Dans le but d'améliorer le climat des affaires, le gouvernement vient de relancer le chantier de refonte du régime juridique des sûretés mobilières. Cette réforme, maintes fois reportée, est d'une grande importance pour la facilitation de l'accès au financement des entreprises qui peinent à mobiliser les garanties en couverture des crédits bancaires. Le dernier Conseil du gouvernement a examiné le projet de loi relative aux sûretés mobilières. La programmation de ce texte à cette date n'est pas anodine ; elle s'explique par l'approche du classement Doing Business au titre de l'année 2020. Ce n'est pas la première fois que le gouvernement agit de la sorte. L'année dernière, à la même période, il a soumis dans la précipitation au Parlement le projet de refonte du livre V du Code de Commerce qui a été adopté dans un temps record, contribuant ainsi à l'amélioration de la position du Maroc dans le fameux classement de la Banque Mondiale. C'est dire l'importance de ce rapport et la pression qu'il exerce sur les gouvernements à travers le monde pour opérer les réformes nécessaires à l'amélioration du climat des affaires. Mais il faut dire que malgré son importance pour l'amélioration du climat des affaires, la réforme des sûretés mobilières a trop trainé. Programmée dans le plan d'action 2013 du Comité national de l'environnement des affaires (CNEA), elle a été oubliée pendant des années sans raison apparemment valable à part la lenteur des rouages administratifs. Sachant que le projet de texte a été ficelé dans tous ses aspects dès 2014. Espérons que cette fois sera la bonne, car il est difficile pour le gouvernement d'atteindre son objectif de faire figurer le Maroc dans le top 50 des pays disposant du meilleur cadre réglementaire pour les investissements, à l'horizon 2021. Ceci pour la simple raison que notre pays est très mal noté sur l'indicateur (obtention des prêts), en raison notamment de l'indice relatif aux garanties qui a reçu la très mauvaise note de 2/12. Pourquoi notre régime des sûretés mobilières nécessite d'être révisé ? Disons-le clairement et sans hésitation, il est totalement obsolète car il appartient à une autre époque. A l'ère des nouvelles technologies, nos banques sont condamnées à suivre des procédures qui ont été introduites en bonne partie au début du siècle dernier. En total décalage avec la réalité actuelle, les textes en question ne nécessitent pas seulement de petites retouches, mais une solution de rupture qui tient compte des bouleversements profonds qu'a connus l'activité bancaire sous l'effet notamment des nouvelles technologies de l'information. Quels sont les maux de notre régime des sûretés mobilières ? Ils sont nombreux, mais limitons-nous aux plus importants d'entre eux. Tout d'abord, il faut mentionner la multiplicité des textes régissant les garanties mobilières à tel point, que même les professionnels du secteur bancaire trouvent de sérieuses difficultés à les cerner. En plus des dispositions du DOC portant sur le gage, il y a un nombre élevé de textes qui régissent chaque type de nantissement: nantissement des produits agricoles, nantissement du matériel et outillage d'équipement, nantissement de marchandises, nantissement du matériel roulant, nantissement des produits miniers, nantissement du fonds de commerce, nantissement de certains produits et matières, etc.). Un mode défaillant Et au-delà de la multiplicité des textes, tout le mode opératoire des garanties mobilières est défaillant, de la prise de la garantie jusqu'à sa radiation et éventuellement sa mise en jeu en cas de défaillance du débiteur. Le résultat est que ces garanties ont perdu toute crédibilité aux yeux des banquiers, du fait qu'elles ne procurent aucune sécurité en matière de recouvrement des impayés. Que prévoit le projet de réforme du gouvernement pour sortir de cette situation ? Préparé par le ministère de l'économie et des Finances avec l'appui d'organisations financières internationales (BERD, SFI et Fonds Monétaire Arabe), le projet de loi est innovateur sur différents points qui touchent tout le cycle de vie des garanties mobilières ; de leur constitution jusqu'à leur radiation. Dans le but de simplifier le système, le projet de loi prévoit un régime général des sûretés mobilières qui viendrait remplacer l'actuel système constitué de plusieurs régimes spécifiques portant chacun sur une catégorie de biens meubles. L'emprunteur aura ainsi la possibilité de «consentir des sûretés mobilières sur tous ses biens, y compris ceux qui sont utiles à son activité et ceux dont la dépossession est matériellement impossible comme les biens incorporels». Le projet de texte prévoit également la mise en place d'un système de représentation des bailleurs de fonds à travers l'introduction du statut d' «Agent des sûretés», dont le rôle est d'assurer la gestion des sûretés, de leur mise en place jusqu'à leur radiation. Ce mécanisme qui serait intégré dans le système juridique marocain pour la première fois, a pour but de faciliter les financements consortiaux par des pools bancaires. Et pour mettre fin aux différents registres de nantissement tenus par les tribunaux dans des conditions archaïques ne répondant ni aux exigences de sécurité ni à la transparence, le projet prévoit l'unification de ces registres à travers l'institution d'un Registre National des Nantissements qui fonctionnera de manière électronique. La mise en place de ce registre présente de nombreux avantages en termes de transparence, d'accessibilité, de délai et de coût. Les délais de mise en place des lignes de financement seront ainsi sensiblement réduits du fait que les inscriptions des garanties ne nécessiteront plus des déplacements dans les services des communes et des tribunaux. Un autre apport du projet et qui est de nature à renforcer l'intérêt des sûretés mobilières ; il concerne les conditions de leur mise en jeu en cas de non-paiement des crédits par l'emprunteur. Le régime actuel impose le passage par les tribunaux pour la vente des biens donnés en garantie. La pratique a démontré que cette procédure est préjudiciable aux intérêts à la fois du créancier et du débiteur ; les prix de vente sont souvent, pour différentes raisons, très en deçà de la valeur réelle des biens. Tout en gardant la vente judiciaire, le projet de réforme autorise le créancier et le débiteur à procéder à la vente des biens donnés en garantie sans recourir à la justice.