Le ministre de l'Intérieur, Abdelouafi Laftit, a accepté les deux propositions d'amendement du PJD relatives au quotient électoral et au seuil électoral. Vendredi dernier, les projets de lois électorales ont franchi le cap des deux chambres du parlement, non sans heurts entre le PJD, d'une part, et les autres composantes politiques, de l'autre. La Chambre des conseillers a adopté ces textes en un temps record et, sans surprise, ces projets sont passés comme une lettre à la poste au sein de la Chambre haute: aucun amendement n'y a été apposé. Pourtant, le ministre de l'Intérieur, Abdelouafi Laftit, a accepté les deux propositions d'amendement du PJD relatives au quotient et au seuil électoraux. Les parlementaires du parti de la lampe ont proposé de garder les mêmes dispositions que celles de la mouture initiale du gouvernement qui a été adoptée par le Conseil des ministres. Toutefois, les autres groupes parlementaires, hormis le groupement de la Confédération démocratique du travail (CDT), ont voté contre cet amendement. C'est la première fois que la majorité, au sein du parlement, va à l'encontre de la position du ministre de l'Intérieur, comme a tenu à soulever le PJD en séance plénière. Les textes qui n'ont pas été amendés ne reviendront pas, donc, à la Chambre basse pour la deuxième lecture. Les résultats des prochaines élections législatives seront, ainsi, calculés sur la base du nouveau quotient électoral qui prendra en considération, au lieu des bulletins valides, l'ensemble des inscrits aux listes électorales. Les parlementaires de la CDT, qui ont voté contre ce nouveau mode de calcul, à l'instar de ceux du PJD, ont proposé de baser le calcul sur l'ensemble des votants, dont les bulletins nuls, et d'adopter la plus forte moyenne au lieu du plus fort reste. Une proposition qui rejoint plus ou moins celle des trois partis politiques de l'opposition (PAM, Istiqlal et PPS), dans leur mémorandum en commun présenté au ministère de l'Intérieur lors de la phase des concertations, avant leur revirement au parlement. Les trois formations avaient plaidé pour le calcul de l'ensemble des votes dont les bulletins nuls. A cet égard, le coordinateur du groupement de la Confédération démocratique du travail, Mbarek Sadi, estime que «le pouvoir des électeurs doit être le seul mécanisme à même de déterminer les petits et les grands partis». Du côté des partisans du nouveau quotient électoral, on estime que l'objectif est de favoriser le pluralisme et de mettre en place un système équitable qui inclut un plus grand nombre de partis. Du côté du parti de l'Istiqlal, on tient à préciser que la nouvelle méthodologie n'influera pas sur le classement des partis politiques aux élections. Or, selon les simulations, le nouveau quotient électoral diminuera le nombre de sièges obtenus par les premiers partis politiques. Le PJD s'attend à passer à 104 sièges au lieu de 125. Une prévision très optimiste, selon des observateurs et des membres du parti. Le débat n'est pas totalement clos. Le verdict de la Cour constitutionnelle est très attendu sur le nouveau quotient électoral qui est une pure «exception» marocaine. Aucun pays en effet n'adopte ce mode de calcul. Sous d'autres cieux, seule la volonté des électeurs est prise en considération. Le parti de la lampe brandit, à ce titre, les dispositions de l'article 2 de la loi fondamentale qui stipule que «la souveraineté appartient à la nation qui l'exerce directement par voie de référendum, et indirectement par l'intermédiaire de ses représentants. La Nation choisit ses représentants au sein des institutions élues par voie de suffrages libres, sincères et réguliers». Par ailleurs, la suppression du seuil électoral a été vertement critiquée par le PJD qui a mis en garde contre la balkanisation des instances élues et la difficulté de constituer des majorités confortables, ce qui risque de bloquer la réalisation des projets à l'instar de ce qui se passe dans plusieurs conseils. Rappelons à cet égard que, par le passé, les grands partis politiques plaidaient pour le maintien du seuil électoral, voire son relèvement, pour pouvoir décrocher le maximum de sièges et écarter ainsi ce que l'on appelle «les petits» partis. Ces derniers, par contre, ont toujours appelé à sa suppression. Le seuil électoral, précisons-le, est une question décisive pour les partis politiques. Lors des tractations entre les formations partisanes avec le ministère de l'Intérieur, le PJD, à titre d'exemple, avait prôné un seuil de 6 % pour les listes locales et 3 % pour la liste nationale alors que l'Istiqlal et le PPS avaient plaidé pour 3 %, quand le PAM réclamait sa suppression. Rappelons qu'outre le quotient électoral et le seuil électoral qui ont été amendés par les députés, les nouvelles lois électorales apportent quelques nouveautés, comme la suppression de la discrimination positive au profit des jeunes, le resserrement de l'étau autour de la transhumance politique, l'élargissement de l'interdiction du cumul des fonctions. Les textes ont aussi introduit de nouveaux mécanismes pour donner un coup de fouet à la représentativité féminine au sein des instances élues, tant au sein de la Chambre des représentants qu'au niveau des collectivités territoriales. Taux de participation Les partisans du nouveau quotient électoral appellent le PJD à œuvrer pour convaincre les électeurs à se déplacer aux bureaux de vote le jour J. Le taux de participation aux prochaines élections reste la grande inconnue. Le PJD estime que le nouveau quotient électoral aura un impact négatif sur la participation. La crainte est de faire pire que les précédentes élections. Rappelons, à cet égard, qu'en 2016, le taux d'abstention était de 57 % des électeurs inscrits. En 2015, plus de 46 % des électeurs inscrits sur les listes électorales avaient boudé les élections communales et régionales. A cela, s'ajoute le nombre élevé des bulletins nuls qui a dépassé, lors des précédentes législatives, un million de voix. Jihane Gattioui / Les Inspirations Eco