L'Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC) se mobilise, depuis sa création, pour accompagner les entreprises dans le développement de leurs actifs immatériels (marques, brevets d'invention, dessins et modèles industriels...). Son DG nous détaille sa stratégie pour les années prochaines et les actions menées par l'Office. Challenge : Comment évaluez-vous le parcours du Maroc en matière de propriété industrielle ? Adil El Maliki : L'économie mondiale s'est complétement transformée! En quelques années, l'immatériel s'est imposé comme moteur de développement technologique et économique, qui a façonné la cartographie des chaînes de valeur mondiales et a ouvert aux entreprises des possibilités considérables de réorganisation de leur Business autour d'activités à plus forte valeur ajoutée. Vu sous cet angle, le « Knwoledge management » est un ingrédient incontournable de la compétitivité de l'entreprise, voire d'une économie, qui lui permet d'assurer la maîtrise et la valorisation durable et visible de son capital immatériel. Au niveau national, le processus de développement de notre pays s'est axé sur la valorisation de son capital immatériel, pour en faire un levier majeur de création de valeur et un facteur de croissance économique et sociale. C'est dans ce cadre, que le Maroc s'est doté depuis 1916 d'un système de propriété industrielle qui offre les mécanismes de protection de la créativité et par conséquent, soutient les créateurs et novateurs dans la valorisation de leurs créations. Ce même système a fait l'objet de réformes majeures durant ces 100 ans, dont la dernière, en décembre 2014 et qui a permis de hisser le cadre légal de la propriété industrielle aux plus hauts standards internationaux. Aujourd'hui, les efforts consentis pour le développement du système de propriété industrielle, se reflètent à travers l'activité de demande de protection des droits de propriété industrielle au Maroc. En effet, chaque année près de 15.000 nouvelles marques sont enregistrées au Maroc, dont plus de la moitié sont 100% marocaines. Nous avons également plus de 5 000 designs déposés annuellement. Les dépôts de demandes de brevets d'invention ont dépassé pour la première fois le cap des 2000 demandes en 2017. Cette bonne performance prouve qu'une dynamique positive s'installe chez les entreprises marocaines en matière de propriété industrielle en général et des marques en particulier. Ce niveau de développement peut être mesuré également par l'évolution positive des indicateurs du Maroc au niveau mondial, particulièrement les indicateurs mondiaux publiés en décembre 2017 par l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) et qui s'appuient sur les statistiques 2016 de la propriété industrielle des 191 états membres de l'OMPI. Selon ces indicateurs, le Maroc se distingue par son classement à la 15ème place au niveau mondial en matière d'enregistrement de dessins et modèles industriels. Le Royaume est à la 42ème place en ce qui concerne les marques et 56ème pour les dépôts de brevets d'invention. En plus du rythme soutenu que connait le développement de la propriété industrielle au niveau national, il est à souligner que le Maroc joue un rôle clé dans les négociations et discussions internationales relatives au développement des politiques et instruments de protection et de défense des droits de Propriété Intellectuelle. Challenge : Quels sont les instruments dont dispose l'OMPIC aujourd'hui pour mener à bien sa mission? L'essence de la mission de l'OMPIC est d'être un vecteur d'accompagnement pour l'ensemble des composantes du tissu économique marocain, en vue d'atteindre une utilisation efficace et soutenue du système de la propriété industrielle et commerciale, capable de renforcer la capacité d'innovation et de créativité des entreprises et de ce fait, d'améliorer leur compétitivité. Pour accomplir cette mission, l'OMPIC a tracé une vision stratégique 2020, qui place son action au service des utilisateurs du système de la propriété industrielle et ce, à travers l'établissement d'un cadre légal moderne et l'appui nécessaire aux entreprises pour la protection de leur création et pour la stimulation de la créativité, de l'innovation et de l'investissement. Pour ce faire, l'OMPIC s'appuie sur des processus simplifiés, conformes aux meilleures pratiques internationales, et adopte des procédures d'examen pour délivrer des titres de propriété industrielle de grande qualité, offrant une sécurité juridique aux différentes parties prenantes. Le système de propriété industrielle prévoit en outre des mesures préventives et répressives visant à lutter contre la contrefaçon et permettant aux titulaires des droits de se prémunir contre des actes de contrefaçon ou de concurrence déloyale et de se défendre en cas de besoin. Ceci, est d'ailleurs l'un des avantages des droits de propriété industrielle. Par ailleurs, l'OMPIC mise énormément sur le digital et sur les nouvelles technologies en vue de concevoir une offre de services qui répond aux attentes et aux besoins de nos usagers et clients. Cette offre