L'Algérie s'est distinguée, depuis des mois, par son implication dans de nombreux arbitrages commerciaux qui ont secoué plusieurs groupes industriels espagnols. Si elle a récemment levé toutes les restrictions avec Madrid pour favoriser un retour à des niveaux commerciaux similaires à ceux d'avant la crise diplomatique de 2022, elle fait preuve d'une fermeté maximale lors des litiges avec les entreprises espagnoles, lesquelles continuent de se débattre dans un climat d'incertitude, souvent alimenté par des exigences financières de plus en plus élevées. L'Algérie profite des crises de quelques grandes entreprises industrielles espagnoles en nourrissant des litiges juridiques et des arbitrages complexes. En octobre, elle représentait 53 % des importations totales de gaz naturel espagnol et 37,9 % des importations totales sur les dix premiers mois de l'année. Récapitulons : en 2022, à la suite du soutien du gouvernement espagnol au plan d'autonomie marocain pour le Sahara, l'Algérie avait suspendu le traité d'amitié avec Madrid, imposant des restrictions commerciales qui ne touchaient toutefois pas le secteur du gaz. Mais, en 2024, après une reprise jugée poussive des relations diplomatiques, l'Algérie a levé l'essentiel des restrictions, permettant un retour progressif aux niveaux commerciaux bilatéraux d'avant la crise. En 2023, l'Espagne a exporté vers l'Algérie pour une valeur de 331,8 millions d'euros, soit une chute de 67,5 % par rapport à 2022 (1 021 millions d'euros), et près de six fois moins qu'en 2021 (1 888 millions d'euros). Les litiges entre les entreprises espagnoles et les autorités algériennes ont connu plusieurs rebondissements. Le plus récent est celui entre Naturgy et Sonatrach, la société pétrolière et gazière publique algérienne. En juillet, un accord (contraignant) a été conclu pour réviser le prix des contrats d'approvisionnement en gaz naturel. Cependant, d'autres entreprises ont fait face à des arbitrages de grande envergure, dont l'issue reste incertaine. Duro Felguera, entreprise espagnole en difficulté financière, a vu ses problèmes s'aggraver avec la demande d'arbitrage déposée par Sonelgaz, la compagnie nationale de l'électricité, concernant la suspension du contrat de la centrale à cycle combiné de Djelfa. La somme réclamée s'élève à 413 millions d'euros, un montant qui pèse lourdement sur les finances déjà fragilisées de Duro Felguera. En raison de cette situation, la Commission nationale du marché des valeurs mobilières (CNMV) a suspendu la cotation de l'entreprise en Bourse et l'a contrainte à provisionner 100 millions d'euros pour le risque lié à ce conflit. Ce différend s'ajoute à d'autres problèmes juridiques que l'entreprise rencontre, notamment avec le Venezuela, l'Argentine et l'Inde, augmentant ainsi l'incertitude quant à sa viabilité à long terme. Pressions algériennes malsaines L'Algérie consacre, de ce fait, son rôle d'acteur central dans plusieurs des plus grandes crises des groupes industriels espagnols. Ces entreprises, souvent confrontées à des dettes considérables, se retrouvent dans une situation où leurs différends avec l'Algérie se règlent fréquemment par des arbitrages imposés ou des accords extrajudiciaires. Dans le cas de Naturgy et Sonatrach, la politique joue un rôle essentiel, car l'issue des négociations dépend en grande partie des intérêts stratégiques et diplomatiques. L'Algérie a arraché plusieurs arbitrages contre des entreprises espagnoles. Par exemple, Técnicas Reunidas, qui avait fait face à un différend financier avec un consortium impliquant Sonatrach et Neptune Energy concernant la centrale de Touat Gaz, réclame toujours une compensation de 166 millions d'euros. Ce conflit a été porté devant les tribunaux arbitraux et la société espagnole espère récupérer ces montants après une réclamation de 822 millions de dollars en 2023 pour pertes de profits. Un autre exemple est celui d'OHLA, entreprise espagnole spécialisée dans la construction, qui a également été impliquée dans plusieurs arbitrages avec l'Algérie. En 2023, la société a obtenu un règlement favorable portant sur le contrat de construction de la ligne ferroviaire d'Annaba, pour un montant de 17,5 millions d'euros. Cette décision a permis à OHLA de récupérer les garanties de bonne exécution d'un autre projet d'un montant de 19,5 millions d'euros. De son côté, le Groupe Villar Mir (GVM), ancien propriétaire d'OHLA, a traversé une crise similaire en Algérie. Après une longue bataille juridique avec Sonatrach concernant la vente de ses 49 % dans Fertial, une entreprise algérienne spécialisée dans la production d'engrais, GVM a remporté un arbitrage en 2023 et a perçu 126 millions d'euros, contribuant ainsi à alléger sa dette. Les différends commerciaux et les arbitrages entre l'Algérie et les grandes entreprises espagnoles illustrent bien la manière à travers laquelle Alger utilise les rapports économiques comme arme politique. Son approche ferme dans la gestion des litiges avec les entreprises espagnoles, très critiquée, renferme de lourdes et significatives répercussions sur la stabilité financière de ces dernières. La vulnérabilité des grandes entreprises espagnoles face à un acteur aussi nocif que l'Algérie est le prochain défi qui menace l'action du gouvernement socialiste de Pedro Sánchez.