Lors de la rencontre du chef du gouvernement marocain avec des médias français (TV5, RFI et Le Monde) le 24 février 2013, une question lui a été posée au sujet du Mali et du rôle que le Maroc joue dans ce pays aujourd'hui. La réponse du patron du PJD a été désarmante d'innocence et d'ignorance, feintes ou réelles. Il a en effet répondu qu'il n'en savait rien, ce sujet dépendant, selon lui, complètement du roi. Qu'un Marocain moyen dise cela, à propos de n'importe quelle question publique l'intéressant de près ou de loin, il aurait toutes les excuses pour lui, parce que justement celui-ci est rarement effectivement informé de ce que fait ou ne fait pas son pays, ici comme ailleurs, en sa faveur, ou contre ses intérêts. Mais que le chef de l'exécutif gouvernemental communique ainsi, bien benoitement, sa méconnaissance à propos de l'un des plus brûlants sujets d'actualité régionale – combien sensible pour le Maroc – cela ne peut s'expliquer que par le trou noir constitutionnel et institutionnel où il se trouve. Soit une posture où non seulement il ne peut rien, mais aussi où personne ne juge ni utile ni adéquat de le tenir informé de ce qui se décide d'important au nom du Maroc, à l'international comme à l'intérieur. A ce propos on peut accessoirement relever que jusqu'à maintenant, on pensait qu'il n'était pas informé ‘'avant'' de certaines décisions, désormais on sait aussi qu'il ne se tient pas ‘'au courant, après. Si le chef du gouvernement, ‘'sorti'' des élections du 25 novembre 2011 voulait exprimer au pays et aux médias étrangers son impuissance et le caractère virtuel, totalement abstrait de ses fonctions, il ne s'y serait pas pris autrement. Pire encore, sur le sujet objet de la question des journalistes français, le toujours secrétaire général du PJD – un parti qui a condamné par la bande l'intervention militaire française au Mali, pour des raisons idéologiques – a convenu qu'il soutenait de son côté cette intervention, selon lui courageuse, probablement parce qu'il a dû apprendre, quand même, que les avions de combat français avaient été autorisés à traverser l'espace aérien marocain sur leur chemin pour aller bombarder ceux que beaucoup de soutiens de Mr. Benkirane considèrent comme leurs frères, aussi ‘'Djihadistes ‘' qu'ils soient, à Gao, Kidal et autre Sévaré. De la sorte, l'observateur neutre de la scène politique marocaine est en droit de nourrir plus d'un doute au sujet de la place et du rôle effectifs d'un chef de gouvernement tenu au secret d'affaires importantes où est engagé son pays mais qui, pour autant, et sur ces mêmes affaires, n'hésite pas à entrer en contradiction frontale avec les siens. Et lorsque le même chef du gouvernement soutient que : ‘' Je suis chef du gouvernement depuis plus d'une année, peut-être je n'étais pas préparé comme un athlète à un championnat mais jusqu'à maintenant j'ai l'impression que je m'en sors bien », on a envie de lui poser la question subsidiaire qui consiste à savoir ‘'de quoi ‘'. Lorsque, par ailleurs, et plus sérieusement, il tonne que : ‘' Pour la compensation, ce n'est pas tenable. Il faut dire aux Marocains la vérité. Nous allons réviser le système et mettre en place des aides directes aux citoyens qui sont dans le besoin ‘', on a envie de lui dire chiche. Tout en sachant qu'il n'en fera rien, pour la raison que déjà certains de ses ministres battent en retraite, arguant que ce serait le retour certain du ‘'Printemps arabe'' dans les rues marocaines. Comme quoi, le gouvernement que le Maroc s'est donné depuis début 2012 n'a strictement rien résolu. Ni dans les textes ni dans les faits.