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Automobile : un protocole d'accord qui change tout !
Publié dans Challenge le 15 - 09 - 2007

Si des débuts timides sont enregistrés, beaucoup d'obstacles restent à surmonter. Avec l'arrivée d'un poids lourd qui change la donne, l'heure est à la reconfiguration de l'offre.
Dès le départ, les objectifs et la stratégie étaient clairs ! Dans le cadre des fameuses MED ZONES, le Maroc doit se positionner en tant que Low Cost Country (pays à faibles coûts) sur le marché mondial de la sous-traitance automobile. Deux raisons majeures : une main d'œuvre bon marché à proximité de l'Europe et de ses 28 sites de production situés à 72 heures de route, ainsi que la préoccupation des équipementiers européens et américains face à la concurrence de plus en plus rude des pays asiatiques. La sous-traitance automobile recèle donc un énorme potentiel pour le Maroc, les experts du Plan Emergence tablant sur un chiffre d'affaires additionnel de 7 milliards de DH et sur la création directement et indirectement de 40.000 emplois sur les dix prochaines années. Mais les difficultés étaient également évidentes dès le départ ! Si le chiffre d'affaires du secteur de la production automobile marocain atteint aujourd'hui 14 milliards de DH dont 7 milliards pour les exportations des équipements vers l'Europe, il faut dire que la seule vraie expérience marocaine en matière d'industrie automobile se limite à l'usine de montage Somaca et aux équipementiers qui gravitent autour et qui produisent essentiellement des câblages. Certes, la Somaca a fait beaucoup de chemin, principalement depuis son rachat par Renault et le lancement de la Logan qui s'en est suivi. L'usine de Ain Sebaâ produit aujourd'hui plus de 35.000 voitures, elle vise 90.000 unités pour l'année 2009 et surtout, elle exportera pour la première fois 8.000 Logan en Europe (France et Espagne). A titre de comparaison, ce sont actuellement 350.000 Logan qui sortent chaque année de l'usine de Renault en Roumanie…
Par ailleurs, certains succès commencent à être enregistrés au niveau de Tanger Free Zone (TFZ), avec la présence de plus d'une douzaine d'équipementiers de différentes nationalités (France, Espagne, Portugal, Etats-Unis, Japon…), intervenant dans les domaines du câblage, de la plasturgie ou encore du textile automobile. Le secteur automobile est actuellement le plus gros contributeur aux investissements dans TFZ avec 1,5 milliard de DH (40% du volume global) et il a créé plus de 16.000 emplois sur les six dernières années.
Mais le succès de la Somaca et les premières implantations au niveau de TFZ ne peuvent à eux seuls faire oublier les contraintes qui demeurent au niveau du volet automobile du Plan Emergence.
Des succès, mais aussi
des faiblesses
Le tissu de la sous-traitance automobile demeure encore très fragile au Maroc, il est très fragmenté et sous-capitalisé. Il est également peu diversifié au niveau des marchés destinataires, l'Union Européenne et le marché local absorbant près de 90% des produits. Il faut également tenir compte de la rude concurrence de pays comme la Turquie et la Roumanie qui pratiquent des politiques incentives très agressives. Par ailleurs, il faut souligner que jusqu'à présent, si la stratégie marketing du Plan Emergence insiste principalement sur la proximité avec l'Europe et sur le coût de la main d'œuvre, il n'y a pas encore de réelle visibilité en terme d'offre logistique. En effet, l'industrie automobile présente des caractéristiques spécifiques, elle nécessite des approvisionnements «Just in time» (juste à temps) et beaucoup de flexibilité. Les constructeurs automobiles veulent être assurés que leurs chaînes de production ne seront pas à la merci de retards de livraison qui résulteraient d'une mauvaise gestion logistique… Comme le souligne Larbi Belarbi, président de l'Association marocaine pour l'industrie et le commerce de l'automobile (AMICA) et PDG de la Somaca, «il faut qu'il y ait une cohérence de l'offre, des