Voyage d'un pinceau autodidacte : "Au Maroc, artiste indépendant est un chemin semé d'embûches"    Le Maroc, leader de l'exportation de green-tech vers les principales économies mondiales    L'Exécutif suspend les droits de douane sur le riz pour garantir la stabilité des prix    Agence Bayt Mal Al-Qods Acharif: des projets d'une valeur de 4,2 millions USD en 2024    Commerce illégal du chardonneret: L'ANEF renforce les dispositifs de contrôle    Electricité : le Maroc finalise bientôt les tarifs pour encourager les énergies renouvelables et l'autoproduction locale    Le CESE tient la 165e session ordinaire de son assemblée générale : onze publications adoptées en 2024 en plus du rapport annuel    Grâce aux drones israéliens, le Maroc a bâti un arsenal prodigieux, selon l'Organisation militaire africaine    Essaouira : Chrétiens, Juifs et Musulmans réunis autour de la « Bûche de la Fraternité »    Affaire «Groupe Al Khaïr» : Peines cumulées de plus de 70 ans de prison ferme    DGSN-DGST : Consécration internationale du modèle marocain    Innovation : une nouvelle dynamique dans la jeunesse africaine    La Russie met en orbite un satellite d'observation de la Terre à haute résolution    Botola Pro D1 (14è journée): la RS Berkane conforte sa place de leader en battant le SCCM (0-2)    BLS inaugure une plateforme logistique dans la banlieue de Casablanca    Comité Exécutif : L'Istiqlal salue hautement l'Initiative Royale pour la révision du Code de la Famille    Maroc-Arabie Saoudite: des relations solides, hissées au rang de partenariat global en 2024    France: les ministres du gouvernement Bayrou prennent leurs fonctions    Interview avec Bruno Tertrais : "Les BRICS restent un assemblage de pays aux niveaux de développement extrêmement divers, avec des orientations politiques très variées"    Imperium divulgue les chiffres clés de la presse nationale    La deuxième visite de l'Académie de Montréal au Maroc    Abdellah Haimoud prêt pour un nouveau chapitre en Europe    Exclu. Al Ahli Tripoli rentre dans la danse pour Clement Mzize    Real Madrid : Brahim Diaz aurait dit non au PSG    Le nouveau pouvoir annonce un accord avec les groupes armés pour leur dissolution    L'Anthologie du Zajal marocain contemporain    «La nuit nous emportera», nouveau roman de l'écrivain et artiste Mahi Binebine    Nizar Baraka : La recharge artificielle des nappes phréatiques pour sauvegarder les oasis    Mondial 2030 : 35 villes marocaines concernées par des projets de développement    Council of Moroccans living abroad commends suggested reforms to Family Code    Maroc - Espagne : Mort cérébrale après une collision entre des bateaux de trafic de drogue    «Sur les traces de l'esprit de Marrakech»    Starlink au Maroc : Quel impact économique et social ?    Préparatifs du Mondial 2030 : 35 villes bénéficieront de projets de développement    L'amélioration des prestations aéroportuaires réduira à moins de 25 minutes le temps entre l'atterrissage et la sortie des passagers de l'aéroport    La Chambre des représentants adopte à la majorité le projet de loi sur la grève    Bilan 2024 des services de la Direction Générale de la Sûreté Nationale    Tunnel d'Ourika : les études finales bientôt conclues, le coût global en dépendra    La Chambre des députés du Paraguay ratifie son soutien à la souveraineté du Maroc sur son Sahara    Revue de presse de ce mercredi 25 décembre 2024    L'AS FAR porte plainte contre l'entraîneur du WAC Mokwena    Wafasalaf lance sa nouvelle campagne d'engagement    Un joyau architectural chargé d'histoire et de patrimoine    Artisanat: célébration des "porteurs du flambeaux" des trésors des arts traditionnels marocains    La 2ème édition du programme « Trésors des Arts Traditionnels Marocains » célèbre ses Porteurs de Flambeau    Jazzablanca change de dimension : La 18e édition s'étendra sur 10 jours, du 3 au 12 juillet 2025 !    Football: Le Maroc, une "superpuissance émergente" (New York Times)    CHAN 2025. 9 pays valident leurs tickets pour les qualifications    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Pegasus et les élucubrations de Khabir l'espion [Par Adil Mesbahi]
Publié dans Challenge le 29 - 07 - 2021

Au croisement de la réalité et de la fiction, l'écrivain Adil Mesbahi tente de se frayer un chemin, à la recherche d'une vérité que nous saurons probablement jamais. Une affaire étatique d'un côté et un espion fictif de l'autre, pour un exercice léger qui sort des sentiers battus.
