Après avoir subi un fléchissement conjoncturel au milieu des années 90, la SCIF (Société chérifienne du Matériel industriel et ferroviaire) est en passe de renouer avec son heure de gloire, qui en avait fait le premier fournisseur arabe et africain produisant des biens d'équipement sur place. Le ministre Karim Ghellab était aux anges, en trouvant dans la SCIF un créneau potentiel propulsant le Royaume dans le registre des nations industrialisées dans le domaine ferroviaire. Et il le fit savoir à ses interlocuteurs, ne tarissant ni de paroles ni d'éloges à l'adresse des deux managers dont la cote est à la hausse, le «public» Mohamed Rabie Khlie et le «privé» Miloud Chaâbi, qui viennent de cueillir les premiers fruits du marché de commande de 340 wagons en aluminium, pour un montant de 704 millions DH, dont le prototype a été réceptionné le mardi 29 mai à Casablanca. L'ingénierie marocaine consacrée Les trois dirigeants, qui semblent s'entendre comme «larrons en foire», ont pris le risque de se montrer «très bavards», tellement l'enthousiasme battait son plein en mesurant cette réalisation remarquable de la relance des industries du rail dans le Royaume. Et le trio vedette du jour, l'istiqlalien, le cheminot et le promoteur privé, caressaient déjà des perspectives de croissance interne et externe de la société chérifienne. La conquête des marchés de fournitures de wagons fret fabriqués avec les dernières technologies est désormais un rêve réalisable. Les ingénieurs et techniciens nationaux peuvent relever le défi, et ils l'ont fait. Et le patron de Ynna Holding, l'un des plus gros investisseurs privés dans le pays, fidèle à son irréductible patriotisme d'entreprise, n'a pas hésité à exprimer sa légitime fierté sur ce dernier chapitre, en étalant les recrutements pointus effectués, 200 techniciens et 7 ingénieurs, tous Marocains, qui sont à l'origine de la redynamisation de la SCIF et de ses métiers de base d'expertise et de know-how ferroviaire. En effet, depuis sa création en 1946, cette société anonyme, située dans la plus grande zone industrielle du Royaume, Aïn Sebaâ à Casablanca, s'est distinguée dans la construction de matériel ferroviaire avec une capacité de production de 300 wagons et bogies et de 25 voitures par an, ainsi que des appareils de voie, pylônes et portiques pour caténaires. Les produits destinés au rail sont garantis en termes de conformité internationale aux normes UIC (Union internationale des chemins de fer). La production de matériel ferroviaire a démarré au début des années 1960 pour la livraison au réseau ferroviaire national d'unités de matériel roulant composé de voitures à voyageurs, de wagons à phosphates, de fret et de transport de ballast. C'est la SCIF qui a réalisé la fabrication des premiers wagons en aluminium mis en circulation sur le réseau marocain, tout comme cette société filiale de l'ONCF a exporté du matériel ferroviaire, notamment des wagons à trémies commandés, dans les années 60 et 70, par le chemin de fer gabonais (OCTRA). Enfin, signalons que la SCIF a également produit, au début des années 90, 18 locomotives Série E 1300, dont la première unité fut inaugurée, le 19 février 1992, par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, alors Prince Héritier. En 2003, le Groupe Chaâbi est entré dans le capital de la SCIF avant d'en devenir l'actionnaire principal en 2006. Ce partenariat public-privé a porté ses premiers fruits, augurant d'une expansion durable du marché industriel destiné au rail, tant en termes de croissance interne qu'au plan de la croissance externe. Outre la commande des 340 wagons de transport de phosphate, dont la cadence de livraison s'effectuera à raison de 20 unités-véhicules chaque mois, il faut signaler les marchés remportés avec le Groupe OCP, premier client national du rail, portant sur la réalisation partielle d'une unité de production d'acide sulfurique à Jorf Lasfar et la construction de matériels de production pour les unités OCP de Safi. Si Mohamed Rabie Khlie a insisté sur les perspectives de croissance interne du chemin de fer national, en soulignant qu'avec «son parc logistique actuel, l'ONCF transporte 27 millions de tonnes de phosphate par an. Cet investissement nous permettra d'atteindre 35 millions de tonnes sur l'ensemble des axes ferroviaires phosphatiers», le ministre de l'Equipement et du Transport a insisté sur la croissance externe en expliquant que «des perspectives prometteuses se dessinent pour décrocher des marchés dans les pays voisins et internationaliser le savoir-faire de la SCIF». Quant au président fondateur du Groupe Ynna, Miloud Chaâbi, l'aubaine d'une revitalisation du secteur des industries ferroviaires était trop belle pour laisser passer l'occasion de souligner, avec force, que «cette alliance stratégiquement pertinente prévoit dans ce projet la création de milliers de nouveaux postes dans la sous-traitance industrielle du pays».