Se seraient-ils passé le mot en avançant quasiment tous des objectifs presque similaires : créer entre 200.000 et 300.000 emplois par an à l'horizon 2012 ? Les uns restent vagues pour démontrer comment ils comptent concrétiser ces ambitions, d'autres insistent sur la nécessité de réunir toutes les conditions d'un climat économique sain pour résorber le chômage. Pas un seul parti qui n'ait fait de la carte de l'emploi un axe prioritaire de son programme électoral. Et pour cause, c'est là que le bât blesse dans un pays où, malgré toutes les initiatives prises pour créer de nouvelles opportunités d'emploi, le taux de chômage dans le milieu urbain dépasse les 15 % et frappe essentiellement la catégorie des diplômés. Cela, les partis politiques l'ont bien assimilé en évoquant, chiffres à l'appui, un mal qui ronge une large population qui, par ricochet, représente une cible privilégiée de toutes les formations politiques. Pas la peine d'être un illustre analyste pour comprendre qu'ils comptent beaucoup sur cette frange pour améliorer leurs scores lors des prochaines législatives. L'objectif de départ est le même, dans la mesure où il est question d'insertion dans la vie professionnelle, mais à chacun sa manière de promettre la création de tant ou tant de postes et de montrer les chemins à emprunter pour atteindre les objectifs en termes de création d'emploi. Sont-ils réalisables ou relèvent-ils du marketing électoral qui vise à jeter de la poudre aux yeux ? Jugez-en par les arguments apportés par les uns et les autres et les analyses faites par leurs partisans. Le MP propose d'agir sur la fiscalité En effet, celui qui est le plus rentré dans les détails est inéluctablement le Mouvement populaire. Ce parti (qui promet de favoriser la création d'1,5 million d'emplois à l'horizon 2012, de réduire le taux de chômage au niveau national à une moyenne de 8 % à l'horizon 2012 au lieu de 10 actuellement et de ramener celui des diplômés à moins de 18 % à l'horizon 2012 au lieu de 27 % actuellement) se défend d'ailleurs de copier sur les autres candidats. Said Oulbacha, actuel secrétaire d'Etat chargé de la Formation professionnelle et membre du MP est catégorique quand il affirme que «notre programme se démarque des autres partis dans la mesure où il attaque le problème là où l'effet est le plus direct, l'impôt en l'occurrence». Certes le parti rejoint les autres formations en s'attardant sur la nécessité d'assurer la péréquation entre la formation et le marché de l'emploi, la création d'incubateurs et autre banque de projets… Mais sa grande fierté est d'avoir fait une proposition fiscale dont l'impact sur l'emploi est direct. C'est en agissant progressivement sur l'IS (le ramener à 30 % à l'horizon 2012 au lieu de 35 % actuellement) et l'IR (seulement 34,5% pour la tranche supérieure à l'horizon 2012 en plus d'une exonération des charges sociales pendant 2 ans pour toute nouvelle embauche) que le parti compte inciter à l'investissement et par ricochet encourager l'embauche. Mais pour le parti de Laenser, combattre le chômage passe aussi par la sauvegarde des emplois existants. La mise en place d'un fonds de redressement des entreprises en est le point culminant. Mais comment compte-t-il le financer ? Deux scénarii sont envisagés, selon Oulbacha. Le premier consiste à alimenter le fonds grâce au prélèvement d'une fraction de la taxe sur la formation professionnelle payée par les entreprises. Le deuxième, quant à lui, se rabat sur l'incontournable Fonds Hassan II pour approvisionner la caisse de restructuration. Le slogan 1,3,5,7 de l'Istiqlal Le parti d'Abbas El Fassi, quant à lui, se targue de sa trouvaille, dont il fait d'ailleurs son slogan. Voyons de plus près ce à quoi renvoient ces chiffres : 1,3,5,7. Selon les explications données par l'istiqlalien Hanine, actuel président de la commission des finances à la Chambre des représentants, «il s'agit de créer 1,3 million de postes supplémentaires durant 5 ans et réduire le taux de chômage à moins de 7%». Et d'ajouter que «ces performances sont tout à fait réalisables si l'on se fie aux réalisations de l'actuelle législature et auxquelles le parti a activement contribué». Ce n'est pourtant qu'au bout de la deuxième année que le parti promet d'atteindre sa vitesse de croisière en matière de création d'emploi. «Le parti qui sera au pouvoir n'aura pas la main sur la loi des finances 2008, ce qui le contraindra à attendre celle de l'année suivante, afin de mettre intégralement en application son