un grand colloque rassemblera le 8 novembre prochain de nombreux décideurs marocains et français à Paris, au Palais du Luxembourg où siège le Sénat. Le thème : «Le partenariat franco-marocain et la perspective de l'Union de la Méditerranée». En avant-première et en exclusivité, Fathallah Sijilmassi, Ambassadeur de SM le roi Mohammed VI en France, nous livre dans cette entrevue l'essentiel du propos qu'il développera devant les participants à cet important colloque. Challenge Hebdo : Excellence, vous avez bien sûr participé aux manifestations du récent voyage du président Sarkozy au Maroc. Votre sentiment à la suite de cet événement ? S.E. Fathallah Sijilmassi : tout d'abord il est hautement significatif, et même symbolique, que le tout premier voyage d'État du Président français à l'étranger se fasse au Maroc. Cela atteste de la densité, de la singularité et du caractère résolument stratégique de notre amitié et je dirais même plus, de notre alliance. Cela était vrai dans le passé, cela s'est trouvé fortement réaffirmé pour le temps présent et, surtout, propulsé dans l'avenir. Le caractère unique de nos relations bilatérales est amené à évoluer pour s'adapter aux nouvelles réalités des deux pays et du monde, mais elles s'inscrivent sans discontinuer dans une dynamique pérenne au service de nos intérêts respectifs et de nos valeurs partagées. C.H. : que penser des retombées concrètes de cette visite d'État ? F. S. : tout d'abord sur le plan politique, les discussions au plus haut niveau ont permis de mettre en évidence l'excellence des relations entre les deux pays, la parfaite convergence de vues sur les questions régionales et internationales. A titre d'illustration, je vous renvoie aux déclarations du président de la République sur le Sahara qui a réaffirmé le soutien de la France à l'initiative marocaine pour un statut d'autonomie au Sahara. Les deux chefs d'Etat ont également confirmé leur volonté d'œuvrer ensemble pour la promotion de la paix au Proche-Orient, en Afrique et dans le monde. Le partenariat stratégique entre les deux pays ne comporte donc pas uniquement une dimension bilatérale mais comprend également une dimension régionale et internationale. L'exemple le plus emblématique, à mon sens, est l'accord pour la réalisation du TGV marocain, avec une ligne de Tanger à Agadir, et une autre de Casablanca à Oujda. Tout va aller très vite désormais : les travaux démarreront dès le 1er trimestre 2008, et en 2013 la première ligne devrait être livrée. Tanger ne sera plus alors qu'à 1h 30 de Casablanca ! Outre le TGV, vous le savez, une convention a été passée avec l'Agence Française de Développement, l'AFD, pour le financement du projet d'assainissement de l'agglomération du Grand Nador. Par ailleurs, et afin de favoriser l'essor de notre secteur énergétique, un partenariat entre l'OCP et Areva a été mis en place, de même qu'un accord a été conclu entre Alstom et l'ONCF… Il convient de signaler, aussi, que la quasi-totalité du CAC 40, dont une moitié de patrons, ont accompagné le président de la République lors de son voyage. Par ailleurs, la coopération universitaire et académique n'a pas été en reste puisqu'un certain nombre d'initiatives concrètes ont été décidées, comme la création d'une université franco-marocaine à Rabat, projet pour lequel Sa Majesté Le Roi a mis à la disposition de la France un terrain à Salé, ou encore le lancement de discussions pour l'implantation au Maroc de grandes écoles françaises. La coopération avec la France s'inscrit désormais dans le cadre des plans stratégiques établis par le Maroc. À ce titre, il convient de relever la décision de la France à contribuer à hauteur de 8 millions d'euros à l'Initiative Nationale pour le Développement Humain, lancée par Sa Majesté Le Roi en mai 2005. C.H. : que retenez-vous de l'intervention du président français lors de la rencontre économique de Marrakech ? F. S. : j'aimerais insister, sur deux points de l'intervention du président Nicolas Sarkozy. Le premier, c'est la clarté et la force avec lesquelles il a affirmé sa confiance dans le Maroc et a salué son évolution politique et économique, rappelant justement que l'acte d'investir est un acte de confiance. Le second point, c'est aussi la prise en compte, côté français, et avec une certaine sérénité réaliste, qu'il n'y a plus de marché acquis ou protégé qui échapperait aux lois de la compétitivité. Cela étant dit, il est clair que Français et Marocains, dans une relation bilatérale gagnant-gagnant, sont plus forts ensemble pour affronter la compétition mondiale. Des deux côtés, les responsables des organismes patronaux, Moulay Hafid Elalamy, président de la CGEM, et Laurence Parisot, présidente du MEDEF, comme les deux co-présidents du Groupe d'Impulsion Economique Maroco-Français, Mustapha Bakkoury et Jean-René Fourtou, accomplissent un travail remarquable. À ce titre, je tiens à saluer le dynamisme et le professionnalisme de ces quatre personnalités et de leurs équipes qui ont très bien compris cela. D'ailleurs les résultats sont là pour attester de l'efficacité de la démarche à laquelle l'Ambassade du Maroc en France est heureuse de s'associer! C.H. : revenons sur votre expression, selon laquelle cette relation de cœur et de raison est aussi partagée par les peuples... À quoi faites-vous allusion ? F. S. : à l'évidence, il s'agit de la forte composante humaine des relations entre nos deux pays ! D'une part, environ 1 million de Marocains vivent en France. D'autre part, quelque 70.000 Français vivent au Maroc. En comparaison, cela peut sembler