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Plus d'une corde à son arc
Publié dans Challenge le 25 - 09 - 2013

Marrakech accueille dans quelques jours les femmes chefs d'entreprise du monde entier, qui viennent débattre des «femmes entrepreneures, valeurs sûres pour une performance durable». Un enjeu dont est bien consciente Nehza Kahhak, une entrepreneure pas comme les autres qui jongle d'une main de fer dans un gant de velours.
D
epuis toujours passionnée de déco et d'architecture, c'est tout naturellement que, le bac en poche, Nezha Kahhak présente le concours d'entrée à l'ENA (Ecole Nationale d'Architecture) de Rabat, qui la conduira au bout de six ans à décrocher son diplôme. « A l'époque, il y avait le service civil au Maroc, explique-t-elle, et j'ai obtenu mon premier poste à Marrakech en tant qu'architecte enseignante dans un centre de formation. J'y suis restée sept ans. » En quittant ses fonctions auprès de l'Etat, Nehza Kahhak rejoint l'ERAC –aujourd'hui OMRANE-, et passe par les différents services de l'établissement, de la construction au département commercial en s'investissant surtout sur le département des études. « J'étais la seule femme chef de service dans un univers masculin, dit-elle, ingénieurs et architectes confondus et entre autres fonctions, je devais former les ouvriers sur le terrain à utiliser les matériaux locaux, terre et pierres par exemple, selon des méthodes ancestrales.»
Un terrain exclusivement masculin où Nehza nage comme un poisson dans l'eau, reconnue pour ses compétences, sa spontanéité et ses méthodes de travail, après 10 ans de suivi des études de promotion immobilière qui lui ont fait approcher un large panel de créations et réalisations, lotissements, villas de standing, zones industrielles, y compris dans le domaine social avec plusieurs projets de résorption des bidonvilles. En 2007, bénéficiant du système des départs volontaires relancé par l'Etat, elle quitte l'ERAC, et s'inscrit au CJD, le Centre des Jeunes Dirigeants d'Entreprise de Marrakech. « Je voulais approcher les dirigeants d'entreprise, comprendre l'esprit d'entreprenariat, et me donner les clés pour monter ma propre structure. C'est ce qui m'a mis le pied à l'étrier. » En parallèle, l'architecte occupe un poste de directrice commerciale dans une société de vente de matériel haute gamme destiné au second œuvre. « Un poste passionnant, à une époque où l'on parlait du boum immobilier de Marrakech, avec l'intérêt de recenser les marchés des architectes en pleine croissance et en décrypter les rouages commerciaux.» Et c'est en 2009 qu'elle crée sa propre entreprise qu'elle baptise « Art d'intérieur et architecture » pour pouvoir conjuguer ses deux passions, la déco et l'architecture. « Malgré mes successives expériences professionnelles, j'avoue que j'ai démarré dans l'inconnu. J'avais cependant un solide carnet d'adresses et suis restée en contact avec mes différents employeurs précédents qui m'ont fait confiance et m'ont octroyé quelques marchés, dont certains sont toujours en cours, comme un centre commercial avec une cinquantaine de commerces à Chichaoua, un programme social d'envergure à Agadir qui comprend 200 logements, une école sur la route de l'Ourika près de Marrakech. »
A mettre au compte de Mme l'architecte chef d'entreprise, la réalisation de villas, lotissements, pavillons et en particulier, le collège « l'Arganier » à Marrakech, opérationnel depuis la rentrée scolaire 2012, pour lequel il est prévu une extension cette année pour les classes primaires. Quant aux projets du futur, ils sont en cours de négociation : un show room à Tamansourt, la ville nouvelle censée désengorger Marrakech, un abattoir, un projet de centre socio éducatif dans la province de Kelâa des Sraghnas et plusieurs commandes privées, villas et appartements pour particuliers. Si Nezha Kahhak considère qu'elle n'est pas à la tête d'une entreprise comme les autres, c'est-à-dire sans structure hiérarchisée, elle doit gérer nombre d'interlocuteurs –en général des hommes- et les problèmes liés à la construction, l'immobilier, la vente sans oublier l'administratif et le social. « Je traite à l'égal des messieurs, dit-elle en souriant, même si tout ce qui concerne les investissements et les finances restent encore tabou pour nous les femmes. Notre atout serait peut-être davantage de diplomatie dans les échanges humains, une meilleure organisation et une gestion parfois plus rigoureuse. Sur le marché du travail, on reconnaît avant tout l'efficacité, et quand vous avez en face de vous une personnalité qui met en avant ses expériences et ses compétences, la question ne se pose plus de savoir s'il s'agit d'un homme ou d'une femme. » Mme Kahhak trouve encore le temps de se partager entre vie familiale, « c'est aussi gérer une petite entreprise », clame-t-elle dans un éclat de rires, une vie professionnelle plus que remplie et la reprise depuis peu de son tout premier job : l'enseignement à l'ENA de Marrakech qui a ouvert ses portes l'année dernière avec une quarantaine d'étudiants. Et comme elle est aussi la vice-présidente du Conseil régional de l'ordre des architectes du Tensift, on pourrait imaginer qu'elle est surbookée.
Non, elle gère, avec l'atout féminin qui est le sien, un sens rigoureux de l'organisation. « Actuellement, je représente l'ordre des architectes à Tamansourt qui a lancé un concours d'idées pour redynamiser le centre-ville. Nous examinons les dossiers des candidats qui se proposent de décrocher le marché... ça me replonge à la fois dans mes premiers pas d'architecte et dans ceux de l'enseignante. » Quand il lui reste quelque temps libre, Mme l'architecte s'essaie à la peinture « j'ai gardé mon âme d'artiste», plonge parfois dans un bassin, histoire de faire quelques brasses « ça détend et la natation a toujours été mon sport favori», et surveille les devoirs de la petite dernière toujours à la maison. Elle trouve encore le temps d'assister aux activités du Lion's Club dont elle fait partie « parce que je ressens toujours le besoin de m'impliquer dans des actions humanitaires », et parce que le côté social n'a jamais été absent de sa vie, professionnelle ou privée. Epouse, mère de famille, entrepreneure : Nehza Kahhak a bien compris que le Maroc de demain ne se fera pas sans ses femmes. Des femmes qui ont aujourd'hui les moyens de décider, de se faire entendre, de s'impliquer dans l'économie du pays. C'est sans aucun doute ce que les femmes chefs d'entreprise marocaines viennent dire à Marrakech à leurs homologues du monde entier. C'est ce que nous dit ici Nehza Kahhak, dont le rôle, à l'image de centaines d'autres entrepreneures, est déterminant dans la croissance et la création des richesses du Royaume.
Et sans aucun doute, voilà bien les valeurs sûres qui vont permettre de «développer la performance durable ».


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