propre programme». Celui du PI fait du tourisme, du BTP, de l'artisanat et de l'habitat son cheval de bataille pour réaliser ses objectifs et minimiser la dépendance de la croissance économique et les résultats de la campagne agricole. Le PJD exportateur de compétences humaines Le raisonnement tenu par le PI est partagé en partie par le PJD, dans la mesure où la question de l'emploi lui paraît intimement liée à la croissance en général et à la mise en place d'un programme où toutes les pièces du puzzle doivent être à leur place pour créer les conditions économiques nécessaires à la résorption du chômage. Assainir la justice, construire de bonnes écoles, combattre la corruption… tant de paramètres que citent le parti pour que son objectif , celui de ramener le taux de chômage à 12% en ville et 2,5% en milieu rural et d'insérer 300.000 personnes par an dans la vie professionnelle, se concrétise. Comment ? En jouant aussi la carte de l'international en aval à la mise en place d'une politique de formation professionnelle ciblée. «La bonne formation, que nous appelons de tous nos vœux, ne doit pas servir uniquement le marché national, mais aussi les marchés étrangers qui exigent des compétences», avance Lahcen Daoudi. Et c'est ainsi que le parti compte boucler ses 300.000 emplois par an. Le RNI promet le filet social 300.000 emplois. C'est ce même chiffre qui est cité comme plafond du côté du RNI, avec comme plancher 220.000 emplois, secteurs privé et public confondus. Outre la création de caisses régionales de promotion de l'emploi, ces mêmes idées, exposées par les autres candidats, sont reprises pour expliquer que le point de salut réside au niveau de l'encouragement de l'investissement. Avec un point de distinction. «Qu'y a-t-il de plus dur, outre la situation de chômeur invétéré, que le licenciement ?». C'est un Rniste qui pose la question pour mieux vendre l'idée des filets sociaux, à laquelle le parti fait référence dans le cadre de son programme électoral. L'USFP est pour l'auto-emploi En évoquant l'épineuse question de l'emploi, le parti de la rose fait dans le nec plus ultra, mais a aussi une pensée pour le personnel de maison en mettant en avant son engagement à accélérer l'adoption de la loi sur le travail à domicile et l'interdiction du travail pour les moins de 15 ans. L'une des composantes de son programme, qui avance le chiffre de 2 millions d'emplois sur cinq ans. Un record (au même titre que le PPS) qui se base essentiellement sur l'encouragement de l'auto-emploi, dans la mesure où «la fonction publique ne peut pas à elle seule résorber le chômage» et la formation dans des métiers où les débouchés existent. Entre autres, il s'agit de former et de recruter 15.000 infirmiers et de les affecter dans toutes les régions du Royaume. Avis d'expert Essaid Bellal, DG du cabinet de recrutement Diorh “Education, formation et fiscalité” Challenge Hebdo : Que pensez-vous des chiffres avancés par les programmes électoraux des partis politiques en termes de création d'emplois ? Essaid Bellal : Les chiffres en soi ne sont pas significatifs. Il conviendrait plutôt de mettre en avant des mesures de réforme du système éducatif et de formation et d'aller plus loin dans le raisonnement, en établissant un lien entre la formation, le marché de l'emploi et ses attentes. D'autant plus qu'il est prouvé à travers les expériences passées qu'il est important de se tourner vers la formation pour trouver les solutions au problème du chômage. Il y a aussi le volet fiscal, crucial pour créer de l'emploi. Challenge Hebdo :En termes de présentation des programmes, comment jugez-vous l'approche marocaine comparée à ce qui se fait à l'étranger ? E.B :Durant les débats qui accompagnent la présentation des programmes, les partis politiques exposent plus que des objectifs. Ils présentent des montages financiers pour appuyer les chiffres qu'ils avancent. Au-delà des promesses, ils révèlent les moyens et les conditions sur lesquels ils comptent pour atteindre leurs objectifs. Et c'est ce qui fait leur crédibilité et donne de la force à leurs programmes. Challenge Hebdo : Le PJD évoque l'idée de former des profils aux métiers prisés à l'étranger afin de réduire le taux de chômage. Qu'en pensez-vous ? E.B :Sans nommer un parti ou un autre, je dirai que c'est facile d'avancer des pronostics. Mais commençons déjà par intégrer dans le marché de l'emploi les profils qui sont aujourd'hui au chômage avant de parler des promotions que l'école formera par la suite.