L'Intelligence Economique et Stratégique (IES) s'avère un outil de leadership. Pourtant, sa déclinaison peut varier d'un pays à un autre. Mehdi Hijaouy, expert en sécurité, défense, stratégie et intelligence économique, fait le point sur cet instrument de pouvoir. Challenge : Qu'est-ce que l'Intelligence stratégique ? Mehdi Hijaouy : Il s'agit là de toute une matière qui a ses propres sources, méthodes et moyens de mise en œuvre. C'est tout simplement un outil d'aide à l'action et à la prise de décision. Souvent apparentée à l'Intelligence économique, l'intelligence stratégique est un instrument qui a toujours existé mais qui reste peu exploité, voire négligé par un grand nombre de décideurs. Je trouve que la définition de Carlo Revelli[1] est complète. Selon cet auteur, « l'intelligence stratégique est un processus de collecte, traitement et diffusion de l'information qui a pour objet la réduction de la part d'incertitude dans la prise de toute décision stratégique. Si à cette finalité on ajoute la volonté de mener des actions d'influence, il convient de parler alors d'intelligence économique. » Challenge : Qu'en est-il de l'intelligence économique ? Quelle différence faites-vous avec l'intelligence stratégique ? M.H : En France, on parle d'intelligence économique alors qu'en Belgique, l'on retrouve la notion d'intelligence stratégique. Chez les anglosaxons, il s'agit d'intelligence concurrentielle (compétitive intelligence). Au fait, la définition d'intelligence est universelle. Il s'agit « d'un savoir issu de la compréhension des principes de base qui président la connaissance et permet de créer des scénarios, de modifier des stratégies et d'innover ». Quant aux qualificatifs utilisés – souvent en forte abondance (business intelligence, corporate intelligence, espionnage économique, competitive intelligence, etc.) – parfois même de n'importe quelle manière, un expert averti en IE ne manquerait pas de relever les similitudes et les différences entre ces différents concepts. Selon le Rapport Martre, élaboré en 1994 par le Commissariat français général du Plan, « L'intelligence économique peut se définir comme l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement, de diffusion et de protection de l'information stratégique, associant éventuellement l'Etat et les entreprises. L'information recherchée est vaste et s'étend aux domaines économique, concurrentiel, scientifique, technologique, juridique, géopolitique, etc. ». Je compléterais cette définition par celle de Bernard Besson[2] qui a précisé que l'IE est comme « un cycle d'informations dont la finalité est la production de renseignements stratégiques et tactiques à haute valeur ajoutée ». Quant à l'Intelligence stratégique, cette expression renvoie, tout simplement, à l'intelligence économique, ainsi qu'au knowledge management. A vrai dire, il serait plus commode d'utiliser l'expression d'Intelligence Economique et Stratégique (IES) qui englobe des actions de veille et d'alerte, des exercices de synthèse et d'étude, d'influence et de contre-influence au profit d'acteurs étatiques et privés. Dans de nombreux pays, le concept moderne d'IES s'inscrit, carrément, dans le cadre d'une véritable politique publique et – à moindre mesure – d'un instrument de cette politique. Challenge : Qu'en est-il de l'IES au Maroc ? M.H : C'est une activité qui se développe de manière significative. Certes, un nombre assez important de cabinets spécialisés ont été créés ces dernières années, en tentant d'intervenir dans des domaines de souveraineté, tels que la sécurité, la défense, les systèmes d'information ou encore l'énergie. Challenge : Est-il aisé de construire un dispositif d'IES dans un établissement ? M.H : Il ne suffit pas de confectionner un système d'IES mais le plus difficile c'est d'être en mesure de l'adapter au domaine d'activité concerné. Avec ma double casquette d'expert en IES et en Sécurité (Renseignement), je peux vous certifier qu'il est vraiment difficile pour un spécialiste d'IES de tailler un dispositif dédié au domaine de la sécurité si celui-ci ne dispose pas d'une réelle expérience en la matière ! A l'exemple d'un ingénieur informaticien qui essaie de développer un programme informatique sans pour autant connaitre les réels besoins du métier. Il fonce donc droit au mur ! [1] PDG de la société Cybion, Carlo Revelli, de nationalité italienne, est diplômé en sciences économiques de l'Université de Rome et chercheur en sciences de l'information à l'Université Paris Nanterre. Il est auteur de l'ouvrage « intelligence stratégique sur Internet » et créateur des sites www.veille.ma et de www.AgentLand.fr [2] C'est un expert en IE et contrôleur général de la police française. Il a longtemps été directeur des courses et jeux à la Direction centrale des Renseignements généraux à Paris. Il est aussi membre fondateur et membre du conseil d'administration de l'Association Française pour le Développement de l'Intelligence Economique. [3] Ecole de Guerre Economique