Le 8 mai dernier, l'expert en politique migratoire, Ruben Pulido, s'était exprimé dans les colonnes du quotidien espagnol « Ok Diario » et avait prédit que l'Espagne sera confrontée au cours de cette année 2021 à la « pire vague d'immigration clandestine de ces 10 dernières années ». Lors de ces prévisions il avait précisé que cette vague déferlerait essentiellement sur les plages espagnoles depuis les côtes algériennes. La méditerranée connait dernièrement une hausse impressionnante en terme d'immigration. A titre d'exemple, les immigrés irréguliers algériens étaient plus nombreux que les marocains au cours du premier semestre 2021. Outre les jeunes, la classe moyenne algérienne est de plus en plus désireuse de quitter son pays afin de fuir les différents maux du pays. La recrudescence des flux de migrants clandestins « est le signe de la profonde crise économique et sociale que traverse l'Algérie et le ras-le-bol d'une jeunesse désespérée qui n'a, comme seule alternative, que de quitter le pays ». Pour rappel, l'Espagne avait fait pression sur les autorités algériennes. C'est dans ce sens que le premier ministre espagnol Pedro Sánchez s'était déplacé l'année dernière en Algérie pour discuter de cet « épineux dossier de l'immigration clandestine ». Cette vague d'immigration algérienne vient au lendemain du ralentissement du Hirak et du potentiel changement en Algérie. En effet et d'après le quotidien algérien El Watan, « Le Hirak avait réussi à redonner de l'espoir aux Algériens et c'est pourquoi la poussée migratoire s'est ralentie ». La mauvaise passe de « l'économie n'explique pas à elle seule le boom migratoire actuel ». « Aujourd'hui, il existe un profond sentiment de frustration dû à une révolution inachevée, au maintien du statu quo politique et à la répression féroce des opposants », dit-il. Lire aussi | Les Espagnols jugent que leur gouvernement n'a pas agi avec fermeté contre le Maroc Chems Eddine Laalami, 30 ans, tailleur de métier, figure notable du Hirak, la révolte pacifique contre le régime algérien qui a débuté en février 2019 a perdu l'espoir que le Hirak réussisse à démocratiser le pays. Le dimanche 27 Juin, il s'embarque près d'Oran pour l'Espagne, avec 13 autres « harragas ». Il a eu la malchance que sa barque soit interceptée par les garde-côtes. Un tribunal algérien l'a condamné dimanche 11 juillet dernier à deux ans de prison, non pas pour immigration clandestine, mais pour avoir développé un « discours de haine », et fait preuve de « mépris à l'égard des institutions et la diffusion de fausses nouvelles ». « Quitter son pays est désormais, pour un jeune Algérien, sa raison d'être », affirme Fouad Hassam, militant de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme, qui suit de près l'évolution de l'émigration oranaise. « L'Espagne est donc le premier pays à subir les conséquences de cette frustration collective des Algériens. Selon les sources qui étudient le phénomène, 73% (4 005) des immigrants irréguliers qui ont atteint la péninsule et les îles Baléares au cours du premier semestre de l'année étaient des Algériens. Ils ont débarqué principalement à Murcie et à Almería. 800 autres sont arrivés dans cette province andalouse le premier week-end de Juillet, en plus de ceux du premier semestre de l'année. Une poignée de Syriens, d'Egyptiens et de Bangladais ont également pris la mer récemment depuis les côtes algériennes. Lire aussi | Crise Maroc-Espagne : le parti espagnol Anticapitalistas souffle sur les braises Les candidats à l'immigration de ces trois nationalités se trouvaient auparavant en Libye, mais ont renoncé à tenter la traversée de ce pays vers l'Italie ou Malte car, s'ils sont interceptés, ils sont renvoyés « manu militari » dans ce pays et placés dans des centres de détention où ils peuvent même être torturés. Le ministère espagnol dirigé par Fernando Grande-Marlaska fournit à peine des données sur l'immigration irrégulière, contrairement, par exemple, à celui de l'Italie, qui actualise presque quotidiennement ses chiffres, beaucoup plus détaillés que ceux de l'Espagne. Le ministère de l'Intérieur refuse, par exemple, de fournir la ventilation de l'immigration irrégulière en Espagne par nationalité que fait l'Agence des Nations unies pour les réfugiés. Le peu d'informations officielles disponibles en Espagne souligne que l'immigration explose cette année sur tous les fronts, à commencer par les îles Canaries, où un record avait déjà été établi en 2020. Au cours du premier semestre de l'année, 6 952 sans-papiers ont posé le pied sur l'archipel, soit 157 % de plus qu'à la même période l'année dernière. La nouveauté de ce premier semestre est toutefois que les Algériens représentent la majorité relative (4 005 ou 32%) des 12 622 arrivées par voie maritime en Espagne, devant les Marocains (3 810 ou 30,2%). À ce rythme, et avec la quasi-totalité de l'été entre les deux, ils dépasseront allègrement les 10 000 unités d'ici la fin de l'année. Les statistiques officielles n'incluent évidemment pas tous ceux qui, à leur arrivée, parviennent à passer les forces de sécurité. L'émigration du pays le plus peuplé du Maghreb – l'Algérie compte 43 millions d'habitants – vers l'Espagne est désormais considérée par l'Intérieur avec la même inquiétude que celle en provenance du Maroc. Les autorités algériennes se sont vantées pendant des années de contrôler efficacement leurs côtes sans avoir à « mendier », contrairement au Maroc, l'aide de leurs voisins européens et de l'UE. Ce n'est plus le cas. Lire aussi | Espagne : la crise avec le Maroc accélère l'arrivée des travailleurs saisonniers du Honduras