Il a les traits juvéniles de ses vingt quatre ans. Pourtant, malgré son jeune âge, Eyass Shakrah compte parmi les directeurs d'un site de e-commerce qui s'impose déjà comme un acteur incontournable de la place. PAR NOREDINE EL ABBASSI Les choix qu'on fait dans la vie façonnent souvent la personne que l'on devient au fil des années. Eyass Shakrah est de ceux qui ont décidé de prendre des risques et sans passer forcément par des chemins tracés, censés mener à la réussite. De prime abord, il a les manières courtoises, et un style résolument jeune, malgré un classicisme forgé lors de son passage dans le domaine très policé de la banque d'affaires. Une chemise à carreaux et une veste sombre sur un pantalon beige, complètent l'ensemble. La touche de jeunesse se “manifeste" dans les chaussettes jaunes fluorescentes qu'il porte, lors de notre entrevue. Il explique que c'était dans un quartier “Ikea", où les meubles ne sont pas luxueux, et l'ensemble est plus fonctionnel que fastueux. Sur le plan familial, étant le dernier né, il doit donc s'imposer face à ses grands frères, dans une ambiance de saine émulation. “Nous étions constamment en compétition les uns vis-à-vis des autres. Que ce soit en cuisine, ou en lutte, nous essayions de nous dépasser", se remémoret- il, sans se départir de son éternel sourire. Eyass s'exprime en anglais, et ses paroles sont empreintes de l'accent rugueux de ceux plus habitués à parler les langues de l'Europe du Nord que celles du contour de la Méditerranée. Nous sommes au début des années 90, et Internet “débarque" dans la région. Le jeune Eyass se passionne immédiatement pour ce nouvel outil. Il comptera parmi les premiers jeunes qui se lancent dans le e-commerce. Constamment entre deux projets, il ne fait pourtant pas des milles, et le jeune geek est loin du millionnaire internet. A l'école, il fréquente des gens studieux et intègre la prestigieuse Cathédral School. Pour les loisirs, il est assez individualiste et pratique la boxe. Pour se dépasser, précise-t-il. Pendant l'été, la famille part en vacances en Espagne: “tous les suédois se rendent dans les mêmes régions. Il fait tellement froid qu'on essaye juste de s'échapper et de partir pour le soleil. On va dans des “all inclusiv" à peu de frais, et on bronze au soleil," explique-t-il. Mais les études restent sa priorité, et ses performances scolaires jouent en sa faveur. Le jeune Eyass est tout naturellement admis à la Stockholm School of Economics en 2007. Entrée dans la vieprofessionnelle Comme souvent, parmi les jeunes suédois, Eyass prend une année sabbatique après ses études secondaires. Il travaille alors comme manutentionnaire et occupe plusieurs petits boulots. Il en profite pour s'évader et aller à la découverte du monde. Il se rendra ainsi dans les Caraïbes. Mais l'année écoulée, il retourne sur les bancs de l'école. Là encore, il fait comme beaucoup de jeunes de sa génération: il travaille dans des banques d'affaires en parallèle, pour développer ses compétences. Il étudie trois années durant et obtient son bachelor. Entre-temps, il aura déjà travaillé dans trois différents établissements bancaires. “Dans le monde professionnel, le plus important est de tisser des contacts directement dans les entreprises que l'on cible. C'est plus parlant qu'un CV qui, même s'il comporte un diplôme de la meilleure école du pays, ne renseigne pas pour autant sur les qualités personnelles du postulant," analyse-t-il. Dans le système universitaire suédois, les cours ne sont pas obligatoires. Il peut donc préparer les examens en ayant travaillé les cours de manière autonome, chez lui. Cela lui réussit, et il obtient le fameux sésame en 2011. Sans trop tarder, Eyass est recruté par la prestigieuse banque d'affaires Goldman Sachs, qui compte nombre de ses anciens cadres dans les plus hautes fonctions dans les pays développés, tels les Etats Unis. Il déménage alors pour Londres et continue de travailler dans le domaine du conseil en fusion acquisitions dans la capitale britannique. Il alterne des heures interminables de travail, et une vie riche en rencontres et expériences. La capitale britannique est une métropole cosmopolite où il fait bon vivre. Mais rapidement, mais, peut-être en raison de sa jeunesse, il a soif d'aventures et de découvrir le monde. L'un de ses amis le recommande alors au site d'annonces en ligne, avito: “mon ami était sans doute la personne la plus intelligente du campus, qui s'est orienté vers le business internet. A l'époque, avito était implanté en Russie et cherchait à se développer. J'ai donc été pris pour m'occuper de la zone MENA, plus particulièrement le Maroc et l'Egypte," développe-til. Il quitte donc la banque d'affaires, après dix mois en Grande-Bretagne. Deux jours après son recrutement, il est en Egypte où il prend ses fonctions. Depuis 2012, il est basé à Casablanca, et l'entreprise ne cesse de gagner en parts de marché. Un parcours déjà prometteur. Mais, n'estil pas dit, que la valeur n'attend point le nombre des années ?