locaux véritablement prêts à l'emploi, une mutualisation des services logistiques et surtout, une équipe totalement dédiée à la réalisation de ces objectifs !». Il faut également insister sur la main-d'œuvre qualifiée, véritable faille au niveau de l'offre actuelle marocaine. Si jusqu'à aujourd'hui, la prépondérance des câblages nécessitait une main-d'œuvre d'un niveau de formation relativement peu élevé, il en sera tout autrement pour l'ingénierie, la recherche-développement ou le design ! Si la stratégie de formation de 15.000 ingénieurs à l'horizon 2010 s'inscrit parfaitement dans cette problématique, elle ne sera certainement pas suffisante pour satisfaire les objectifs du Plan Emergence… Avec l'avènement du méga-projet de Renault-Nissan dans la zone spéciale de Melloussa près de Tanger-Med, c'est une toute autre configuration qui se profile à l'horizon. Sans tomber dans des considérations bassement politiques, on peut dire en quelque sorte que c'est un résultat inespéré pour le volet automobile du Plan Emergence ! Les chiffres parlent d'eux-mêmes… avec un investissement d'un milliard d'euros, un objectif annuel de 400.000 véhicules assemblés (uniquement pour l'usine de Melloussa) et exportés à 90% vers l'Europe et le reste du monde, seulement 10 % des volumes revenant à la région au sens large (Maghreb, Proche-Orient et une partie de l'Afrique). Elle devrait conduire à pleine capacité à la création de 6.000 emplois directs et 30.000 indirects, avec les équipementiers. Enfin, la problématique de la disponibilité de ressources humaines qualifiées est également au cœur de ce méga-projet avec la programmation de l'ouverture d'un institut de formation aux métiers de l'automobile qui sera construit dans la zone franche de Tanger. Pour prendre la mesure de cet événement, il suffit de citer Carlos Ghosn, le patron de l'alliance Renault-Nissan, pour qui ce projet signifie «un investissement industriel sur trente ans» avec tous les effets d'entraînement induits (économiques, financiers, humains, stratégiques…).
De plus, le patron de Renault-Nissan a précisé qu'en termes de «coût rendu au client», l'usine de Tanger sera conçue pour être «la plus compétitive» du groupe Renault, elle fera la différence principalement sur ses futurs coûts salariaux et logistiques. Grâce au port Tanger-Med qui est un élément décisif, le coût de cette usine sera inférieur à celui de la Roumanie (Pitesti), voire même à la Turquie (Bursa). Pour Larbi Belarbi, «le secteur automobile sera la locomotive de l'industrie marocaine». Le patron de la Somaca précise que les appels de l'étranger n'ont pas cessé depuis l'annonce du projet de Renault-Nissan, beaucoup d'équipementiers voulant en savoir davantage. M. Belarbi souligne que ce méga-projet «va faire gagner 6 à 8 ans à l'industrie automobile marocaine» et que c'est un signe que le Royaume est maintenant positionné sur l'échiquier automobile mondial, en ajoutant que «la balle est maintenant dans le camp marocain». Du côté des responsables en charge du plan Emergence, il a donc fallu modifier et actualiser la stratégie concernant le secteur automobile. Alors que l'objectif initial visait essentiellement la sous-traitance orientée vers l'export, avec des constructeurs (usines d'assemblage) situés à l'étranger, l'usine d'assemblage de Melloussa deviendra un des plus gros clients des sous-traitants marocains. De plus, d'autres constructeurs automobiles commencent d'ores et déjà à être fortement attirés par la fameuse zone spéciale qui sera équipée d'une nouvelle autoroute et d'une nouvelle ligne ferroviaire de 27 km reliant l'usine au tout nouveau port en eau profonde de Tanger Méditerranée, dont la première tranche a été inaugurée le mois dernier.
Tous ces éléments font que du côté des équipes de Mezouar, l'heure est à l'intégration et à l'optimisation du projet de l'usine de Melloussa dans ce qui sera la nouvelle mouture du volet automobile du Plan Emergence.


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