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BOURSE : le malaise s'Amplifie
Publié dans Challenge le 08 - 09 - 2007

Quand le marché jase, c'est qu'il y a le feu quelque part... L'introduction en Bourse de la CGI a remis sur la table la question de la maturité du marché. Surtout que, suite à l'affaire Addoha, les mobilières attirent les spéculateurs comme des mouches, à tel point que des centaines d'institutionnels ont souscrit pour la valeur. Leur nombre nous interpelle car il dépasse l'imaginable. Les bruits du marché attribuent à cette opération des côtés sombres que nous avons tenté de pister. Mais au-delà de ce que nous vous révélons dans cette enquête, le mal - le vrai - réside, sans l'ombre d'un doute, dans le système de régulation et de contrôle du marché.
Un chiffre pas comme les autres sème le doute sur la place financière casablancaise : au moment de l'introduction en bourse de la CGI (Compagnie Générale Immobilière), pas moins de 728 institutionnels étrangers ont souscrit à l'achat de la valeur. Mieux encore, en moins d'un mois, le titre de la filiale de la CDG (Caisse de Dépôt et de Gestion) est passé de 1.047 dirhams à la date du 10 août à 2.840 dirhams le 5 septembre, soit une progression de plus de 170%. Cette évolution, qui puise certainement dans les fondamentaux de la société, qui sont plus que satisfaisants, ainsi que dans le projet d'entreprise que la mobilière met en avant, bouleverse un marché fragilisé par une succession d'évènements : analyses contradictoires, contrôle défaillant, rumeurs de manipulation de cours... Plus grave encore est l'attitude qu'adoptent certains «golden boys » du marché en affirmant qu'il y a anguille sous roche : «ce n'est pas la CGI qui est mise en cause, mais le système dans son ensemble», martèlent-ils à qui veut l'entendre. Ils ont fini par développer une thèse mettant en exergue une machination de haut vol. Pour eux, il y a eu des ententes sur les prix et donc a fortiori sur les proportions des plus-values qu'obtiendraient des souscripteurs. Réalité ou pure spéculation suscitée par un sentiment de jalousie ?
Les zinzins marocains pas très emballés
au départ
L'opération d'introduction de la CGI est stratégique pour sa maison-mère. C'est la première fois que le holding introduit une de ses sociétés. Safabourse, autre filiale du groupe, a présidé le syndicat de placement. Elle a été secondée par les réseaux placeurs d'Attijariwafa Bank et du CIH en leur qualité de co-chefs de file. L'opération, qui a porté sur un montant de 3,5 milliards de dirhams (3,68 millions de titres), a aussi mobilisé l'ensemble de la communauté financière : sociétés de bourse et réseaux bancaires. L'introduction de la CGI avait toutes les raisons de réussir. Pour son directeur général, Mohamed Ouanaya, l'engouement sur la valeur s'explique. «Les fondamentaux de la société sont bons. Nous disposons de la confiance de nos clients aussi bien au Maroc qu'à l'étranger. Nous sommes adossés à un holding de renom, la CDG en l'occurrence. Nous présentons une qualité du business plan. Nous disposons d'un portefeuille assez équilibré sur l'ensemble du Royaume… Tous ces éléments ont contribué à l'évolution de la valeur. Et n'oublions pas que le secteur dans lequel nous opérons est très attractif ». En effet, le précédent de Douja Promotion Groupe Addoha a démontré que l'immobilier, avec ces 30% de marges nettes, présentait, et présente toujours, une très bonne opportunité d'investissement à long terme. Malgré ces faits, et si l'on en croit des sources dignes de foi, des institutionnels marocains n'ont pas exprimé un fort intérêt pour l'opération. Retour en arrière. La CGI allait entrer en bourse dans une conjoncture qui n'était pas des plus favorables. La tendance du marché était baissière. Les institutionnels étaient quelque peu frileux. Ces «zinzins», comme il est de coutume de les appeler