Acte 1 : Khabir...
Un numéro inconnu s'affiche sur le téléphone de Khabir, l'espion indépendant d'origine marocaine et formé par les services secrets français. Khabir ne répond pas. Le numéro insiste ! Khabir finit par décrocher.
― Monsieur Khalid, nous sommes heureux de vous confirmer votre vol et votre séjour à la Mamounia de Marrakech...
― Magnifique !
Pas un mot de plus de Khabir, son nom d'agent secret, qui dans la vie de tous les jours se prénomme Khalid. A peine raccroché, il s'empresse de consulter sa messagerie. Ce n'est pas un canular ! Un premier mail confirme le vol du prochain week-end et un deuxième le séjour de 2 nuitées dans la ville ocre. Ce qui le surprend, c'est qu'il s'agit d'un aller-retour depuis Bordeaux, alors qu'il réside à Paris ! Il check son courrier indésirable, à la recherche d'un Paris/Bordeaux, en avion ou en TGV. Aucune autre trace de réservation !
Lire aussi | Le monde arabe en 2033 [Analyse]
Acte 2 : les Américains...
C'est l'heure du shoot quotidien de Khabir. Direction le jardin des Tuileries pour son heure de footing, sa drogue douce de la journée. A petites foulées jusqu'à l'entrée du jardin, il accélère progressivement la cadence pour atteindre son rythme de croisière. Une heure plus tard, le voilà en train de s'étirer à l'ombre de son arbre préféré, à quelques mètres de la sortie rue de Rivoli.
― Khalid, quelle surprise de vous voir ici !
La dame qui arrive de nulle part s'assoit sur le banc à un mètre d'un Khabir tout en sueur et essoufflé.
― La surprise est mienne ! Moi j'habite Paris, c'est vous qui habitez New York depuis votre dernier poste de chargée de mission à l'ambassade américaine en France.
― Absolument, mais comme vous le savez, les Américains adorent Paris. Et moi, Paris m'a manqué depuis cette maudite pandémie.
― Je vois ça.
― Trêve de Blabla, c'était un plaisir de vous avoir vu Khalid, depuis le temps.
― Depuis le temps, les poules n'ont pas eu de dents !
― Je n'ai pas compris !
― Comme à l'accoutumée, je vous laisse chercher.
Khabir sait que la rencontre avec l'Américaine est tout sauf un hasard. En prenant sa douche, il s'attarde à revoir la scène de leur bref échange, à la recherche d'un indice. A peine habillé, un mail notifie notre espion indépendant, ni au service de Jupiter ni au service de Sa Majesté. L'objet du mail « BlablaCar vous remercie de votre confiance et confirme votre trajet Paris/Bordeaux ». Pourtant, Khabir n'a pas de compte sur cette plateforme ! Il n'a pas non plus réservé de trajet ! Plus besoin de chercher l'objet de la soi-disant fortuite rencontre avec l'Américaine, car comme elle lui avait dit : « Trêve de Blabla... » ; BlablaCar !
Vendredi 07h00, Palais des congrès, Khabir attend son véhicule pour le trajet Paris/Bordeaux. Une banale Clio noire s'arrête devant lui.
― Salut Khalid, tu es le dernier passager. Moi c'est Fred, on voyage à quatre, ma femme Béa et moi jusqu'à Bordeaux, et Pam, une Américaine qui fait un petit bout de chemin jusqu'aux châteaux de la Loire.
― Salut Fred, il reste de la place dans le coffre pour ma petite valise de cabine ?
― Absolument ! Nous n'avons pas de bagage, car nous passons le week-end en famille, et l'Américaine a une valise du même format que la tienne.
Installé à l'arrière, Khabir n'est pas surpris de découvrir que la passagère n'est nulle autre que l'ex chargée de mission à l'ambassade américaine de Paris.
― Khalid, on peut parler librement, le couple à l'avant est des nôtres.
― Le contraire m'aurait étonné.
― Khalid, vous comptez faire quoi dans l'affaire Pegasus ?
― D'abord, comprendre !
― Donc vous ne ferez rien ?!
― Pouvez-vous m'aider à comprendre, d'abord ?
― Pourquoi ce week-end au Royaume ?
― Ah ! Ok, donc ce n'est pas vous les organisateurs. Moi-même, je ne sais toujours pas ! Ni qui m'invite et encore moins l'objet.
