L'Inde vient d'autoriser l'importation par le Maroc 6 millions de comprimés d'hydroxychloroquine pour satisfaire les besoins du royaume dans sa lutte contre le Covid-19. Alors que son utilisation dans le cadre du traitement du coronavirus fait encore polémique, le Maroc maintient son protocole médical à base de chloroquine contre la pandémie. Et dans sa lutte, le Royaume peut compter sur l'Inde, usine à médicaments du monde, et avec qui, il a signé un Protocole d'Accord de Coopération dans le domaine de la santé en 2017. Shambhu Santha Kumaran, l'ambassadeur de l'Inde à Rabat revisite ce domaine de coopération, qui précise-t-il, ne se limite pas seulement aux importations. Interview. Challenge : Le Gouvernement de l'Inde a délivré au Ministère marocain de la Santé une licence d'exportation pour 6 millions de comprimés de Sulfate d'Hydroxychloroquine fabriqués par une société indienne IPCA Laboratories Pvt. La commande est-elle arrivée au Maroc ? Shambhu Santha Kumara : Oui. Je suis heureux de confirmer que la livraison est arrivée au Maroc depuis quelques jours. Challenge : Après cette première livraison, est ce que l'Inde est déjà prête pour satisfaire d'autres commandes du Ministère marocain de la Santé ? S.S.K : Absolument. L'Inde et le Maroc entretiennent des relations traditionnelles et très amicales. Nos dirigeants, le Roi Mohammed VI et le Premier Ministre Narendra Modi, ont conduit nos relations vers les plus hauts niveaux au cours de ces dernières années. Nos deux peuples s'apprécient énormément. Ainsi, l'Inde serait très ravie de satisfaire d'autres commandes du Maroc dans le secteur de la santé. L'Inde est l'un des principaux pays producteurs de produits pharmaceutiques. Depuis plusieurs années, il est le plus grand fournisseur des produits pharmaceutiques en Afrique ainsi que sur les marchés développés de l'UE et des Etats-Unis. Ainsi, notre pays est en mesure de fournir une très large gamme de produits. Pour cela, plusieurs produits pourraient être fournis au Maroc, notamment ceux qui sont liés aux différents protocoles de traitement contre la COVID-19. Pour citer un produit en particulier, les médicaments antiviraux, dont le Remdesivir, pour lesquels des entreprises indiennes ont récemment signé des accords de licence pour la fabrication et la distribution, peuvent être livrés en cas de besoin au Ministère de la Santé du Royaume du Maroc. L'Inde pourrait également fournir une gamme d'antibiotiques de grande qualité avec des petits prix. Je voudrais également souligner que pour l'Inde, cette coopération ne se limite pas seulement aux importations. Les grandes sociétés pharmaceutiques indiennes telles que Sun Pharma et CIPLA fabriquent plusieurs médicaments dans leurs usines au Maroc. Celles-ci contribuent déjà aux soins de santé de la population marocaine. Dans mes entretiens avec ces entreprises et d'autres, je note un grand intérêt d'élargir les activités de production au Maroc. Challenge : Le Maroc et l'Inde ont signé un Protocole d'Accord de Coopération dans le domaine de la santé en décembre 2017. Un Groupe de Travail mixte créé dans le cadre du Protocole s'est réuni en juillet 2018 à New Delhi. Qu'est ce qui a été réalisé depuis cette rencontre du Groupe de Travail mixte ? S.S.K : Le Protocole d'Accord est un accord permettant d'établir un cadre juridique de coopération. La première réunion du Groupe de Travail Mixte a examiné et défini les différents domaines de coopération, notamment les questions de santé publique couvrant les maladies transmissibles et non transmissibles, la pharmacie, en particulier le contrôle de la qualité des médicaments, ainsi que la formation et la recherche. La télémédecine était également un domaine d'intérêt qui, dans le contexte de COVID 19, est devenu un grand centre d'intérêt pour tous les pays. Le principal institut JIPMER de l'Inde à Puducherry et le Centre Hospitalier Universitaire Mohammed VI de Marrakech ont déjà établi des liaisons de télémédecine. Depuis la création du Groupe de Travail Mixte, nous avons eu des échanges de visites d'experts pour partager les meilleures pratiques. Nous avons également travaillé de manière à renforcer notre coopération en matière de médecine traditionnelle. Un projet de Protocole d'Accord de Coopération avec la partie marocaine est déjà partagé. Nous avons organisé la Première Edition de Morocco Ayurveda Week en 2018. Bien que la deuxième édition qui devait se tenir en avril 2020 ait été reportée, nous espérons l'organiser plus tard au courant de cette année. Par ailleurs, des entretiens intéressants ont été entamés sur des herbes traditionnelles disponibles au Maroc, et de la manière dont elles pourraient établir des liens mutuellement bénéfiques, en particulier dans le domaine des produits cosmétiques et nutraceutiques. Nous avons également convenu d'un Protocole d'Accord pour développer nos relations dans le domaine de la télémédecine, cela dans le cadre du programme indien e-Arogya Bharati, un programme entièrement pris en charge par l'Inde qui relie les hôpitaux Indiens très spécialisés à ceux du Maroc. La partie marocaine a identifié deux hôpitaux à Errachidia et Beni Mellal dans le cadre de cette coopération. Le télé-enseignement et la télémédecine feront également partie de la coopération envisagée. Généralement, notre programme est très vaste et ambitieux. Nous recevons des réponses positives de la part de la partie marocaine pour faire avancer ces idées pour leur mise en œuvre. Je tiens à remercier les responsables dynamiques du Ministère de la Santé du Maroc pour leur soutien actif. Challenge : Quels pourraient être les pistes de collaboration entre les deux pays dans le domaine de la lutte contre la covid-19 ? S.S.K : L'après COVID-19, la coopération dans le secteur de la santé sera certainement un axe d'une grande priorité pour tous les pays, y compris l'Inde et le Maroc. A court terme, l'approvisionnement des médicaments et du matériel médical sera naturellement au centre des préoccupations et ce à juste titre. A moyen ou à long terme, l'Inde est prête et souhaite travailler avec le Maroc dans tous les domaines qui l'intéresse dans le secteur de la santé. Nous avons plusieurs domaines de complémentarité, couvrant les services de santé, les diagnostics, les produits pharmaceutiques, etc. qui peuvent être explorés. De plus, il serait magnifique si nous pourrions mettre à la disposition du peuple marocain des médicaments ayurvédiques traditionnels indiens. Nous pourrions commencer par les nutraceutiques ayurvédiques, dont certains ont un grand pouvoir de renforcement de l'immunité. Pour l'instant, ces produits ne sont pas autorisés à la vente au Maroc et nous espérons que le Ministère de la Santé est favorable à un examen rapide et positif à ce propos. Lire aussi : Covid-19 : deux nouvelles régions dépassent la barre de 1.000 contaminations