dans le jargon financier, ont, pour un court laps de temps, «tourné le dos» aux équipes travaillant sur le dossier. La crainte de rater le coche a poussé le staff du syndicat de placement à prendre son bâton de pèlerin pour aller « vendre » la CGI à l'étranger. Un road-show a été organisé à Paris, Londres, Dubaï, Abu Dahbi, Bahreïn et au Koweït. En ce qui concerne les Etats-Unis, des «conférences call» ont été (seulement) organisées avec des institutions financières de renommée comme Golden Sachs. Cette tournée a été qualifiée de «pro» par le milieu financier marocain. Les équipes mobilisées pour cette mission ne pouvaient que s'en réjouir d'autant qu'elles pensaient avoir de fortes chances de séduire les étrangers, le risque Maroc étant de plus en plus apprécié sur le marché international. Or, une source proche du dossier, ayant suivi l'opération de près, présente les choses autrement. Pour elle, l'équipe qui s'est rendue à l'étranger s'est rendue compte du «désintéressement» des investisseurs qui voient dans le Maroc un marché encore cher. D'ailleurs, certains institutionnels n'avaient-ils pas tenté leur chance au Maroc, puis décidé de retirer leurs billes de la place ? La morosité du marché les a poussés vers la porte de sortie. Mais avec le temps, la confiance s'est rétablie et ils ont commencé à revenir sur le marché boursier. Il a fallu que des évènements nouveaux (analyses contradictoires sur certaines valeurs…) éclatent pour semer le doute dans les esprits des boursicoteurs. Le dernier date du mois de juin dernier. Une société de bourse émet des conclusions sur des valeurs du secteur cimentier. Une note de recherche, faisant référence à une révision à la baisse de la valorisation des titres, déclenche des incompréhensions auprès de la communauté financière. Elle juge les arguments infondés. Les opinions de ladite société de bourse allaient quasiment à contresens des faits. Au moment même où cette société émettait ses recommandations, les cimentiers, eux, ont annoncé un nouveau système de quota qui devait booster le cours de leur titre, donc le valoriser. Cette contradiction laisse songeur sur le fonctionnement du marché. Le gouverneur de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri, avait lui-même, lors de la tenue de la première session du Conseil National du Crédit et de l'Epargne, soulevé cet aspect et mis en garde les analystes sur les notes contradictoires qu'ils émettaient. Des professionnels encourageraient-ils la baisse des valeurs, donc leur vente, pour les racheter ensuite au moindre prix au profit de gros clients ? Si tel est le cas, il s'agit d'une manipulation de cours. Elle est condamnable lorsqu'elle est prouvée. Rares sont les enquêtes menées par les autorités de contrôle qui ont abouti à ce genre de conclusions. Des analystes, eux, malgré l'absence de preuves formelles, avouent pourtant que des manipulations de ce type existent. Quant à nous, sans preuves ou rapports incriminant des personnes, nous ne pouvons cautionner ce genre d'informations même si elles sont divulguées par des financiers avertis. Ce sont ces mêmes personnes qui, aujourd'hui, au regard du comportement de la Bourse, déplorent la tournure que prennent certaines opérations. Pour eux, les responsables sont forcément les hommes qui gèrent les portefeuilles. Avec du recul, un grand trader de la place a du mal à comprendre le niveau atteint par la valeur CGI qui s'élève, à l'heure où nous mettons sous presse, à plus de 2800 dirhams. «La CGI est une valeur sûre. Son cours mérite une évolution mais pas dans ces proportions». C'est ce même professionnel qui aujourd'hui pointe du doigt quelques gérants de portefeuille. Selon lui, certains prennent des décisions à la va vite sans mesurer l'impact qu'elles produiront. «Une forte correction n'est pas à écarter. Elle serait souhaitable pour ramener les cours à des niveaux