Alors que les responsables de Renault Tanger Méditerranée s'apprêtent à donner le premier coup de pioche à leur gigantesque projet, les opérateurs de Tanger craignent une mainmise du constructeur sur les ressources humaines locales. Les entrepreneurs tangérois le savent très bien. L'arrivée de Renault-Nissan va considérablement modifier le paysage économique de la capitale du Détroit, surtout du côté des ressources humaines. Une production annuelle de 200.000 Renault et Nissan dès 2010, 400.000 ensuite, 6.000 emplois directs, 30.000 indirects créés par les équipementiers… Sans compter la capacité de Somaca, qui est appelée à passer à plus de 100.000 véhicules montés/an dès 2009. C'est dire si à terme, la capacité globale installée dans la plate-forme Maroc sera de 500.000 véhicules/an. De quoi nourrir des craintes chez les opérateurs de Tanger qui ont émis des réserves. L'Association des Investisseurs de la Zone Franche d'Exportation de Tanger compte même prendre les devants. Ainsi, elle envisage d'étudier la question avec les responsables de Renault Tanger Méditerranée. «Nous avons des craintes quant à une éventuelle mainmise de leur part sur les ressources humaines par une politique de surenchère. En effet, nous avons en effet beaucoup dépensé dans la formation de nos ressources humaines dans différents domaines comme l'assemblage, le câblage, l'électricité… N'ayant encore aucune idée claire quant à la politique de Renault-Nissan en matière de ressources humaines, nous sommes inquiets et dans l'attente d'une clarification de la part du constructeur», souligne ce membre de l'Association des Investisseurs de la Zone Franche d'Exportation de Tanger. Contacté par Challenge hebdo, un responsable de Renault estime qu'il est encore trop tôt pour évoquer la question. «Nous sommes seulement dans la phase de lancement des travaux de terrassement qui devraient débuter en avril prochain. Mais, il y a lieu de noter que la politique de Renault en matière de ressources humaines s'accompagne toujours de formation. Dans ce sens, l'Etat marocain, à travers l'OFPPT, s'est déjà engagé à réaliser un centre de formation pour répondre non seulement à nos besoins mais aussi à ceux de nos sous-traitants et des autres opérateurs du secteur», dit-il. Un peu tôt pour aborder la question… C'est surtout la tension sur le marché de l'emploi dans le secteur automobile que les opérateurs, particulièrement ceux de Tanger Free Zone (TFZ), appréhendent. En outre, leur site, situé à une dizaine de minutes du lieu où sera basée la future plateforme de Renault (avec une voie-autoroute prévue dans ce sens), devrait accueillir une vingtaine de nouveaux sous-traitants, pour répondre aux besoin de Renault-Nissan. Pour ce faire d'ailleurs, TFZ a dégagé 300 hectares pour assurer leur accueil. Faurecia, deuxième équipementier européen, prépare aussi un investissement à TFZ de près de 154 millions de DH. Dans l'état actuel, le secteur automobile marocain ne peut subvenir à tous les besoins du constructeur. Aujourd'hui en tout cas, tous les regards des professionnels de l'industrie automobile sont tournés vers Tanger. Ce qui a amené récemment l'Association marocaine pour l'Industrie et le Commerce de l'Automobile (AMICA) à plancher sur un contrat programme. «Le tissu d'industriels n'est pas assez étoffé et manque de personnel qualifié. Ce qui explique d'ailleurs le fait que l'AMICA soit actuellement en phase de consultations dans le but d'élaborer un contrat-programme liant le secteur à notre ministère de tutelle», souligne ce membre de l'AMICA. En effet, ce contrat devrait définir un plan de développement qui prendra en compte des expériences réalisées dans certains pays, notamment de l'Europe de l'Est ou de la Turquie, qui ont connu un développement spectaculaire du secteur automobile après le déploiement d'un constructeur sur leur sol. Pour les professionnels de l'industrie automobile, il faudrait étoffer le tissu d'équipementiers automobiles dans certains domaines, dont notamment l'outillage, la plasturgie, le travail des métaux, et les hisser au niveau des standards internationaux. «Il s'agit aussi de favoriser des métiers qui n'existent pas. En matière de fonderie, par exemple, il existe des entreprises qui travaillent sur les composants pour moteurs, mais pas sur les composants pour châssis ou carrosserie», disent-ils.