A l'heure actuelle, l'entreprise se présente comme étant un système ouvert qui survit et se développe dans un environnement, lequel influe sa vision stratégique et son action opérationnelle. Elle est donc obligée de se référer à celui-ci pour prendre telle ou telle décision d'ordre stratégique et/ou tactique. En effet, l'environnement, dans lequel elle opère et évolue, se caractérise par la mutation et l'instabilité vu l'ouverture permanente de l'économie marocaine avec la multiplication des accords de libre échange et des conventions économiques internationales conclues avec plusieurs pays (les USA, UE, pays arabes et africains …). A cela s'ajoute également le développement spectaculaire que connaissent les nouvelles technologies de l'information et de la communication grâce à l'innovation technologie qui devient de plus en plus accentue, mais aussi la complexité des relations économiques internationales due à la crise de gouvernance du système mondial (1) qui entraîne une diversité des aléas, des incertitudes et des risques liés aux fluctuations imprévisibles des marchés mondiaux et qui font que la compétition économique acquiert une dimension internationale, d'où son agressivité. Dès lors, l'entreprise marocaine est confrontée à un problème majeur : c'est celui de la manière dont elle puisse procéder pour faire face au défi d'adaptation aux changements de son environnement afin de profiter, au maximum possible, des opportunités offertes en vu d'améliorer son positionnement sur son marché et d'éviter les menaces qui peuvent mettre en péril sa survie et sa pérennité. L'entreprise doit s'informer continuellement sur les composantes susceptibles de modifier ses choix et ses orientations stratégiques. Pour ce faire, elle doit impérativement adopter un système d'Intelligence économique (I.E). Il s'agit d'un ensemble d'actions coordonnées permettant d'offrir la meilleure information, au bon moment et à la personne qui en a besoin afin de prendre la décision la plus « appropriée ». Souvent confondue avec la notion « veille », l'I.E, en englobant cette dernière, remplit d'autres fonctions à savoir : Une fonction proactive permettant d'anticiper les tendances éventuelles de l'environnement global de l'entreprise et par conséquent d'y répondre ; Une fonction coordinatrice fondée sur la coordination des acteurs et des stratégies en vue d'optimiser la prise de décision ; Et enfin, une fonction protectrice visant la protection du patrimoine informationnel de l'entreprise. De là, il apparaît bel et bien que l'adoption d'un système d'I.E procure-t-il un avantage compétitif pour l'entreprise. La compétitivité d'une entreprise (2) se stimule par sa capacité de s'adapter aux changements de son environnement, son positionnement sur son marché et son aptitude à suivre, croître et se développer sur celui-ci. Pour cela, l'I.E est indispensable vu qu'elle permet d'informer l'entreprise sur l'évolution de son environnement (ses concurrents, ses clients, ses fournisseurs, ses partenaires…) à travers une surveillance continue et ciblée des acteurs qui le composent. Instrument de management de l'entreprise Les dirigeants d'entreprises sont considérés le plus souvent comme tout à fait rationnels. Or, l'activité économique et commerciale étant complexes et les variables décisionnelles multiples, ils ne peuvent en aucun cas être parfaitement rationnels ! Nous sommes donc face à une « rationalité limitée ». En effet, pour réduire l'irrationalité et la subjectivité, les dirigeants recourent à des outils d'aide à la décision dont notamment l'I.E qui, en recueillant les informations nécessaires aux réactions et aux anticipations des tendances éventuelles de l'environnement de l'entreprise, permet de maîtriser l'information stratégique en vue d'optimiser la prise de décision et ce en réduisant l'aléa, l'incertitude et le risque. Elle est donc un outil qui oriente les actions opérationnelles des entreprises et assure le rôle d'assistanat à leur « Top management » (3). Mode de gouvernance compétitive La gouvernance