plus réalistes». Un gestionnaire de fonds partage cet avis. Il va plus loin en faisant porter le chapeau à des «jeunots » qui contribuent à alimenter la bulle spéculative. «Ces personnes ne sont pas mûres professionnellement. Elles sont certes bardées de diplômes. Elles proviennent de prestigieuses écoles étrangères. Elles sont compétentes mais cela n'est pas suffisant. J'estime personnellement qu'elles n'ont pas encore la maturité et l'expérience nécessaires pour prendre les bonnes décisions. Il leur arrive parfois de prendre des décisions folles qui portent atteinte à leur propre portefeuille d'abord et au marché ensuite». Des Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM) auraient enregistré des performances négatives. «Cela ne peut être du qu'à une mauvaise stratégie de placement», admet un analyste. Et de poursuivre : «ils ont pu acheter du papier frais au prix fort alors qu'ils auraient pu l'avoir moins cher». C'est ce qui se serait produit avec la valeur de la CGI. Des gestionnaires n'auraient pas pris la décision au moment propice pour réaliser de bonnes affaires. Ils s'en mordent les doigts. D'autres institutionnels sont dans le même cas. Au départ, ils n'avaient pas montré un grand enthousiasme pour la valeur CGI. Le marché leur a prouvé le contraire. La CGI a dépassé toutes les espérances. Et si les institutionnels étrangers sont revenus en force souscrire la valeur CGI, c'est parce que la compagnie présente de bons fondamentaux. D'ailleurs, Mohamed Ouanaya ne manque pas d'ajouter que la compagnie présente de grands potentiels. Elle a un business plan bien ficelé. Elle dispose d'une assiette foncière conséquente de 1.900 hectares qui sera portée à 2.300 hectares. Malgré tous ces arguments, des sources réputées bien informées avancent qu'il n'était pas si facile de «vendre» la CGI à l'international. Les institutionnels n'étaient pas très convaincus. Et d'après leur thèse, un grand gestionnaire de fonds étranger a quand même été séduit, mais sous conditions. Il aurait demandé aux Marocains de lui garantir un bénéfice variant entre 10 et 20%. Une proposition inconcevable. «Pour convaincre les institutionnels étrangers, nous leur avons soumis des arguments valables sur l'entreprise elle-même. Et si nous avons pu évoquer un quelconque pourcentage, c'est lorsque nous avons présenté à nos interlocuteurs les performances boursières réalisées l'an passé par des sociétés opérant dans le même secteur. Nous leur avons avancé que la CGI, compte tenu des expériences passées, avait de fortes chances de réaliser d'aussi bons résultats. Qui aurait pu alors refuser de miser sur une valeur qui lui procure 20 à 30%», explique un analyste d'Upline. Le patron de la CGI est tout aussi catégorique. Il nous a assuré que rien de tel ne s'était produit. «Nous ne pouvons pas donner un engagement ou une garantie pareille à quiconque». Les réponses officielles sont formelles. Pourtant, des informations émanant de sources proches du dossier donnent d'autres détails qui laissent perplexes : après son retour de l'étranger, le staff marocain est parti convaincre (officieusement) des personnes pour qu'elles acceptent d'acheter la CGI un peu plus cher que prévu.
Les centaines de souscripteurs étrangers attirent l'attention
Le «deal» reposerait sur une hypothèse gagnante pour tous : les étrangers achèteraient au prix du marché et vendraient à des Marocains avec une plus-value de plus de 20%. Ces Marocains revendraient à leur tour les titres achetés avec une plus-value. Ils sont partis pour empocher une cagnotte intéressante car la valeur était promise à des niveaux vertigineux. Ils s'y seraient retrouvés. L'opération de spéculation aidant, tout le monde contribuerait à assurer l'évolution du cours de la CGI. Les étrangers avaient toutes les raisons de réinvestir sur le marché boursier national pour réaliser de bonnes affaires.