― Dans l'histoire, il y a quatre parties ; les Israéliens, les Marocains, les Français et nous. Par élimination, il reste les Israéliens et les Marocains.
...
― Cela confirme bien ma déduction.
― Laquelle ?
― Que la société israélienne éditrice de Pegasus et détenue en partie par les Américains n'est autre qu'un cheval de Troie de votre NSA.
― Comment ça ?!
― Tout le monde sait que la NSA espionne la planète entière. Référence aux leaks de Snowden. Et tout le monde connaît la puissance de votre Patriot Act de 2001 et de votre Cloud Act de 2018, preuve en est l'espionnage de trois Présidents français : Chirac, Sarkozy et Hollande, et dernièrement de la Chancelière allemande Merkel.
― Et alors ?
― La NSA est passée à un niveau au-dessus de l'espionnage de masse, elle fournit une arme de surveillance par ciblage à des Etats, pour savoir précisément ce qu'ils veulent espionner ! Encore plus fort que de savoir des choses sur un pays, la NSA sait ce qu'il veut savoir chez les autres ; amis et ennemis.
― Intéressant ! Et donc le cheval de Troie serait ce logiciel d'espionnage israélien, fourni à des Etats et des organisations qui intéressent les Etats-Unis. Et avec Pegasus, outil à petit prix, sous couvert de lutte contre le terrorisme et la criminalité, il s'agit de savoir qui espionne qui ? Somme toute, espionner directement les services d'espionnage de plusieurs pays et savoir dans le détail ce qu'ils ont espionné !
― Surtout que vos lois vous donnent le droit d'accéder à toutes les données stockées aux Etats-Unis. Du coup, l'agence réputée la mieux informée au monde sait tout ce que les clients de Pegasus savent, puisque ces informations sont en partie sur les serveurs d'Amazon Web Services, sur le sol américain. A la tête que vous faites, on dirait que ma déduction vous a convaincue !
― Peut-être bien que oui, peut-être bien que non !
― A part ça, dites-moi quelle issue de cette histoire vous souhaitez ?
― Nous y sommes ; enfin ! Les Etats-Unis souhaitent que les choses continuent comme aujourd'hui. Après tout, plus de 40 pays utilisent Pegasus et il n'est pas question de céder à ce « caca nerveux » des services français.
― Message bien reçu.
Lire aussi | Pegasus. La cabale finit dans le ridicule
Acte 3 : les Israéliens...
Vendredi 15h, aéroport de Bordeaux. Assis à un café avant de s'enregistrer pour Marrakech, un visage connu s'approche de Khabir.
― Khalid, mon ami !
― Gad, que fais-tu ici ?!
Une scène d'étreinte en pleine pandémie, entre deux amis d'enfance vaccinés.
― En vacances. Nous avons atterri ce matin à Paris et nous voilà à Bordeaux. Nous allons passer une semaine dans le Sud-Ouest, avec ma petite famille.
― Magnifique ! J'ai le temps de vous inviter à partager mon café ?
― Une autre fois Khalid, je dois récupérer une voiture de location et j'ai de la route avant de m'offrir une fraîche. Khalid, par contre c'est moi qui t'invite à Marrakech.
Il dit ça en s'en allant, avec un léger sourire et un clin d'œil complice. Pourtant, Khabir ne lui avait pas dit où il allait ! Ça aurait pu être un autre pays ou une autre ville au Maroc, surtout que Gad sait que son vieil ami vit entre Paris et Casablanca.
Acte 4 : les Marocains...
Marrakech enfin ! La chaleur de juillet est au rendez-vous, même en début de soirée. Malheureusement pour notre espion, rien ne s'est passé dans l'avion. Il n'est pas près de se détendre pour profiter de son court week-end aux frais des Israéliens.
― Bonsoir sidi Khalid, vous êtes parmi nous pour 2 nuitées, formule tout compris. Votre suite vous attend et pour votre information, le séjour a été réglé. Permettez-moi de vous rappeler que conformément à votre souhait, une table pour trois a été réservée pour le diner de ce soir à 22h.
Bonne nouvelle, Khabir sera vite fixé. Ses invités du diner vont bientôt l'éclairer, car il ne les avait bien entendu pas invités, pas plus qu'il n'avait réservé le BlablaCar, l'avion, le séjour ou la table du diner !
― Osman, Toufik, quel plaisir !
Osman et Toufik sont des amis de Khabir et fort probablement au service de la DGST pour le premier et de la DGED pour le dernier. Reste à savoir comment cela se fait qu'ils sont ses invités à Marrakech, alors qu'ils sont Rbatis !
