Tant décriée par les hôteliers ces dernières années, l'hébergement chez l'habitant propulsé par les plateformes collaboratives Airbnb, Expedia et autres, partage aujourd'hui grandement la misère de ceux qui le clouaient au pilori pour « concurrence déloyale... voire illégale ». Laminée elle aussi par la pandémie du Covid-19 (revenus divisés par plus que trois en 2020), cette activité touristique serait-elle logée à la même enseigne au sortir de cette crise inédite ? Si le secteur de l'hôtellerie fait partie de ceux dont on a le plus numéroté les abattis depuis que le Maroc a décrété l'Etat d'urgence sanitaire avec des pertes estimées à plus de trente de milliards de dirhams pour la seule année 2020 et des centaines d'unités au bord du gouffre, son « auxiliaire collaboratif » du séjour chez l'habitant n'en fait pas moins partie également des plus grands perdants de cette crise sanitaire et économique inédite. Lire aussi |Le fonds Seaf Morocco Growth Fund investit dans une start-up française En effet, la montée en puissance ces dernières années au Maroc des plateformes collaboratives d'hébergement (Airbnb en tête), au grand dam des hôteliers qui y voyaient une concurrence déloyale (comme un peu partout au monde), a été complétement laminée par les conséquences de la crise du Covid-19. En 2019, ce sont près 25.000 logements (appartements, villas ou juste des chambres dans des logements un peu partout au pays) qui ont été mis en location par le biais d'Airbnb ou les autres plateformes et sites comme Booking et Expédia. Une activité qui a permis au Maroc de capter quelques 250.000 touristes (en provenance de dizaines de marchés émetteurs)...et a généré surtout des revenus de près de 1,5 milliard de dirhams. Certes, il s'agit là de revenus en grande partie défiscalisés et non déclarés en attendant, entre autres prérequis (entre mesures incitatives et moyens dissuasifs), l'entrée en vigueur de certains articles de la loi 80-14 relative aux établissements touristiques et aux autres formes d'hébergement touristique. Mais des revenus qui faisaient vivre ou mettaient un peu de beurre dans les épinards de plus de 24.000 marocains affiliés aux plateformes Airbnb et compagnies Or, avec la fermeture des frontières dès la mi-mars et la reprise très timide des arrivées touristiques à partir de septembre dernier (reprise largement compromise depuis quelques semaines par les reconfinements des populations ici et là en Europe), le secteur du séjour chez l'habitant devra connaître un véritable plongeon en 2020. Les professionnels estiment le manque à gagner en découlant d'au moins 70% en 2020 (soit plus d'un milliard de dirhams). Pour certains parmi les loueurs qui ont déjà perdu leur emploi ou une grande partie de leurs revenus professionnels à cause de la dégradation des conditions de larges pans économiques du pays, c'est la double peine ! C'est le cas de Hamid par exemple, cadre dans une société d'évènementiel à Rabat (jusqu'en été 2020) qui louait régulièrement une chambre de son appartement bien situé pas loin de la nouvelle corniche rbatie sur le site américain lancé à l'origine en 2008 dans la location de matelas gonflables et petit déjeuner chez l'habitant (Airbed and breakfast en anglais d'où la raison sociale actuelle). Aujourd'hui, ce jeune homme de 32 ans se retrouve sans emploi et sans ce revenu locatif additionnel qui lui permettait d'arrondir les fins du mois et d'aider ses parents avancés dans l'âge et n'ayant qu'une maigre retraite. Lire aussi |Karim Belhassan, nouveau Directeur général Adjoint de BMCI Le seul bémol pour ces loueurs de plus en plus nombreux est que la reprise du secteur touristique, tant espérée en 2021 (pas avant le deuxième ou le troisième trimestre hélas) se joue davantage au bénéfice des plateformes collaboratives qu'à celui des unités hôtelières classiques. Le pari derrière un tel horizon d'attentes est que les nouveaux enjeux sanitaires et les tropismes précautionneux qu'ils auront suscités chez les touristes et voyageurs, privilégieront immanquablement des structures à taille humaine, et donc par excellence les logements chez l'habitant, au détriment des unités hôtelières de grande capacité où la multiplication des contacts entre hébergés est inévitable (d'où un risque élevé de contamination). On verra bien. En attendant, prions que le Maroc accueille bientôt à nouveau les 7 ou 8 millions touristes (hors MRE) qui l'ont visité en 2019 et ce quel que soit leur mode d'hébergement.