Renvoi de balle entre Mehdi Selmouni Zerhouni, expert en propriété industrielle, et l'Ompic sur la procédure d'opposition. Pour l'expert, l'Ompic outrepasse sa compétence. Pour l'Ompic, l'analyse de l'expert est caduque. L'amélioration du climat des affaires passe aussi par une meilleure protection de sa marque. L'Ompic (Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale), chargé de recevoir les demandes d'enregistrement d'une marque et d'opposition, y joue un rôle central. La loi 17.97 relative à la protection de la propriété industrielle confère à cet établissement, sous tutelle du ministère du Commerce et de l'Industrie, le pouvoir de statuer sur les demandes d'opposition. Sa décision, devant être motivée, peut faire l'objet d'un appel. Cette mission judiciaire donne à réfléchir à Mehdi Selmouni Zerhouni, expert en propriété industrielle : «l'Ompic, en statuant en matière d'opposition, est devenu une juridiction spécialisée ayant une compétence exclusive en première instance. Or l'Ompic n'est pas formé pour accomplir une mission si difficile. L'actuel directeur de l'Ompic, au même titre que son prédécesseur, n'ont jamais été proposés par le Conseil de la magistrature et ne sont pas nommés par Dahir pour juger ou rendre des décisions susceptibles d'appel». La loi 17.97 limite le délai d'opposition à deux mois, à compter de la publication de la demande d'enregistrement d'une marque. Le mode de calcul de ce délai donne aussi matière à réflexion à M. Selmouni Zerhouni. Alors que l'Ompic se réfère à l'article 132 du DOC (Dahir des Obligation et Contrats de 1913) pour «convertir» le mois en jours (quand le «terme» est calculé par mois, on entend par mois un délai de trente jours entiers), Me Zerhouni estime qu'il faudrait plutôt recourir à la jurisprudence (Recueil des arrêts de la Cour suprême de 1969). Pour deux raisons au moins: le DOC relève du droit commun et la nuance est de taille entre «terme», que relate l'article 132 du DOC, et «délai» que fixe l'article 148.2 de la loi sur la protection industrielle. «Les délais francs que la loi fixe en mois se calculent de quantième à quantième, sans tenir compte de la durée du mois», précise Recueil. «Quand je dépose une demande d'opposition, ce dépôt ne résulte pas d'un contrat, mais de la loi et notamment de l'article 148,2. L'opposition n'est pas une obligation contractuelle et par conséquent, les deux mois sont un délai et pas un terme. Le terme est une notion liée au contrat», explique Me Zerhouni. «Les juridictions du Royaume n'ont jamais fait référence à l'article 132 du Code des Obligations et Contrats. C'est une catastrophe procédurale entraînant des dommages juridiques importants et privant de nombreux usagers étrangers et nationaux de défendre leurs droits dans le cadre de la procédure d'opposition», poursuit-il. Pour résumer : la référence au DOC ne tombe pas sous le sens, selon M. Selmouni Zerhouni. «Cette jurisprudence, qui date de 1969, traite d'un contexte particulier. S'y référer reviendrait à ignorer tant le travail législatif que les jurisprudences produits depuis cette date», rétorque Adil El Maliki, directeur de l'Ompic. Refus de juger Le refus de recevoir les demandes d'opposition dépassant les deux mois (soit 60 jours) s'apparente pour M. Selmouni Zerhouni à un refus de juger. «Le directeur de l'Ompic doit cesser de refuser la réception de tout document, lettre ou réclamation. Il doit accuser réception en fonction de la date de son arrivée et créer un service d'ordre en accusant réception de tout envoi. Il lui appartiendra par la suite d'accepter ou de refuser en justifiant ses décisions», estime M. Selmouni Zerhouni. Pour aplanir les difficultés que peuvent rencontrer les usagers dans la pratique, l'Ompic a mis en place un canal de communication qui, selon M. EL Maliki, «permet de débattre avec les professionnels de la propriété industrielle des sujets d'actualité en matière de propriété industrielle et vise à rehausser le niveau d'utilisation de la propriété industrielle par nos entreprises». Pour les magistrats, avocats et autres juristes, l'Office a également édité un guide sur les marques. Un document qui n'est pas de nature à plaire à M. Selmouni Zerhouni. Fruit d'une collaboration financière de l'Usaid et intellectuelle de Mohamed Zaoug, ex-magistrat à la Cour suprême, ce guide est balayé d'une seule main par cet expert conseiller en propriété industrielle. Ce dernier n'y voit aucune utilité puisqu'il «induit les gens en erreur», en raison notamment de sa référence à cet article 132 du DOC. «La procédure d'opposition ne constitue pas un préalable obligatoire à tout litige portant sur la légitimité d'un enregistrement de marque. Le titulaire d'un droit antérieur a toujours la faculté de s'adresser directement au tribunal», soulignent le (ou les) auteur(s) de ce guide, conseillant au passage qu'il est préférable de ne pas attendre le dernier délai pour le dépôt de l'opposition.