Le retrait de Duro Felguera de l'Algérie est loin d'être un événement anodin. Le désistement du groupe espagnol est symptomatique de la méfiance grandissante des investisseurs étrangers à l'encontre des promesses d'ouverture du régime, qui se trouve désormais dans le viseur de Bruxelles à cause des désagréments subis par des sociétés européennes dans ce pays. Consciente que le temps de la manne des hydrocarbures se rapproche de la fin, l'Algérie tente désespérément, depuis plusieurs années, d'attirer les capitaux dans le cadre des efforts de diversification d'une économie sclérosée. En 2022, les autorités du pays ont annoncé, en grandes pompes, l'adoption d'une nouvelle loi sur l'investissement, destinée à faire oublier la vague répressive ayant visé les sociétés étrangères présentes dans le pays, une année auparavant. Cependant, l'enfer est pavé de bonnes intentions. Les choses sont restées en l'état, au grand dam des opérateurs ayant succombé aux sirènes de la propagande officielle. L'opacité et l'arbitraire demeurent les marqueurs de la relation avec les autorités algériennes et son étouffante machine bureaucratique. Sans faire de bruit, des sociétés de petite ou de moyenne taille ont quitté le pays, parce qu'elles n'arrivaient plus à supporter les sautes d'humeur du pouvoir militaire. Il convient de rappeler, à ce propos, la décision d'Alger de sanctionner les sociétés espagnoles, en représailles à la reconnaissance de la marocanité du Sahara par le gouvernement Pedro Sanchez. Face à la versatilité et à la désinvolture des autorités algériennes, qui ont une conception bien spéciale des relations internationales, Madrid a recommandé à ses entreprises heurtées ces restrictions de quitter l'Algérie. Malgré le rétablissement des relations entre les deux pays après l'orage causé par la question du Sahara, la situation ne semble pas s'améliorer pour autant, à en juger par la décision du géant espagnol Duro Felguera de se retirer du projet de construction d'une centrale thermique à cycle combiné dans la région de Djefla, 300 km au sud d'Alger. La raison invoquée est «le climat d'affaires difficile en Algérie». Pourtant, aucune société au monde ne peut renoncer aussi facilement à un contrat de 544 millions d'euros. L'entreprise affirme avoir suggéré «multiples tentatives de solution» à la situation, mais en vain. Le contrat a été signée en 2014 et le projet devait être livré dans un délai de 40 mois. La société espagnole n'a pas voulu s'épancher sur les raisons de son retrait. Les opérateurs européens sont de plus en plus confrontés aux obstacles et aux restrictions posés par les autorités algériennes. La détérioration de la situation a poussé l'Union européenne à sortir de son mutisme, le 14 juin 2024, en annonçant « une procédure de règlement des différends contre l'Algérie ». La Commission européenne a expliqué, dans un communiqué, que «l'objectif est d'engager un dialogue constructif en vue de lever les restrictions dans plusieurs secteurs allant des produits agricoles aux véhicules automobiles.» «Compte tenu des efforts infructueux pour résoudre la question à l'amiable, l'UE a pris cette initiative pour préserver les droits des entreprises et exportateurs européens exerçant en Algérie qui sont affectés. Les mesures algériennes nuisent également aux consommateurs algériens en raison d'un choix de produits indûment restreint», plaide la Commission. L'UE considère que les mesures restrictives introduites par Alger depuis 2021 violent ses engagements dans le cadre de l'accord d'association UE-Algérie. Cet accord a été signé en 2002 et est entré en vigueur en 2005. Il établit un cadre de coopération dans tous les domaines, y compris le commerce. Même s'il ne s'est pas exprimé ouvertement sur la décision de l'UE, le régime algérien a lâché ses médias pour exprimer son mécontentement de cette mesure, qui «ne contribuera qu'à approfondir les différends» entre les deux parties. L'intransigeance d'Alger devra semer une plus grande inquiétude parmi les opérateurs présents sur place.