Les résultats comptables sont excellents à Alger. Les recettes ont dépassé en 6 mois les prévisions annuelles. Les excédents records, en milliards de dollars permettent le lancement de grands travaux. Les entreprises européennes et chinoises multiplient les visites pour profiter de cette manne. Mais il y a l'envers du décor. La maladie de Bouteflika a précipité le régime dans une crise à peine feutrée. Trois candidats se disputent le FLN, qui reste une machine électorale redoutable et qui jouera un rôle essentiel pour la présidentielle. L'Armée n'a pas désigné son candidat alors que la perspective d'un nouveau mandat pour Bouteflika n'est pas crédible. L'ancien patron de la Sonatrach est en fuite, le propre frère du président est accusé de corruption. Les affaires se multiplient et sont relayées par la presse. Un vrai parfum de fin de règne se dégage à Alger la blanche. Sur le plan sécuritaire, les résidus terroristes sont plus actifs, enhardis par la situation aux frontières. L'opposition est faible et ne constitue pas une alternative crédible. L'Algérie n'a pas connu de vagues de contestation lors du printemps arabe. Le souvenir de la décennie noire est vivace dans les mémoires. A juste raison, le peuple algérien préfère la stabilité à l'aventure. Mais il ne faut pas se tromper, le régime est obligé d'entamer sa mutation. L'ancienne génération passe la main parce que la biologie a fait ses effets. L'économie rentière n'a pas permis de satisfaire les aspirations de la jeunesse. L'opulence budgétaire contraste avec les besoins en logements et en infrastructures de base. L'insatisfaction est aggravée par les affaires de corruption. La mutation du régime prendra sans doute l'image d'un élargissement démocratique. L'armée, pivot du régime, doit lâcher du lest. Il faut l'espérer pour le peuple algérien qui a vécu une décennie très meurtrière. Quant aux relations entre les pays, il ne faut pas rêver d'une évolution rapide ni d'un changement radical. Les élites algériennes partagent largement les positions du pouvoir. Mais il est sûr qu'une évolution démocratique, l'émergence d'un vrai secteur privé amèneront les dirigeants à une vision plus pragmatique des relations dans la région. Sur le plan populaire, il n'y a aucune animosité. Des deux côtés, à chaque occasion, on multiplie les signes d'amitié. Les Algériens ont été nombreux à passer leurs vacances au Maroc et à assister à des concerts souvent animés par des chanteurs algériens. Les deux peuples ont réussi le tour de force de dépasser les contentieux politiques. C'est sur ce socle qu'il faudra bâtir l'avenir que la géographie impose.