Contre toute attente et à la surprise générale, ce sont 728 institutionnels étrangers qui ont souscrit à la CGI. Une performance inouïe comparativement aux autres introductions : pas moins de 200 pour Maroc Telecom, 33 pour Addoha, 71 pour Fénie Brossette, 27 pour Colorado….. «La leçon d'Addoha y est pour beaucoup. Les étrangers ont vu ou entendu parler des performances réalisées. Ils n'ont donc pas voulu rater cette nouvelle occasion pour réaliser des gains», avance un analyste. Et de poursuivre : «beaucoup d'investisseurs étrangers se satisfont de trouver un investissement qui leur rapporte 20% ». Le nombre de 728 pourrait aussi s'expliquer par le fait que parmi ces souscripteurs, il se trouve de grands gestionnaires qui dirigent (chacun) des centaines de fonds. Les mauvaises langues, elles, ne le voient pas de cet œil. Selon certains initiés, il faudrait voir de plus près l'identité de ces investisseurs. Existent-ils tous vraiment ? N'y a-t-il pas des «prête-noms» dans la liste? Un financier chez Upline réfute ces accusations. Pour lui, il n'y a vraiment pas lieu d'alimenter pareilles suspicions. «Déjà, rien qu'en ce qui nous concerne, nous avons reçu pas mal d'investisseurs étrangers qui se sont déplacés au Maroc». Soit. Mais d'où viennent-ils ? Les résultats techniques de l'introduction de la CGI révèlent la nationalité des souscripteurs, toutes catégories confondues : personnes physiques, morales et institutionnels. Ils proviennent de 23 pays différents. On y retrouve par exemple des pays comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, les Emirats Arabes Unis, le Sri Lanka, la nouvelle Zélande, l'Irak, la Corée, le Bangladesh, le Panama…Nous retrouvons également des pays comme l'American Samoa, les Iles Vierges Britanniques, les Bahamas, Saint Lucie, Nauru, les Seychelles…Etonnant, non ? Même pour les introductions en Bourse d'Addoha, de Fénie Brossette ou Colorado, quelques-uns de ces pays sont inscrits parmi les institutionnels. Pour un grand trader de la place, cet aspect ne devrait pas soulever de soupçons. Lui a déjà traité ce genre d'opération avec ces pays-là. Son explication est simple : «de grandes firmes financières négocient avec leurs clients des mandats de gestion. Ils leur procurent toute la latitude d'acheter et de vendre des actions dans le monde au profit de leurs clients qui se trouvent dans les pays en question».
Des étrangers ont-il servi
de «prête-noms»
à des Marocains ?
Seul hic, ces clients peuvent avoir la qualité de personnes physiques dans ce type de pays. Et alors, direz-vous ? S'ils sont considérés comme tel, pourquoi donc les autorités marocaines leur permettent-elles de s'introduire dans la catégorie des institutionnels (cf encadré) qui a moins de contraintes que celle des personnes physiques ou morales pour investir ? La définition d'institutionnels pose donc problème.
Ce sujet a fait l'objet d'un débat avant même que l'opération d'introduction de la valeur ne démarre. Beaucoup de correspondances ont été établies entre les sociétés de bourse et le Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières (CDVM) sur ce point. La définition étant ambiguë. Selon un responsable au sein du Conseil, il y a bel et bien eu beaucoup de questions posées à ce sujet.
«Nous avons communiqué à ces établissements ce que nous entendons par institutionnels. Mais avant tout, il faut savoir que même dans les pays étrangers, il existe des difficultés à définir ce type de souscripteur. Nous nous sommes alors entendus pour le définir comme étant celui dont l'activité principale est l'investissement. Les sociétés de bourse par exemple ne sont pas considérées comme tel puisqu'elles font de l'intermédiation». Les centaines de souscripteurs d'institutionnels étrangers sont-elles toutes alors considérées comme tel? Difficile de répondre par l'affirmative ou la négative tant qu'il n'y a pas eu de contrôle à ce niveau. Aujourd'hui, aucune liste contenant des informations précises sur ces investisseurs n'est établie. Leur identité est par contre connue mais cela relève de la confidentialité, apprend-on auprès du CDVM. En l'absence donc d'éléments précis sur ces étrangers, des informations, vraies ou fausses, circulent sur