Depuis ce 27 février 2020, les notaires ont baissé leurs rideaux pour entamer une grève de 48 heures afin de contester un avis du Conseil de la concurrence, favorable au plafonnement de leurs honoraires. « A l'heure où je parle (ndlr : 16 heures), je peut vous dire que le mouvement a été largement suivi par les notaires. Nous aurons les statistiques officielles du Conseil National de l'Ordre des Notaires du Maroc (CNONM) en fin d'après-midi », indique Me Mohamed Labdaoui, président du Conseil Régional des Notaires de la région de Béni-Mellal – Khouribga, qui précise que la grève a également pour objectif de sensibiliser l'opinion publique. Comment en est-on arrivés là ? Tout a commencé le 21 juin 2019 lorsque le Chef du gouvernement a saisi le Conseil de la concurrence pour avis sur le projet de décret fixant les honoraires des notaires. La saisine concerne précisément l'article 1 du projet de décret qui dispose que « le notaire perçoit des honoraires qui ne dépassent pas la tarification ». L'instance que préside Driss Guerraoui souligne que cette disposition « n'est pas en contradiction avec l'article 2 de la loi 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence ». Au contraire, « déterminer le plafond des honoraires est susceptible de préserver le pouvoir d'achat des citoyens assujettis ou désirant établir des actes notariaux, tout en permettant la concurrence entre les notaires et les autres professions juridiques ou encore aux nouveaux arrivants d'attirer des clients ». Dans cette même veine, le régulateur a appelé à « la protection du marché du notariat contre les pratiques anticoncurrentielles ». Par ricochet, toujours à travers cet avis n°03/19 du Conseil de la concurrence, le régulateur a recommandé de « généraliser le plafonnement des honoraires à toutes les autres professions réglementées ». Autrement dit, aux praticiens « offrant des prestations similaires à celles des notaires ». Comprenez bien par là, adouls et avocats habilités à rédiger des actes à date certaine. Quoi qu'il en soit, le document n'a pas tardé à être publié au bulletin officiel. « Nous ne comprenons toujours pas pourquoi le porte-parole du gouvernement s'est empressé de déclarer que le projet a été adopté », se demande Me Mohamed Labdaoui, également membre du bureau du CNONM. En tout cas, le 13 février dernier, le document a été publié au bulletin officiel. « Ce n'est pas la première fois que le Conseil de la concurrence se prononce sur la question. Son premier avis remonte au 22 novembre 2012. Celui-ci était totalement contre le plafonnement des honoraires. Autrement dit, le Conseil avait recommandé au gouvernement d'adopter des tarifs référentiels. Depuis, nous avons tenu plusieurs réunions autour de ce projet sous l'égide de l'ancien ministre de la Justice, Mohamed Aujar. En fin 2019, nous nous sommes entendus sur une version du projet qui excluait le plafonnement. Malheureusement, c'est la version modifiée de celle-ci qui a été présentée au Conseil », explique le président du Conseil Régional des Notaires de la région de Béni-Mellal – Khouribga qui souligne que « les notaires doivent percevoir leurs honoraires selon les tarifs fixés pour réaliser leur travail dans la transparence ». « Tout investisseur a besoin de savoir combien lui coûte une transaction. Le notaire n'est pas un commerçant et lorsqu'il commencera à négocier les tarifs, il perdra sa crédibilité », martèle Me Labdaoui. Pour la corporation des notaires, le revenu de leurs membres a considérablement baissé. « Nous remplissons une mission de service public car nous collectons des recettes pour le compte de l'Etat qui augmentent d'année en année pendant que nous constatons que nos revenus baissent. Le nombre de notaires a aussi augmenté : il est passé de 935 en 2012 à plus de 2.000 aujourd'hui », souligne Me Labdaoui. A noter que le Conseil national de l'Ordre des notaires du Maroc s'est déclaré « ouvert à toute initiative de dialogue » avec le gouvernement sur la fixation des honoraires.