer la procédure d'indemnisation du principe corporel de cette population. Ce système, calqué en partie, sur la « Convention d'Indemnisation et de Recours Corporel Automobile » (IRCA) mise en œuvre sur le marché Français le 1er Avril 2002, s'inspire des principes de la Convention d'Indemnisation Directe (CID) applicable aux dommages matériels et communément connue chez le public par « le constat à l'amiable ». Il est alors apparu judicieux et utile à ce que ce système du règlement direct pourrait être généralisé aux dommages corporels dès que le taux d'Incapacité Permanent (IPP) est inférieur ou égal à 10%. De par cette convention, l'assureur direct s'oblige à gérer directement le dossier de son assuré – victime et l'indemniser ainsi que tous les occupants du véhicule impliqués dans l'accident, selon les règles du droit commun, pour le compte de l'assureur responsable. Ainsi, en principe, la victime n'aura plus à correspondre avec l'assureur du responsable dont le rôle se limite au remboursement des sommes réglées par l'assureur direct. Si les préjudices indemnisables dans le cadre de la CICA sont ceux prévus par le Dahir du 2 Octobre 1984 (frais médicaux, chirurgicaux, hospitalisation, ITT, etc. ...), le champ d'application de celle-ci ne concerne que les : La procédure transactionnelle pour alléger les tribunaux Ce protocole d'accord entre les assureurs présente un intérêt majeur pour le développement de la procédure transactionnelle, puisqu'il permet d'éviter des procédures judiciaires lourdes, coûteuses et longues pour les victimes des accidents de la route. Lorsqu'on sait que la majorité de ces accidents occasionnent des préjudices avec des taux d'IPP inférieur ou égal à 10% (donc concernés par la CICA), l'on mesure l'allègement de ce genre de dossiers au niveau des tribunaux. Le contrat-programme du secteur des assurances prévoit même de régler 30% des accidents corporels dans le cadre de ce nouveau dispositif. S'il est prématuré, aujourd'hui de juger du niveau d'applicabilité de la convention puisque les mécanismes de mise en œuvre sont en cours, particulièrement celles touchant l'automatisation des échanges de données entre compagnies, des risques d'achoppement sont à craindre détournant les victimes de recourir à ce système et de s'orienter vers une procédure judiciaire avec tous les inconvénients qu'elle comporte, et les risques à craindre mais réels. On peut en citer au moins trois : En premier : l'expertise médicale, à la base de l'évaluation du préjudice corporel, est exercée par un médecin conseil qui fait partie du réseau de l'assureur. La question de son indépendance parait délicate ; Au-delà même de l'ampleur du dommage indemnisé, c'est la question même des responsabilités encourues qui pose problème et qui constitue le point d'achoppement du système. Même si la convention, dans ses annexes, a introduit un barème de responsabilités, elle ne peut prévoir , avec précision, toutes les hypothèses de survenance des accidents de la circulation. Le dernier mot revient donc à l'assureur pour décider du cas de responsabilité à appliquer. Enfin, dernier blocage potentiel : la culture du contentieux qui règne encore dans la mentalité de nombreux responsables des départements sinistres des compagnies d'assurances ainsi que chez les avocats, principaux acteurs dans le déclenchement et le suivi de ces procédures. Les situations peuvent paraitre caricaturales, mais pour s'en convaincre il suffit de se rappeler et constater les échecs perpétuels qu'a connus et que connait aujourd'hui l'application du Dahir de 1984 précité qui a été à l'origine de l'instauration du même principe transactionnel en matière d'indemnisation des victimes des accidents de la circulation. Il est donc à craindre que, si l'environnement n'est pas assaini et si les embuches signalées précédemment ne sont pas levées, la CICA connaitra un destin similaire. Ceci dit, il faut garder à l'esprit que l'objectif affiché par les compagnies d'assurances, celui d'une meilleure rapidité dans l'indemnisation des victimes ne doit pas occulter le but non avoué de toute convention assurancielle, visant principalement la gestion et la maitrise des flux financiers. ABDELFATTAH ALAMI