L'Expert Mehdi Hijaouy, pionnier de l'Intelligence Sécuritaire, nous éclaire sur les tenants et aboutissants du Renseignement qui est employé, en tant que redoutable arme, par les puissances, en vue de contrecarrer toutes malveillantes actions, opérées au niveau de la toile numérique. Mehdi Hijaouy est un fin connaisseur des arcanes du Renseignement et du cyberespace. Challenge : Vous avez, récemment, créée le concept d'Intelligence Sécuritaire. Comment une telle idée vous est venue à l'esprit ? Mehdi Hijaouy : La réflexion est la hantise récurrente de tout chercheur qui travaille d'arrache-pied pour trouver la solution idoine à une problématique sécuritaire posée, surtout que le monde est actuellement immergé dans une étrange guerre froide de l'information, principalement, conduite dans le cyberespace, où y circule une masse incroyable de données, à une vitesse effarante. Le net est devenu le terrain propice, pour les règlements de comptes entre Nations engagées dans des conflits. D'où la nécessité de faire naître le concept d'Intelligence Sécuritaire, en tant qu'outil fondamental de stratégie, intégrant, en sus de ses prérogatives courantes, une couverture de cet univers numérique, dont les pays avertis s'en serviraient, afin, notamment, de mieux gérer et contourner les flux de données, de veiller à sécuriser les sites électroniques d'importance vitale, de lutter contre les informations mensongères portant atteinte à la réputation et à la sécurité d'un pays ou à ses principaux gouvernants et dignitaires. Le plus important dans cette genèse, c'est le fait que ce concept soit un pur produit marocain et marquerait ainsi l'histoire de la sécurité, de l'information et du renseignement. Lire aussi | Pegasus, médiatus, propagus Challenge : Quel est l'apport du Renseignement dans cette guerre mondiale de l'information ? M.H : A vrai dire et depuis Sun Tzu, l'activité du Renseignement ne fait que se développer et s'est renforcée au début du XXIème siècle, par des techniques sophistiquées qui sont mises au point avec récurrence et au quotidien. Les périmètres d'actions des Renseignements intérieur et extérieur se retrouvent entremêlés dans un champ de bataille numérique où la surveillance d'éléments jugés subversifs, criminels et illégaux dans le net concerne aussi bien le Maroc que l'étranger. Avec une coopération inter-Services, à tous les niveaux, cela permettrait donc de fédérer les savoir-faire, autour d'une intelligence collective qui reposerait sur un nombre conséquent de compétences sécuritaires pluridisciplinaires, surtout que l'environnement international est caractérisé par une imprévisibilité et une complexité croissantes et agissantes. En réalité, le Renseignement a dû se métamorphoser pour faire face à cette guerre universelle de l'information, en élargissant ses prérogatives, en étendant son champ d'intervention et en développant ses moyens techniques. En adaptant son organisation, en renforçant ses coopérations nationales et internationales, publiques et privées, le Renseignement marocain s'est inscrit dans une nouvelle ère et culture numérique et technologique, lui prévalant la plus haute perfection, à même de contrer une surabondance d'informations au niveau du cyberespace. Challenge : Vous aviez affirmé dans l'un de vos récents articles, que le Renseignement marocain est au top 5 mondial. Pourriez-vous nous en dire plus ? M.H : Tout le monde le dit, y compris des Etats et des Gouvernements. Les résultats sont bien là, à travers des dizaines de « success stories », réalisées par le Royaume, à l'échelle nationale et mondiale, y compris en pleine crise pandémique. D'ailleurs, quelques-unes n'ont pas manqué d'être médiatisées. Aujourd'hui, le Renseignement marocain – grâce aux orientations sages, clairvoyantes et intelligentes de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, – se démarque, de manière très significative, à l'international par son agilité et son excellente qualité qui sont liées à la fois à son recueil d'informations stratégiques sur le sol national, à l'étranger et au niveau du net, à sa centralisation exemplaire, ainsi qu'à la rapidité et à la fluidité de sa transmission. Sans pour autant omettre de signaler l'exemplarité des liens qu'il tisse, particulièrement, avec ses homologues israélien, américain et anglais. Ce qui permet de disposer d'un champ exceptionnel d'échange et de partage, à multiples égards. D'où le classement du Renseignement marocain dans le top 5 mondial. Lire aussi | Shalev Hulio, CEO de NSO Group : «Le Roi du Maroc et le président français n'ont jamais été une cible de Pegasus» Challenge : Que pensez-vous de l'affaire PEGASUS ? Des Etats ont crû qu'il était si facile de discréditer l'image d'un pays, en organisant, en tout amateurisme, une scène théâtrale, baptisée Pegasus. Cette affaire serait vite étouffée car même les Etats accusés d'espionnage n'avaient pas, dans leur quasi-majorité, acquis ce logiciel « mouchard », selon la société israélienne, fabricant et commercialisant ce produit. Mais ce qu'oublient ces plaignants, c'est que l'usage d'expédients techniques constitue l'un des modes d'action classique de tous les Services, à travers le monde. Sinon, comment lutter contre la criminalité transnationale (terrorisme, drogue, immigration clandestine, radicalisme, extrémisme, etc.), si le Renseignement ne recourt pas à de tels moyens ? Challenge : En tant que président du Washington Strategic Intelligence Center, comment présagez-vous les relations de collaboration entre Renseignement et les cabinets d'intelligence stratégique ? M.H : Un Renseignement performant et réactif repose sur un véritable partenariat public-privé. C'est dans l'intérêt des Services de renseignement de sous-traiter mais que cela, bien entendu, se fasse avec des parties qualifiées, fiables et dans les règles de l'art. Cela devient même une pratique incontournable, notamment, pour les plus puissants Services de renseignement, y compris les nôtres. C'est un incroyable gain de temps et une réelle plus-value pour le Renseignement de recourir, dans certains cas de figure, à des experts chevronnés dans des domaines bien particuliers, notamment, économique, informatique ou encore informationnel. Toute la difficulté réside dans le bon choix de partenaires et dans la définition des tâches à externaliser. Sinon, partout dans le monde, le Renseignement entretient des relations privilégiées avec les cabinets d'intelligence stratégique. Il en est aussi dans le cadre de la protection du patrimoine informationnel et de la e-réputation où la sous-traitance d'opérations d'influence, de contre-influence et de lobbying est plus que nécessaire. Des tâches qui sont souvent déléguées à des cabinets externes. Lire aussi | Abdelmalek Alaoui : «Le Maroc n'est jamais aussi fort que dans la tempête» Challenge : De manière directe, est-ce qu'aujourd'hui, le Washington Strategic Intelligence Center a développé un partenariat avec le Renseignement ? M.H : Le choix des partenaires privés avec lesquels le Renseignement devrait collaborer n'est pas si évident. Concernant le Washington Strategic Intelligence Center, il défend, entre autres, les intérêts suprêmes du Royaume chérifien, principalement, au niveau de la toile numérique. Et à partir de là, je dirais qu'une certaine coopération existe, soit-elle citoyenne et patriote. Par contre, il serait fort opportun qu'une Charte nationale de renseignement puisse voir le jour, pour faire face aux défis posés à la Nation et à ses intérêts suprêmes, intégrant, entre autres, les principales bases d'un partenariat public-privé réussi.