Ce n'est guère la première fois que Thomas Piketty vient au Maroc partager ses idées et réflexions. Déjà, en 1997, il était présent à Casablanca, lors d'un débat sur « les enjeux de la question sociale » et les solutions de financement. Cette fois-ci, il est là pour débattre de son dernier livre « Idéologie et capital au 21ème siècle ». Thomas Piketty a su redonner sa vraie place à l'économie, en l'articulant étroitement aux autres sciences sociales, en particulier l'histoire et la sociologie, dans un contexte de mondialisation. La salle de la Bibliothèque nationale, à Rabat, a été archicomble. Même les personnes ponctuelles venues à l'heure étaient obligées de s'asseoir par terre ou rester debout au fond de la grande salle. Les yeux des participants exprimaient un grand besoin de se ressourcer, de nourrir leur intellect, de « rallumer la flamme » des idées progressistes. Non, Tina (There is no alternative) n'a pas totalement vaincu la pensée critique et progressiste. L'histoire ne s'est pas arrêtée et ne s'arrêtera certainement jamais. L'histoire n'est pas linéaire. Elle fait des va et vient, et contient beaucoup de surprises. Face aux inégalités sociales injustes, la résistance, voire la révolte, seront toujours nécessaires aux victimes pour pouvoir briser les chaînes visibles et invisibles. Le travail de l'intellectuel critique et progressiste est de lutter contre la « naturalisation/banalisation » des inégalités sociales non assimilables aux différences ou spécificités. Pour cela, dans « Idéologie et capital au 21ème siècle », Thomas Piketty plonge dans les racines historiques des inégalités sociales, au niveau mondial. Sa démarche est explicative. Elle est aussi constructive. Les mobilisations sociales ont besoin d'une « conscience-boussole » pour réhabiliter l'espoir, celui d'un « socialisme participatif », c'est-à-dire un vivre ensemble où tous les individus-citoyens sont acteurs, maitres de leur destin. A cet égard, face à la concentration excessive des richesses et à la croissance des inégalités sociales, surtout pendant les quatre dernières décennies, la fiscalité, pour Thomas Piketty est un chemin à explorer pour une transformation sociale pacifique. L'Etat n'est pas neutre. Il fait partie de cette réalité où les rapports de force doivent le faire évoluer pour qu'il devienne un acteur central au service de la justice sociale et avoir comme objectif ultime le respect de la dignité humaine, au sens universel du terme.