― Mes amis, si je vous dis que ce sont les Israéliens qui nous ont invités !
― Khalid, tu veux dire que ce n'est pas toi, les 2 nuitées et l'invitation pour ce diner ? Et le mail que tu nous as envoyé ?
― Quel mail ?!
Nous décidons de faire honneur à nos hôtes et assez vite, l'affaire Pegasus s'invite !
― Khalid, que penses-tu que nos amis Israéliens souhaitent savoir ?
― Certainement notre stratégie. Pas celle affichée aux yeux du monde, notre stratégie cachée.
― Encore faut-il que nous ayons une stratégie ! car cette affaire se résume à conjuguer le verbe SAVOIR au pluriel : « Nous (Marocains) savons, Vous (Israéliens) savez, Ils (Américains et maintenant Français) savent » !
Bien reposé pour le reste de son court séjour à Marrakech, notre espion aux deux visages de retour en France s'attend à revoir Gad dans la semaine. A moins que Pegasus n'ait été installé sur le smartphone d'Osman, de Toufik, ou même le sien ! Ils n'iraient pas jusque-là nos amis israéliens ! Encore est-il que Khabir n'a pas eu à rendre compte à Gad. Décidément, ils sont forts ces Israéliens.
Lire aussi | L'Allemagne veut pousser l'Union Européenne à tourner le dos au Maroc
Acte 5 : et les Français.
Assis seul à une terrasse de café parisien, Khabir est en mode studieux et semble faire le point. Il se dit que le message des Américains lui a été passé dès le début, que la stratégie des Marocains lui a été précisée, et que les Israéliens ont vraisemblablement été rassurés. Dans le topo, il ne manque que les Français.
― Khabir, c'est sympa de m'inviter à déjeuner, comment savais-tu que j'étais à Paris en ce début août ? Ne me dis pas que tu as piraté mon smartphone avec Pegasus !
― En tant qu'ancien DGSE, actuel expert cyber et éminent membre de la Cyber TaskForce, tu dois savoir si ton smartphone est clean. D'ailleurs, tu as certainement installé Tehtris pour en être sûr. Tu sais bien, le fameux outil développé par tes anciens collègues, capable de repérer le Pegasus israélien.
― Khabir, je plaisante ! Mais, dis-moi ce que tu penses de cette affaire, toi qui as été formé par nos services, avant certainement de proposer les tiens à nos amis marocains.
― Je n'ai jamais appartenu à un service, je suis en avance sur mon temps ; espion indépendant. Et pour te répondre, voilà mon avis sur le sujet. Les Américains espionnent la terre entière, Chirac, Sarkozy et Hollande compris. Les Marocains espionnent peut-être quelques milliers de personnes grâce aux Israéliens. Et les Français acceptent le fait d'être espionnés par les Américains, mais pas l'idée de l'être par des Marocains ! Somme toute, l'affaire Pegasus n'est rien d'autre qu'une histoire d'égos de services.
― Vraiment mon Khabir ! tu ne crois plutôt pas que c'est un excès de zèle d'une ONG ?
― Voyons ! Une ONG qui concentre ses attaques sur un seul pays ! Une ONG aussi bien informée ! Et informée par qui ? On se le demande !
Lire aussi | Abdelmalek Alaoui : «Le Maroc n'est jamais aussi fort que dans la tempête»
Ainsi, Khabir et son ami ancien espion français finissent sur une note plus détendue, car convaincus que les services savent dépasser ce genre d'affaires qui sont plus de l'ordre du message. Un simple message qu'on s'adresse occasionnellement et indirectement entre services, question de dire qu'on SAIT.
Avertissement : Khabir est une œuvre de pure fiction
Par Adil Mesbahi, écrivain
La trilogie Khabir : le premier opus est disponible exclusivement à la Librairie du Monde Actuel à Casablanca. Egalement en commande sur Amazon : bit.ly/KHABIR1
Tribune et Débats
La tribune qui vous parle d'une actu, d'un sujet qui fait débat, les traite et les analyse. Economistes et autres experts, patrons d'entreprises, décideurs, acteurs de la société civile, s'y prononcent et contribuent à sa grande richesse. Vous avez votre opinion, convergente ou différente. Exprimez-la et mesurez-vous ainsi à nos tribuns et débatteurs.
Envoyez vos analyses à : [email protected], en précisant votre nom, votre prénom et votre métier.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.