Le Maroc a réaffirmé cette semaine sa confiance dans sa position dominante en tant que principal fournisseur de tomates de l'Union européenne parmi les pays non membres, malgré la montée des tensions avec les producteurs agricoles espagnols. Cette posture résolue intervient alors que la Coordination des organisations d'agriculteurs et d'éleveurs espagnols (COAG) a annoncé, le 20 janvier, son intention de déposer une plainte auprès de la Cour des comptes de l'Union européenne. L'organisation accuse les importateurs marocains de fraude fiscale, alléguant qu'entre 2019 et 2024, «près de 230 000 tonnes supplémentaires de tomates marocaines auraient pénétré le marché européen chaque année dépassant ainsi le quota annuel de 285 000 tonnes fixé par l'accord de 2012 entre l'UE et le Maroc sur la libéralisation réciproque des échanges de produits agricoles et de la pêche.» Selon la COAG, l'Espagne aurait dû percevoir 71,7 millions d'euros de droits de douane sur ces importations excédentaires. Ces allégations s'inscrivent dans un climat de mécontentement croissant au sein du secteur agricole espagnol confronté à la compétitivité des produits marocains, laquelle est favorisée par des coûts de production abordables et des conditions commerciales jugées avantageuses. Rabat ne lèse pas sur les arguments Du côté marocain, ces accusations sont perçues comme des tentatives récurrentes visant à entraver la progression des exportations nationales. «Nous avons pris connaissance de cette position par voie de presse, mais nous n'avons reçu aucun document officiel à ce sujet», a déclaré Lahoucine Adardour, président de la Fédération interprofessionnelle marocaine de production et d'exportation des fruits et légumes (Fifel). Il a ajouté : «Ce n'est ni nouveau ni surprenant. Depuis des années, les producteurs espagnols cherchent à freiner nos exportations, sans succès.» L'industrie marocaine de la tomate a connu une croissance remarquable au cours de la dernière décennie, bénéficiant de conditions climatiques favorables, de coûts de main-d'œuvre compétitifs et d'un cadre douanier avantageux. Cette tendance a permis au Maroc de surpasser l'Espagne en tant que principal fournisseur de tomates de l'UE. L'écart s'est encore creusé en 2022 en raison de la flambée des coûts de l'énergie en Europe, exacerbée par la guerre en Ukraine. Malgré les pressions, les exportations marocaines demeurent solides. Au cours de la saison 2022/2023, le Maroc «a expédié un volume record de 539 307 tonnes de tomates vers l'Union européenne», selon des chiffres officiels. Les producteurs espagnols, notamment dans les régions où la culture sous serre est prédominante, ont été particulièrement affectés par la hausse des prix du gaz, rendant difficile la concurrence face aux méthodes de culture en plein champ du Maroc. Frustrés par ces désavantages économiques, les agriculteurs espagnols ont intensifié leurs démarches pour contester la présence marocaine sur les marchés européens. En 2023, la Fédération espagnole des associations d'exportateurs de fruits, légumes, fleurs et plantes vivantes (FEPEX) a sollicité une aide d'urgence équivalente à 10 % de la valeur de la production de tomates commercialisée, dénonçant l'influence croissante du Maroc dans le secteur et critiquant la faiblesse de l'application des règles commerciales de l'UE.