François Hollande et Angela Merkel ont proposé à leurs homologues européens une sortie de crise dans l›affaire de la surveillance des communications en Europe par les services de renseignements américains avec l›établissement d›ici fin 2013 d›un code de bonne conduite et de coopération. Cette initiative franco-allemande intervient alors que la multiplication des accusations d›espionnage envers la National Security Agency (NSA) en Europe a bouleversé l›ordre du jour du Conseil européen de Bruxelles qui était à l›origine consacré à des sujets économiques comme le développement de l›économie numérique. «Nous savons qu›il y aura d›autres révélations», a prévenu le président français qui a demandé des explications à Barack Obama après les informations du journal Le Monde révélant des écoutes à grande échelle sur des intérêts français, notamment dans des ambassades. La chancelière allemande, qui avait protesté à son arrivée au Conseil européen contre la mise sur écoute de son téléphone portable, une information démentie par Washington, s›est aussi faite l›avocate de l›apaisement. Angela Merkel et François Hollande ont ainsi invité leurs pairs à se joindre à eux dans une démarche qui vise à établir un «code de bonne conduite» pour normaliser les relations entre services de renseignements de part et d›autre de l›Atlantique et faire toute la lumière sur les pratiques passées des services américains. «Finalement, ces revendications peuvent être utiles», a jugé le président français qui a rappelé le statut d›allié des Etats-Unis. Dans un communiqué diffusé à la fin d'un dîner de travail qui s'est terminé dans la nuit, les Vingt-Huit «ont pris note» de l'initiative de Paris et Berlin sans pour autant se joindre à elle. Les dirigeants de l'Union européenne s'étaient quelques heures auparavant relayés toute la journée pour condamner les pratiques de leur allié américain. Alors même que les chefs d'Etat et de gouvernement se retrouvaient jeudi pour une première séance de travail consacrée au numérique, de nouvelles révélations ont apporté une dimension supplémentaire au scandale. Selon le journal britannique The Guardian, qui se base également sur des documents rendus publics par Edward Snowden, les Etats-Unis ont espionné les conversations téléphoniques de 35 dirigeants politiques à travers le monde. L'indignation a aussi gagné l'Italie où l'hebdomadaire L'Espresso publie vendredi des révélations sur l'espionnage de la Péninsule, de son gouvernement et de ses entreprises, par les services secrets américains et britanniques. Le chef du gouvernement italien, Enrico Letta, a critiqué dès son arrivée à Bruxelles des actes «inacceptables». Ces révélations à répétition n'ont cependant pas réussi à convaincre les Vingt-Huit d'adopter rapidement une nouvelle législation pour la protection des données personnelles, pourtant l'un des enjeux du sommet. Alors que la France souhaitait un accord si possible avant l'été 2014, François Hollande a indiqué qu'il faudrait peut être attendre début 2015 pour que de nouvelles règles soient approuvées. L'équilibre politique européen semble cependant se déplacer vers les tenants d'une protection accrue des données personnelles des citoyens européens et d'une ligne plus dure envers les Américains. Le président du Parlement européen Martin Schulz s'est dit partisan jeudi d'»une pause» dans les négociations sur un accord de libre-échange entre l'UE et les Etats-Unis si les faits d'espionnage concernant la chancelière était avérés. Les députés européens ont demandé eux mercredi la suspension de l'accord sur la transmission de données financières de l'UE vers les Etats-Unis, dit accord Swift, en réaction à cette affaire d'espionnage. L'espionnage, une activité légitime ? Une conseillère du président américain Barack Obama a admis jeudi que le programme de surveillance du pays avait créé des tensions «considérables» avec certains de ses alliés les plus proches, tout en assurant que ces activités sont légitimes. Les révélations de ces derniers mois «ont créé des tensions considérables dans nos relations avec certains de nos partenaires étrangers les plus proches», admet Lisa Monaco, conseillère d›Obama pour la sécurité intérieure et la lutte antiterroriste, dans une tribune libre publiée par le quotidien américain USA Today. «Bien que nous collectons le même genre de renseignements que tous les autres pays, notre communauté du renseignement est soumise à plus de restrictions et de surveillance que dans tout autre pays dans l›histoire», écrit-elle. «Le président a ordonné que nous examinions notre potentiel de surveillance, y compris à l›égard de nos partenaires étrangers», a ajouté Mme Monaco, rappelant que les moyens de renseignements des Etats-Unis sont certes «sans pareil», mais «pas sans limites». Cette prise de position d›un membre de l›entourage du président Obama intervient au moment où se tient à Bruxelles une réunion des chefs d›État et de gouvernement européens, qui se présentait initialement comme un sommet ne sortant pas de l›ordinaire et consacré notamment à l›économie numérique. Les révélations sur l›ampleur de l›espionnage américain, y compris contre la chancelière allemande, ont bousculé le sommet, Angela Merkel et François Hollande dénonçant ensemble des pratiques «inacceptables». Le scandale a pris encore de l›ampleur jeudi soir avec la publication d›un article du quotidien britannique The Guardian, qui a affirmé que l›Agence nationale de sécurité américaine (NSA) avait mis sur écoutes 35 dirigeants de la planète.