Le PJD a subi un cuisant revers aux législatives du 8 septembre, la victoire revenant au RNI, qui ne devrait avoir aucun mal à constituer la future majorité gouvernementale. Il n'empêche que les résultats ont dessiné une nouvelle carte politique avec des perdants et des gagnants. Déjà, les tractations entre émissaires ont commencé et beaucoup de scenarios ont été esquissés par les observateurs. Cette année, la «récolte électorale» a été globalement meilleure. D'après les chiffres du ministère de l'Intérieur, «arbitre officiel » du « match électoral», le taux de participation à la « course électorale », a dépassé les 50% (8 815 940 personnes ayant participé au vote). Ce pourcentage était inférieur à 43%, en 2016. Le regroupement des trois types d'élections (communales, régionales et nationales), en un seul jour, a certainement contribué à cette progression. Mais cela, ne semble pas être le seul facteur. La journée de vote a aussi été déplacée du vendredi au mercredi. Le report de la rentrée scolaire aurait aussi permis aux parents et aux jeunes d'être plus disponibles. A cela s'ajoute, certainement, le désir du changement, de voir d'autres personnes dans les sphères du pouvoir. Plusieurs chances auraient été données à un PJD moralisateur et prometteur. Mais les résultats sont là. Les citoyens sont pleinement conscients que les grands chantiers sont initiés et encadrés par le Souverain, du fait d'un gouvernement qui s'est révélé politiquement et techniquement incapable, se cachant derrière sa docilité obséquieuse et agaçante. La défaite historique du PJD était en fait prévisible. C'est avant tout la sanction d'un parti qui n'a pas su, malgré des conditions politiques et constitutionnelles exceptionnellement favorables, mettre en œuvre des réformes importantes, à plusieurs niveaux. Le PJD n'a pas pu se libérer de son sectarisme partisan dans l'exercice du pouvoir. Aujourd'hui, ce parti devrait avoir le courage de mener une autocritique et de se remettre en cause, au lieu de se «victimiser », pour mieux affronter l'avenir. Plus de 7 points gagnés dans le taux de participation aux élections. Ce premier résultat constitue un progrès pour l'ensemble de la nation. Le nombre de nouveaux votants a atteint 1 806 724. Cette grande « vague électorale » a créé la surprise. Elle représente plus de 10% de l'électorat national (17,5 millions). Certes, plus de 30% des personnes en âge de voter ne sont pas inscrites dans les listes électorales (LE). En portant le nombre de personnes ayant voté au nombre de personnes en âge de voter, le taux de participation réel descend à 35%. Le travail politique commun à toutes les forces politiques, pour approfondir le processus démocratique dans la société marocaine toute entière, a encore du chemin. Lire aussi | Elections 2021 au Maroc. Communales : le PI, le RNI et le MP en tête à Meknès Et les partis politiques en sont les principaux acteurs, pas uniquement pendant la «saison électorale ». A cet égard, un travail profond d'analyse post-électorale devrait permettre de mieux comprendre les causes et raisons de la non inscription dans les LE et, ensuite, de la non-participation au vote. Ainsi, si le taux de participation a atteint 66,94% dans la région de Laâyoune-Sakia El Hamra, au Sud du Maroc, exprimant ainsi l'attachement indéfectible des citoyens des régions du Sud à leur patrie, il y a lieu de souligner aussi la persistance des structures de la famille communautaire dans ces régions où la solidarité a encore un sens beaucoup plus large, avec des systèmes complexes d'alliances tribales. La participation élevée, dans les régions du Sud, est aussi une expression de continuité du mouvement de libération nationale, puisque le principal parti politique bénéficiaire des votes a été le parti de l'Istiqlal. Par contre, dans la région de Casablanca-Settat, le taux de participation a été le plus bas, soit 41,04% des personnes inscrites dans les LE. Casablanca-Settat demeure la première région économique du Maroc, malgré la création de nouveaux pôles économiques régionaux. Sociologiquement, c'est aussi la région où les structures familiales ont le plus évolué, sous l'effet de l'atomisation/éclatement, et de la culture de consommation de masse, synonyme de mode de vie fondé sur l'individualisme. La nouvelle carte politique se précise Le RNI, créé à la fin des années 1970, d'obédience «libérale», sur le plan économique surtout, est arrivé en tête des élections législatives, après une grande déroute du PJD. En effet, sur 395 sièges, le parti de la Colombe a emporté 102 sièges, soit 25,82% du total. Déjà la nouvelle carte politique se précise. Le PAM, formation politique de création plus récente, arrive en seconde place, avec 87 sièges, soit 22,02% des 395 sièges de la Chambre des représentants. Malgré sa position, ce parti du Tracteur marque un recul par rapport aux élections législatives de 2016, où il avait obtenu 101 sièges, soit une baisse de – 13,86%. Par contre, le parti de l'Istiqlal a fait un joli bond en avant, en passant de 43 sièges à 81 sièges, soit une progression de +88,37%. C'est aussi le cas de l'USFP qui passe de 19 à 34 sièges, marquant ainsi une avancée de +78,94%. Le PPS aussi marque une respectueuse progression, en passant de 13 à 22 sièges, soit + 69,23%, pouvant ainsi former son groupe parlementaire. Ces trois partis (Istiqlal, USFP et PPS) constituent en fait des formations politiquement et socialement proches et bien enracinées, et leurs progressions se mesurent beaucoup plus qualitativement que quantitativement, dans l'absolu. Leurs apports politiques ont été toujours hautement sollicités. A eux trois, ces partis politiques cumulent 137 sièges, soit 34,68% du total. C'est plus du tiers. Ces trois partis forment un « bloc historique » et partagent de nombreux points communs, avec une tradition de dialogue et d'alliance. Le paradoxe : le nouveau quotient électoral a sauvé le PJD de l'élimination totale Le PJD a voté contre le nouveau quotient électoral. Or, l'ancienne méthode de calcul l'aurait complétement marginalisé et aurait réduit sa part à moins de 5 sièges. Il suffit de refaire le calcul sur les mêmes résultats du 8 septembre, avec l'ancien quotient électoral pour s'en convaincre. En effet, le PJD a pu bénéficier, dans plusieurs circonscriptions des «restes», à défaut d'être éliminé par les « nouveaux grands partis ». L'UC a fait du surplace. Elle a obtenu presque les mêmes résultats qu'en 2016, soit 18 sièges (19 sièges en 2016), marquant ainsi un léger recul de – 5,26%. Mais la grande dégringolade, en fait presque déjà annoncée depuis le mois de juin, d'abord avec les élections des représentants des salariés, et ensuite avec les élections aux Chambres professionnelles, est celle du PJD, un parti émasculé sans être totalement lessivé. Benkirane, cet ancien et vieux boxeur politique gracieusement retraité, a essayé de remonter sur le ring, juste à la veille du jour J des élections du 8 septembre, pour prêter assistance à ses boxeurs du PJD. Mais, malgré sa «feinte», ses pieds fléchirent sous le poids de son arrogance et il a dû être transféré d'urgence dans une clinique pour recevoir quelques soins. Et ce n'est qu'un début de la «descente aux enfers», faute de sagesse politique, meilleure antidote contre les maladies du pouvoir, dont la «rage politique». Lire aussi | Elections 2021 au Maroc. Communales : le RNI largement en tête à Béni Mellal-Khénifra