La mutation de l'environnement économique, technologique et social montre les limites des modalités d'organisation et de gestion. L'agressivité de la concurrence, les exigences des consommateurs montrent que pour s'adapter à cet environnement mouvant il faut adopter une nouvelle vision de l'organisation fondée sur la bonne gouvernance et sur de nouveaux instruments de pilotage. L'intelligence économique peut être définie comme un « [...] mode de gouvernance dont l'objet est la maîtrise de l'information stratégique et qui a pour finalité la sécurité de l'économie et la compétitivité des entreprises » La gouvernance d'entreprise est un système de répartition des droits et des responsabilités des principaux acteurs de l'entreprise : dirigeants, administrateurs, actionnaires et salariés. Elle désigne l'exercice de l'autorité en vue de gérer une entreprise en prenant en compte tous les intérêts de ses parties prenantes. Une bonne gouvernance se caractérise notamment par la participation, la transparence, la responsabilité, l'efficacité et l'éthique. Le mode de gouvernance de l'entreprise permet de déterminer ses objectifs et les moyens de les atteindre et d'évaluer ses performances. [Lexique d'Economie, Ed. Dalloz 2008] En effet, la gouvernance d'entreprise renvoie à l'idée de pilotage d'entreprise. Celle-ci est compatible avec celle de l'intelligence économique vu qu'elle permet de réduire les asymétries d'information entre les actionnaires et les managers puisqu'elle crée et développe une culture collective de partage de l'information au sein de l'entreprise à travers une collaboration entre les différentes parties prenantes et notamment entre les actionnaires et les managers qui ont le plus souvent des coalitions d'intérêts différentes. Il ne suffit pas de collecter l'information, de la traiter et de la stocker, parce qu'on doit la diffuser à travers le partage et l'échange entre les différents acteurs pour créer de la valeur. Et ce à travers le dialogue, la coordination et l'intelligence collective qui permettent de mobiliser tous les acteurs pour renforcer l'adhésion à la politique stratégique menée. Par ailleurs, la coordination des acteurs et des stratégies constitue l'une des principales fonctions de l'intelligence économique qui consiste non seulement la recherche et le recueil de l'information, mais et surtout le partage de celle-ci à travers un échange entre les différents acteurs concernés (Etat, entreprises et collectivités). Cet aspect de l'intelligence économique la sépare de l'idée de guerre économique, de pratiques illégales et peu morales de collecte d'informations et d'actions d'influence. La coopération, réalisée par les différents acteurs ou parties prenantes au sujet de leurs activités constitue la pratique la plus intéressante de forme de coordination de l'intelligence économique dans sa mission de double harmonisation des acteurs et des stratégies de ces derniers. Selon J.L. Levet Coordonner les stratégies suppose : l'adoption d'un système de dialogue et d'intelligence collective. le recensement des possibilités de complémentarité au niveau de savoir et de savoir-faire, aussi bien à l'intérieur de l'entreprise qu'à l'extérieur ou entre entreprises. l'adoption d'une culture collective de l'information, de son système et de sa forme de sa circulation. la capacité de mobiliser des ressources matérielles et humaines en vue de renforcer l'adhésion à la politique menée. Cela étant, « […] pour une entreprise ou une organisation, l'IE est l'ensemble des moyens qui, organisés en système de management par la connaissance, produisent de l'information utile à la prise de décision dans une perspective de performance et de création de valeur pour toutes les parties prenantes […] » . Dès lors, l'intelligence économique apparaît comme un mode de gouvernance d'entreprise par excellence. Savoir, pouvoir et vouloir, tels sont les déterminants de la force de la compétitivité d'une entreprise . Pour qu'elle puisse préserver et adapter ses avantages compétitifs, l'entreprise doit avoir la capacité d'observation, d'analyse et d'anticipation des facteurs de l'environnement dans lequel elle évolue. Et c'est là que l'intelligence économique se met au service de la compétitivité : elle est un levier de la gouvernance compétitive qui permet à l'entreprise d'être capable d'entrer en compétition. En effet, l'entreprise doit être attentive aux deux indicateurs à savoir : le marché, le management. Elle doit également avoir la force de réactivité nécessaire pour agir surtout si on constate, par rapport au marché, certains dysfonctionnements liés à la baisse de la part de marché, à une désaffection de la clientèle, etc. Ceux-ci peuvent apparaître à cause d'un manque d'un management efficace. Et c'est à ce niveau que l'intelligence économique doit se mettre au service de la compétitivité de l'entreprise en élaborant les objectifs stratégiques pour atteindre les performances des opérations, du marché et surtout financière. Pour cela, l'entreprise doit avoir la volonté de se positionner sur le marché « vouloir », elle doit donc avoir une vision stratégique et une aspiration bien définies. Ensuite, vient le deuxième déterminant « savoir » : il s'agit pour l'entreprise de distinguer le besoin opérationnel du besoin stratégique : il s'agit d'optimiser l'existant (c'est-à-dire le management quotidien), tâche par tâche, fonction par fonction et de réaliser les ajustements localisés sans grande visibilité sur l'impact global, et ensuite le management par projet où l'on optimise la performance globale et où l'on se projette dans le futur à travers la détermination des objectifs ambitieux mais réalistes. Puis, vient le troisième déterminant « pouvoir » il s'agit des capacités de l'entreprise humaines, techniques et financières d'atteindre ses objectifs. Ainsi, l'intelligence économique permet la clarification des objectifs, leur conception en prenant en compte les facteurs environnementaux, la planification et la réalisation de ses objectifs, mais surtout elle permet l'évaluation de toutes ses actions et leur amélioration à travers les ajustements permanents. Elle est donc un outil qui permet d'instaurer les clés de la compétitivité. Elle se présente alors comme un instrument de « pilotage compétitif » qui permet à l'entreprise de gérer efficacement ses flux et ses opérations dans une dimension de « compétitivité ». C'est un « levier de la gouvernance compétitive » par excellence. Le concept de gouvernance induit en effet trois types d'inflexions par rapport aux pratiques traditionnelles : 1 - Un effort de rationalisation qui vise à réduire la part d'incertitude et d'aléas inhérents à toute action collective (démarche stratégique plus affinée, plus grande rigueur dans l'élaboration des choix et une évaluation systématique des effets des actions engagées). 2 - Une meilleure prise en compte de la diversité des pôles multiples de pouvoirs permettant de développer des procédures d'échanges, de concertation et de négociation entre ces pôles d'influences. 3 - Une volonté de développer des stratégies de participation pour impliquer les intéressés dans l'élaboration des décisions en les associant à la construction des choix collectifs. L'intelligence économique en tant que mode de gouvernance d'entreprise permet d'apporter un nouveau regard de l'entreprise et une nouvelle conception du pouvoir organisationnel qui permet de comprendre les conflits interpersonnels qui naissent au sein de l'entreprise et par conséquent d'agir. Elle permet également de stimuler la performance organisationnelle et managériale d'une entreprise, son positionnement et sa compétitivité. Adil CHERKAOUI Etudiant Chercheur en Management des Entreprises Master de recherche Finance Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales Université Hassan II Ain Chock Casablanca