Après une pagaille politique de plus de 10 mois, les députés ont finalement accordé leur confiance samedi à Mariano Rajoy pour garder la tête du gouvernement. Dix moi que cela dure. Dix mois que l'Espagne n'a pas de vrai gouvernement. C'est désormais de l'histoire ancienne. Les députés espagnols ont voté samedi soir la confiance au conservateur Mariano Rajoy, qui gardera finalement le pouvoir grâce aux divisions de ses adversaires. « La confiance a été accordée au candidat Mariano Rajoy Brey », au pouvoir depuis 2011, a annoncé la présidente du Congrès Ana Pastor, à l'issue du vote. « Chapeau, Monsieur Rajoy », lui avait lancé jeudi non sans ironie, depuis la tribune du Congrès, l'élu Joan Baldovi, leader du parti régional de gauche Compromis. « Vous pourriez être un héros de film, L'impassible Galicien : sans bouger un muscle, sans presque rien faire, vous êtes sur le point de redevenir président du gouvernement », a-t-il ajouté. Mariano Rajoy, 61 ans, au pouvoir depuis 2011, partait de loin : il y a dix mois, deux nouveaux partis faisaient leur entrée au Congrès, le libéral Ciudadanos et Podemos, de gauche radicale, allié du grec Syriza, incarnant l'espoir de milliers de jeunes Espagnols décider à renouveler la politique. Sa formation, incarnant pour certains la « vieille politique », enregistrait son pire score depuis 1993. Dans son camp miné par les affaires de corruption et usé par une dure crise, certains assuraient que sa place était « dans l'opposition ». Mais de nouvelles législatives, organisées le 26 juin après plusieurs mois sans nouveau gouvernement faute d'accord entre les partis, ont commencé à inverser la tendance. Mariano Rajoy a le vent en poupe Lors de ce scrutin, son Parti populaire (PP, droite) est resté en première position et a gagné 14 sièges, obtenant 137 élus sur 350, alors que le Parti socialiste (PSOE), concurrencé par Podemos, poursuivait sa descente en enfer, avec le pire résultat de son histoire. Pedro Sanchez, aux commandes du PSOE depuis 2014, décidé à tout faire pour chasser Rajoy du pouvoir, n'a pas trouvé d'alliés pour former un gouvernement alternatif. Il aura finalement été renversé par les siens, qui craignaient que son veto à Rajoy n'entraîne encore des élections, les troisièmes en un an, leur faisant perdre encore des suffrages. Désormais, Mariano Rajoy a le vent en poupe, assuré d'avoir les voix de son parti (137) et celles de Ciudadanos (32), et aussi de bénéficier de la nécessaire abstention d'une partie des 85 élus socialistes, décidée par la direction intérimaire du parti. Samedi à la mi-journée, Pedro Sanchez a d'ailleurs annoncé qu'il quittait « avec douleur » son poste de député, refusant cette neutralité même si, la voix cassée, il a laissé entendre qu'il ne renonçait pas forcément à briguer la direction du parti. Mariano Rajoy n'a pas été élu lors d'un premier tour de vote à la majorité absolue organisé jeudi, mais il devrait être investi par une majorité simple des députés lors d'un vote prévu vers 19 h 45 (17h45 GMT). « Je lui souhaite chance et réussite (…) car cela serait bon pour l'ensemble des Espagnols », a dit Mariano Sanchez. 18,9 % de chômage La législature de quatre ans qui l'attend ne sera cependant pas simple avec seulement 137 députés alliés. On s'attend « à une législature plus turbulente que n'importe quelle autre », estime le politologue Pablo Simon. La tâche sera d'autant plus difficile qu'il doit commencer par procéder en 2017 à 5,5 milliards d'économies pour réduire le déficit public de l'Espagne comme promis à Bruxelles. Une rigueur qui sera contestée à gauche, car si la croissance pourrait dépasser 3 % en 2016, le taux de chômage reste à 18,9 %. La droite n'est pas démunie : le chef du gouvernement disposera de l'arme de la dissolution du Parlement en cas de blocage que les socialistes chercheront à éviter à tout prix, ayant besoin de se « reconstruire » avant tout nouveau scrutin, note Pablo Simon. Le gouvernement disposera aussi d'un garde-fou au Sénat, où la droite dispose d'une majorité absolue permettant de stopper toute réforme qui lui déplairait. La gauche radicale a cependant promis d'être dans la « rue ». Les plus à gauche, dont l'allié de Podemos, Izquierda Unida (écolo-communiste), ont déjà appelé à manifester samedi près du Congrès contre l'investiture « illégitime », produite selon eux d'une alliance entre droite et socialistes de l'establishment « corrompu ». Un « coup de la mafia », assure un tract où Mariano Rajoy est présenté avec un chapeau de gangster, revolver à la main.