le marché. « Lors de précédentes introductions, nous avons constaté que des personnes physiques marocaines, résidant au Maroc, demandaient à leurs familles ou à des amis installés à l'étranger de créer des sociétés pour se présenter en tant que souscripteurs sur le marché marocain. Ainsi, ils pouvaient augmenter leur chance en acquérant plus d'actions». Ces cas se seraient produits dans les introductions en Bourse des sociétés comme Addoha ou Promopharm. D'autres informations enflent aujourd'hui à propos de certains souscripteurs de la CGI, et plus particulièrement les étrangers. Quelques-uns auraient servi de «prête-nom» à des personnes physiques se trouvant au Maroc. Qu'est-ce que cela signifie? Il faut savoir que les personnes physiques sont soumises à des restrictions en matière d'investissement en bourse. Dans une introduction, un particulier n'a, par exemple, pas le droit de souscrire plusieurs fois. S'il désire obtenir plus de titres, il doit multiplier ses demandes en présentant des dossiers au nom de ses enfants, de ses parents… Selon les rumeurs, des personnes physiques auraient réussi à trouver une astuce pour augmenter leurs chances d'une autre manière, en passant par les institutionnels étrangers. Pourquoi eux ? Pour la simple raison qu'il était plus facile d'acquérir plus de titres via «l'ordre V», catégorie réservant près de 55% du nombre total d'actions offertes aux institutionnels. «L'ordre III et IV», réservés aux personnes physiques, résidentes et non résidentes de nationalité marocaine ou étrangère exprimant des ordres allant de moins de 300.000 dirhams à moins de 25 millions de dirhams, n'ont concerné, eux, que 37,5% des actions offertes. Certains institutionnels étrangers auraient-ils pu alors servir de tremplin pour permettre à quelques personnes de ramasser un joli pactole en jouant en bourse? Nous ne pouvons ni prouver ces allégations, ni pointer les personnes censées être remises en cause, ni dévoiler l'identité de ceux qui en ont bénéficié. S'il le voulait, le CDVM, qui, selon nos informations, a eu vent de ces rumeurs, aurait pu enclencher une enquête. Mais que nenni. Le gendarme de la bourse n'a pas (encore) jugé bon de lancer ce genre de procédure. D'autant plus qu'aucune plainte ne lui est parvenue. «Nous n'avons reçu pour l'instant aucune plainte de ce genre. Quant au contrôle, il est de notre devoir de le faire. Si nous nous apercevons de certains manquements, nous pourrons éventuellement mener des enquêtes», se contente d'avancer un responsable du CDVM.
Les «instits» marocains auraient pu être
mieux servis
Dans cette opération d'introduction, bien que tout le monde soit sorti (pour l'instant) gagnant, force est de constater que finalement, ce sont les étrangers qui ont eu la part belle. Les 728 institutionnels ont eu droit à 1.649.108 actions contre 166.813 pour les institutionnels marocains. «Le taux de satisfaction des demandes des institutionnels marocains est certes identique à celui des étrangers. Toutefois, si le nombre d'institutionnels étrangers n'avait pas été si important, nous aurions pu disposer de davantage d'actions dans nos portefeuilles», regrette un gestionnaire de fonds. Si la valeur avait été cotée sur une bourse étrangère, les «instits» marocains auraient-ils pu être mieux servis? Une source proche du dossier annonce qu'il était question de coter la CGI sur la bourse de Paris. Des problèmes d'ordre technique auraient bloqué l'opération. A la CGI, on a préféré esquiver le sujet. Ils ne sont donc pas déçus. Aujourd'hui, la majorité des centaines d'investisseurs étrangers s'en est allée. En quelques jours seulement, ces spéculateurs ont mené des allers-retours sur le marché boursier leur rapportant quelque chose comme 2,1 milliards de dirhams. Les étrangers se font fait énormément de «fric». La bonne nouvelle, c'est que «ces retraits n'ont pas déstabilisé la valeur. Elle a pu absorber ces chocs. Son flottant est dilué maintenant dans la masse. L'évolution du cours démontre la confiance qu'ont les souscripteurs dans les bons fondements de la société», souligne un analyste. De gros investisseurs marocains ont aussi profité de l'aubaine pour ramasser un maximum d'argent. C'est cela la bourse.
