Quand les semouliers ne parlent pas d'une éventuelle pénurie à venir, ils préviennent contre une augmentation sensible des prix de vente publics de couscous et de pâtes alimentaires. A moins que la réunion programmée début mars avec Aziz Akhannouch n'apporte une solution miracle. La situation serait critique, voire alarmante dans les prochains jours. Le Marocain, grand consommateur de couscous et dans une moindre mesure de pâtes alimentaires, pourrait être confronté bientôt à une rupture de stock. Selon une source proche du dossier, «la pénurie risque d'avoir lieu dans un mois au maximum en l'absence d'un plan de secours». Quelle en est la cause ? Une montée vertigineuse des cours du blé dur à l'international, qui ont atteint environ 1000 dollars américains la tonne contre seulement 320 dollars américains à la même période de l'année dernière. C'est sur ce même marché international que le Maroc puise son approvisionnement pour couvrir ses besoins en blé dur. Une matière première qui, une fois transformée, produit de la semoule destinée, entre autres, à la fabrication du couscous et des pâtes alimentaires.Certes, la hausse des cours du blé dur ne date pas d'hier. Elle remonte même à des mois, précisément à juillet 2007. Un mois qui a été marqué par une augmentation générale des cours des céréales suite à la reconstitution des stocks et à la cherté de la facture pétrolière, intrant de taille dans la production agricole. Pourtant, ce n'est que depuis quelques jours que l'on commence à parler à haute voix(ou presque) de ce phénomène et des risques qu'il peut engendrer en aval. Comment expliquer alors ce décalage ? Si pour le blé tendre, l'hémorragie a pu être arrêtée en septembre grâce à une énième intervention du gouvernement, par le biais de la Caisse de Compensation, le blé dur, libre à l'importation comme à la collecte, a subi de plein fouet l'effet de la hausse. Par ailleurs, «les importateurs ont été sauvés par les stocks qu'ils avaient constitués avant la hausse ou par les achats à terme qu'ils avaient conclus», explique une source proche des minotiers. Aujourd'hui, ces mêmes stocks commencent à se tarir, exposant le marché à l'un des deux risques suivants : une pénurie ou une répercussion de la hausse sur les prix de vente publics. «Jusque-là, il n'y avait pas lieu d'augmenter les prix vu que les stocks étaient achetés aux prix d'avant la hausse », ajoute la même source. Et de poursuivre, «les semouliers, qui ont toujours assisté aux réunions tenues avec le ministre de l'Agriculture, ont tiré la sonnette d'alarme pour la première fois en octobre dernier». Or, la priorité était accordée au problème lié au blé tendre, considéré comme un produit de première nécessité, alors que le blé dur est défini, quant à lui, comme un simple produit d'appel. Résultat : l'écart, qui a toujours été maintenu entre les deux produits et qui est de 30DH maximum le quintal, a triplé dernièrement. Pour une simple raison : le blé tendre ne procure pas la qualité physico-chimique nécessaire pour produire du couscous ou encore des pâtes longues. Il peut servir uniquement à la fabrication du pain. Seul le blé dur, importé essentiellement du marché américain, permet de fabriquer ces deux denrées. Pénurie ou pas ? Aussi, le Maroc, même dans le cas d'une bonne campagne agricole, produit très peu de blé dur, compte tenu de la capacité d'écrasement dont disposent les 80 unités industrielles basées sur le territoire national, soit 7 millions de quintaux. «La petite quantité récoltée est destinée notamment à l'autoconsommation ou est versée dans le circuit des minoteries artisanales», explique une source proche de ces semouliers. On comprend alors pourquoi le Maroc se tourne exclusivement vers le marché international et dépend par ricochet des fluctuations qui affectent les cours. Bizarrement, certains semouliers sortent du lot et arborent des propos apaisants quant à l'état des stocks pour les prochaines semaines. «La période la plus difficile est passée», tempère Mohamed Khalil, Pdg de l'unité industrielle Dari Couspate. «Les importateurs ont pris des postions (ndlr : financièrement parlant) sur les marchés pour assurer leur approvisionnement. Il ne faudra donc pas s'affoler, les importateurs vont assumer», ajoute le patron de cette entreprise cotée à la Bourse de Casablanca. Il est moins rassurant quand il s'agit de prévoir l'augmentation des prix de vente au consommateur final. «Il faudra composer avec cette donnée. Mais je crois que cette hausse ne sera que transitoire », répond-il. D'ores et déjà, certains semouliers parlent d'une augmentation éventuelle pouvant aller jusqu'à 4 ou 5DH le kilogramme. C'est en effet Aziz Akhannouch qui aura le dernier mot. Sa décision influera sur la décision des semouliers. En effet, une réunion entre les professionnels du secteur et le ministre de l'Agriculture et de la Pêche maritime est programmée pour la première semaine du mois de mars pour tenter de trouver une issue à ce problème de consommation. L'occasion aussi de discuter de l'après-accord qui a été conclu récemment avec les boulangers, les minotiers et les importateurs, et qui sera caduc le 31 mai de cette année. Selon des estimations non officielles, si les pouvoirs publics décident d'intervenir pour maintenir les prix au détail inchangés, cela pourrait coûter à la Caisse de Compensation environ 9 milliards de DH. A titre comparatif, la manne dédiée à la subvention du blé tendre est de 2 milliards de DH. Elle est de 12 milliards pour les produits pétroliers.