couvre principalement les services d'information en matière de propriété industrielle et du registre central du commerce à travers la plateforme www.directinfo.ma, et les démarches électroniques de dépôt et de maintien en vigueur des brevets, marques, noms commerciaux et dessins et modèles industriels. Challenge : Le Maroc maintient son positionnement au 72e rang sur 128 pays au classement de l'indice global de l'innovation en 2017. Quelle lecture faites-vous de ce classement ? Le «Global innovation index » explore une vision large de l'innovation, se basant à la fois sur les moyens mis en œuvre pour favoriser les activités innovantes, à savoir « les inputs de l'innovation », et les outputs ou les produits de l'innovation. Ce classement a permis de relever pour le Maroc un équilibre entre les outputs et les inputs de l'innovation. Cet équilibre maintient une tendance positive pour la cinquième année consécutive, illustrée par le score global de 32,7 obtenu en 2017 contre 28.73 en 2011, et affichant une évolution en termes d'outputs de l'innovation : le Maroc se situe à la 68ème place en 2017, alors qu'en 2011, il se trouvait à la 102ème place. Cette évolution a permis au royaume de consolider sa position en tant que leader en Afrique du Nord et dans le podium des pays les plus innovants sur le continent africain, après l'Afrique du Sud et l'Ile Maurice. Il est à souligner que le Maroc est considéré, pour la cinquième année consécutive, comme étant « Pillar Outperformer » : pays ayant des scores d'innovation qui dépassent ceux des économies équivalentes au niveau d'au moins quatre piliers du GII. Au niveau national, ces piliers sont notamment le capital humain et recherche, l'infrastructure et les produits de la créativité. Ce sont certes des motifs de satisfaction, mais il y a encore des marges de progression importantes. Challenge : Quelle lecture faites-vous de la relation université/entreprise en matière de R&D et d'innovation ? Les expériences les plus avérées en matière de transfert de technologie, émanant de pays comme les Etats-Unis, la Chine et le Japon, mais aussi dans des économies proches comme le Chili, reposent principalement sur la mise en œuvre d'une démarche R&D orientée business. La coopération entre les universités et l'industrie est fondamentale dans ce cadre. L'efficacité de cette coopération peut être appréciée à travers les indicateurs de dépôt des brevets en copropriété ainsi que les opérations postérieures aux dépôts, tels les accords de licence d'exploitation ou des cessions de brevets. Actuellement, cette activité est extrêmement limitée au Maroc. Je peux citer à titre d'exemple, quelques transferts de technologies réalisés par la Fondation Mascir et l'Université Internationale de Rabat. Des success stories sont également à souligner comme les startups LIPAV, spécialisée dans les technologies médicales et BIODOME, spécialisée dans la méthanisation des déchets organiques, et qui sont issues de résultats de recherche au niveau de l'université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès et l'université Hassan 1er de Settat (respectivement). Cependant, l'enjeu est d'atteindre une masse critique et d'établir les conditions nécessaires à la création d'un marché de transfert de technologie au Maroc. Pour ce faire, l'OMPIC avec le ministère de l'Industrie, de l'Investissement, du Commerce et de l'Economie Numérique explorent les moyens d'industrialisation des processus de l'innovation et de valorisation au Maroc. A titre d'exemple, l'Office accompagne des universités et des organismes de recherche pour la mise en place de structures de transfert de technologie (Technology Transfert Offices) aux standards internationaux. Une deuxième initiative est l'organisation d'espaces de rencontres entre la demande de solution technologique et l'offre, nommés « IP Marketplace ». Trois éditions ont vu le jour: La première édition organisée en célébration du centenaire de la propriété industrielle au Maroc en 2016. Cette bourse d'innovations a regroupé 31 porteurs de projets (22 marocains et 9 étrangers dont 4 africains) et des représentants de secteurs public et privé. Les secteurs d'activités phares de cette Marketplace sont: Industrie Métallurgique, Mécanique et Electromagnétique (IMME), Santé, Agro-industrie, Nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). La deuxième IP Marketplace organisée en marge de la COP 22 en novembre 2016, dans l'espace innovation du site de la COP. Cette exposition a concerné 47 solutions technologiques novatrices destinées à lutter contre le changement climatique et mises au point par des startups émanant du Maroc, de l'Afrique Subsaharienne, de l'Arabie saoudite, de l'Egypte, de la France et de l'Espagne. La troisième édition, organisée en marge de l'Industry Meeting Day en mai 2017, a couvert les secteurs de l'automobile et du textile technique. Elle a permis de mettre la lumière sur les évolutions technologiques aux niveaux national et mondial et de présenter 6 exemples de solutions innovantes développées par les PME et universités marocaines.