d'entreprise désigne la répartition des droits et des responsabilités des principaux acteurs de l'entreprise : dirigeants, administrateurs, actionnaires et salariés. Elle correspond à l'exercice de l'autorité en vue de gérer une entreprise en tenant compte de tous les intérêts de ses parties prenantes. Le mode de gouvernance d'une entreprise permet de déterminer ses objectifs et les moyens de les atteindre et d'évaluer ses performances (4). La gouvernance d'entreprise renvoie donc à l'idée de pilotage de l'entreprise. Celle-ci est compatible avec celle de l'I.E vu qu'elle permet de réduire les asymétries d'informations entre les actionnaires et les managers puisqu'elle crée et développe une culture de partage de l'information au sein de l'entreprise et ce à travers une collaboration entre les différentes parties prenantes, notamment entre les actionnaires et les managers qui forment, le plus souvent, des coalitions d'intérêts différentes. L'I.E permet, alors, une clarification des objectifs, leur conception en prenant en compte les facteurs environnementaux, la planification et la réalisation de ces objectifs. Elle évalue toutes ses actions opérationnelles et les améliore, continuellement, à travers des réajustements permanents. C'est un outil permettant l'instauration des bases de la compétitivité. Dès lors, l'I.E est un instrument de « pilotage compétitif » qui permet à l'entreprise de gérer efficacement ses flux et ses opérations dans une dimension de « compétitivité ». C'est un levier de « gouvernance compétitive » par excellence. Regard sur les entreprises marocaines Au Maroc, les grandes structures ont ressenti le rôle crucial de l'I.E d'autant plus qu'avec l'ouverture de l'économie marocaine qui a entraîne, en effet, une forte compétition économique dans plusieurs secteurs. C'est ainsi que nombreuses entreprises ont adopté des systèmes de veille et d'I.E, telles que : Méditel, OCP, RAM, LAFARGE, ONCF, CDG, La poste, BMCE BANK… Ceux-ci permettent de : Surveiller la concurrence, les clients et les fournisseurs ; Surveiller l'environnement technologique, réglementaire, politique, économique et social ; Faire de benchmarking ; Veiller les normes ; Réaliser une veille sécuritaire, continue et ciblée des acteurs composant leurs domaines d'activités. Pourtant, ces entreprises sont encore dans un stade de « veille » et doivent impérativement dépasser ses pratiques vers celles de l'I.E, qui sont plus larges, afin de consolider leurs croissances et développement. Quant aux PME marocaines, nous constatons un vide remarquable en la matière et en raison de leur petite dimension organisationnelle et avec peu de moyens financiers. A cela s'ajoute également le manque d'intérêts de la part des dirigeants de ces PME qui estiment connaître parfaitement leur environnement et, par conséquent, considèrent que le coût d'un système d'I.E est largement supérieur de la valeur procurée par celui-ci ! Malgré qu'elles soient les plus fragiles face à la concurrence, les PME représentent 90% du tissu économique national, et réalisent 40% du chiffre d'affaires et emploient 50% de la main d'œuvre (5). De là, de grands efforts s'avèrent nécessaire pour la promotion des pratiques d'I.E au Maroc afin d'améliorer la visibilité des entreprises marocaines, une visibilité indispensable à leurs performances organisationnelle et managériale et donc des grands projets doivent être déployés dans ce sens ! Adil CHERKAOUI Etudiant Universitaire, Chercheur en Intelligence Economique ------------------------------------------------------------------------ (1) Driss Guerraoui, « Intelligence économique et veille stratégique », Ed l'harmattan, p : 76-79. (2) Guide économie, compétitivité : www.economie.trader-finance.fr (consulté en Août 2011). (3) Serge Perrine, « Intelligence économique et gouvernance compétitive », la documentation française, 2006, p : 284-288. (4) Lexique d'économie, Ed. Dalloz 2008 (5) P.CLERC, « Intelligence économique au Maroc : innover dans le développement », les cahiers de l'orient, P : 118.