«Mais au Maroc, nous avons une mentalité bizarre. Lorsque quelqu'un perd de l'argent en bourse, personne ne le console. Mais lorsqu'il gagne plein d'argent, on trouve cela louche, anormal. C'est l'envie qui fait cela. Les gens qui font circuler les rumeurs sur des personnes qui auraient profité injustement de l'opération pour ramasser d'une manière ou d'une autre le plus d'actions sont envieux. S'ils avaient eux-mêmes gagné autant d'argent, ils seraient restés motus et bouche cousue», constate un analyste. Et de poursuivre : «quand bien même il y aurait tricherie, elle ne représente pas beaucoup». Au moins, c'est dit. Ce qui se passe aujourd'hui sur le marché boursier marocain devrait impliquer plus de rigueur de la part des autorités compétentes. Celles-ci pourraient par exemple se pencher sur un texte qui définirait mieux la qualité des souscripteurs. Elles pourraient aussi, si des rumeurs lui parvenaient, les infirmer ou les confirmer en enclenchant des enquêtes. Le marché boursier marocain n'est pas encore mature. Il faut le protéger.
Les opérations sur le marché de blocs attirent l'attention
Dès les premières séances de cotation de la CGI, le marché de blocs a été animé de manière impressionnante. C'est du jamais vu. Les 13 et 14 août par exemple, 1,2 et 1,4 milliards de dirhams d'actions CGI ont changé de main. Les niveaux de prix sont déjà très alléchants (cf tableau). Les grosses opérations attirent l'attention et suscitent des interrogations. Des étrangers ont cédé des blocs à des sociétés de bourse, alors que le cours du titre CGI était suspendu sur le marché central. L'opération en soit n'est pas anormale. Elle est légale. Le règlement général de la Bourse autorise de passer des opérations sur le marché de blocs même si la valeur est suspendue sur le marché central. Un gestionnaire de fonds explique que les opérations sur le marché de blocs alimenté par la valeur CGI sont « logiques ». « Les gestionnaires de fonds, qui ne connaissent pas le montant de leur souscription de rachat, peuvent avoir besoin de liquidité. Ils ont besoin de céder des titres pour subvenir à leurs besoins, parfois après la clôture de la séance. C'est dans cet esprit que nous avons demandé de permettre la vente sur le marché de blocs au-delà de la fermeture de la séance et même si la valeur est suspendue sur le marché de blocs». Cette mesure était nécessaire parce que les gestionnaires ne peuvent détenir plus de 10% d'une même valeur dans leur portefeuille. Auquel cas, ils sont lourdement sanctionnés par le CDVM. Pour liquider ses titres, la société gestionnaire peut alors aller vendre ses actions sur le marché de blocs. Il lui suffirait de trouver un acheteur. Mais à quel prix ? Et c'est là où le milieu financier s'interroge. A quelques jours seulement de la cotation de la CGI, la Bourse a publié un avis relatif aux conditions de prix appliqués aux transactions de blocs. Coïncidence ou pur hasard ?
Repères
Qui a eu droit
à la CGI ?
Dans la programmation de l'introduction en Bourse de la CGI, les équipes en charge du dossier ont établi cinq catégories de personnes pouvant souscrire à la CGI :
- Ordre I : réservé à l'ensemble des salariés de la CGI, 2% du nombre total des actions offertes
- Ordre II : réservé aux salariés de CDG Développement, de la CDG, du RCAR et de la CNRA, 5,5% du nombre total des actions offertes
- Ordre III : réservé aux personnes physiques résidentes et non résidentes, marocaines et étrangères, exprimant des ordres = à 300.000 dirhams et aux personnes morales exprimant des ordres = à 300.000 dirhams, 12,5% du nombre total des actions offertes
- Ordre IV : réservé aux personnes physiques résidentes et non résidentes, marocaines et étrangères, exprimant des ordres strictement supérieurs à 300.000 dirhams et inférieurs ou égaux à 25 millions de dirhams et aux personnes morales exprimant des ordres supérieurs à 300.000 dirhams ou égaux à 25 millions de dirhams, 25% du nombre total des actions offertes
- Ordre V : réservé aux institutionnels marocains (et OPCVM) ou étrangers exprimant des ordres = à 368.160 actions, 55% du nombre total des actions offertes.


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