modeste, mais ce serait oublier les quelque 1,5 million de visiteurs français au Maroc, chaque année sans oublier les hommes d'affaires et les coopérants. On évalue donc entre 3 et 5 millions le nombre de personnes qui font annuellement des va-et-vient multiples entre les deux pays. Vous savez, dans un avion ou lors d'une réunion de délégations, il n'est pas toujours évident de se faire une idée juste de qui est Marocain ou Français... J'ai été très heureux de noter dans la délégation d'opérateurs économiques français la présence de jeunes chefs et dirigeants d'entreprise franco-marocains. Aussi, je tiens à rendre tout particulièrement hommage à la vitalité et au dynamisme de l'ensemble de la communauté marocaine établie en France. C.H. : quelle pourrait être la valeur ajoutée de ce partenariat d'excellence franco-marocain, dans la perspective nouvelle du projet d'Union de la Méditerranée ? F.S. : le Royaume du Maroc est favorable à ce projet et SM le Roi Mohammed VI s'est exprimé clairement en ce sens. Pour que nos lecteurs en comprennent bien les contours, rappelons ici que ce projet s'inscrit dans la complémentarité et non pas contre ce qui préexiste. Le Royaume continue de négocier avec l'Union Européenne un statut de partenariat avancé. De même, nous sommes partenaires de l'EuroMed, du «5+5», du Dialogue Méditerranée-OTAN, du Processus de Barcelone, etc. Dans notre esprit, tout cela est bien clair et ne saurait être remis en cause. En revanche, il nous apparaît tout à fait normal que les pays méditerranéens disposent d'une structure qui leur soit spécifique, comme elle existe d'ailleurs déjà en d'autres régions, par exemple entre les États riverains de la mer Baltique, ou encore en Europe centrale. La vraie question sera celle de l'articulation optimale entre tous ces ensembles, selon éventuellement un principe de subsidiarité à mettre en œuvre, en s'inspirant peut-être de ce qui est déjà pratiqué au sein de l'Union européenne. Les appartenances multiples à des ensembles à géométrie variable - c'est par exemple le cas de la France, avec l'UE, l'OTAN et l'OCDE - peuvent aussi être considérées comme un marqueur de l'intégration d'un pays dans le concert mondial. Et pour finir de vous répondre, au regard de la «valeur ajoutée», il est clair que l'expérience partenariale franco-marocaine ne peut que contribuer à surmonter les nombreux obstacles, voire servir de «boîte à outils» pour essayer de dupliquer au mieux ces bonnes pratiques partenariales, en bilatéral avec d'autres pays en Méditerranée, mais aussi, souhaitons-le, en multilatéral. L'expérience de nos excellentes relations bilatérales est l'une des raisons pour lesquelles j'ai acquis la conviction que cette idée d'Union de la Méditerranée est porteuse d'avenir ! C. H. : depuis deux ans, vous avez entrepris «Le Tour de France économique Maroc-Hexagone», promouvant ainsi le Royaume dans les métropoles régionales. Qu'avez-vous appris de cette expérience ? F.S. : j'y ai vu la France qui gagne ! Des réalités bien différentes de celles colportées par les «déclinologues» de salon ! Les capitales régionales - nous en visitons une par mois -, mais aussi les villes moyennes, bénéficient presque toutes de remarquables politiques urbaines, et d'impulsion économique. Les PME innovantes y sont très nombreuses, et j'ai acquis le sentiment qu'il ne leur faut pas grand-chose - peut-être juste d'être reconnues et sollicitées - pour que la plupart d'entre elles osent franchir le pas de l'internationalisation de leurs activités. Notre délégation a toujours trouvé le meilleur accueil et une coopération active de la part des autorités locales, ainsi que des groupements professionnels. Tout cela se passe dans un excellent esprit, la volonté d'aller plus loin dans notre partenariat est manifeste, et même enthousiaste. C'est pourquoi, et je vous l'annonce en avant-première, il a été décidé de continuer, et d'engager en 2008 notre troisième «Tour de France économique Maroc-Hexagone» ! C. H. : et pour l'Expo Internationale de 2012, à laquelle Tanger est candidate, et dont le jury international se prononcera à Paris le 26 novembre prochain, avez-vous trouvé en France le soutien que vous escomptiez, vous qui vous êtes beaucoup investi dans cette mission ? F. S. : la candidature de Tanger à l'Expo Internationale de 2012 est un acte de foi de la «Maison Maroc», lancée par Sa Majesté en personne, et portée par l'adhésion massive de la population marocaine. Aussi, vous connaissez la valeur symbolique de Tanger et la volonté du Royaume de développer puissamment nos régions du Nord. Alors, bien sûr, le soutien de la France, et de toute la Francophonie, nous ont beaucoup touché, même si nous nous réjouissons également des nombreux autres soutiens internationaux, dont ceux des pays amis et frères arabes. Je souhaite, à ce titre, saluer le travail remarquable accompli par M. Mohamed Hassad, Wali de Tanger-Tétouan et président de l'Association Tanger 2012 qui, avec ses équipes, travaille sans relâche pour la promotion de cette candidature. Sans oublier l'efficacité de l'appareil diplomatique marocain qui défend notre candidature à travers le monde. C. H. : quel est votre pronostic ? F. S. : nous respectons les deux autres villes candidates, de Pologne et de Corée du Sud, mais nous croyons fermement en nos chances et avons la conviction que notre candidature est considérée avec sérieux. Mais, dans un marathon, c'est la fin de la course qui compte ! Et puisque le jury se réunit le 26 novembre à 19h, je vous affirme que nous ferons campagne jusqu'à 18h 59 !