Il y a soixante et un ans, un premier affrontement armé postindépendance a eu lieu entre les Algériens et les Marocains, événement connu sous le nom de «Guerre des Sables.» Les hostilités se sont déclenchées les 8 et 9 octobre 1963 dans la région de Tinfouchi, entraînant une quinzaine de pertes humaines. Selon Rabat, ces combats ont été lancés par des forces algériennes qui avaient engagé une colonne pour s'emparer de plusieurs postes militaires, notamment ceux de Hassi-Beida et Tindjoub. Ces unités de l'Armée nationale populaire (ANP), rapidement repoussées avaient, par traîtrise, attaqué des postes tenus par des supplétifs marocains. Dès le lendemain de l'indépendance algérienne en juillet 1962, le gouvernement chérifien a entrepris de faire valoir certaines revendications territoriales sur des zones contrôlées par l'Algérie. Au début de l'été 1963, les tensions entre les deux nations se sont considérablement exacerbées. Les actes exercés par les troupes algériennes sur la frontière ont engendré de nombreux incidents. Le 2 octobre 1963, le Maroc a accusé la France, de manière officieuse, d'avoir «favorisé l'Algérie» lors de sa présence en Afrique du Nord, et le tracé des frontières entre les deux Etats, «qui a varié à plusieurs reprises, contrevenait à la réalité historique qui prévalait jadis. Le Maroc souhaitait obtenir une rectification de ces frontières par le biais de négociations directes avec le gouvernement algérien, conformément aux accords conclus en 1960 entre le roi Mohammed V et Ferhat Abbas.» Les incidents des 8 et 9 octobre ont suivi de près le déclenchement, le 29 septembre, de la dissidence kabyle, mouvement mené par le colonel Mohand Ou el Hadj et Ait Ahmed, leader du Front des forces socialistes (FFS), qui s'opposaient à la politique de Ben Bella. Certains observateurs ont interprété l'ouverture des hostilités avec le Maroc comme une tentative de diversion des autorités algériennes, désireuses de s'emparer des destinées du pays. Le colonel Houari Boumediène, alors chef d'état-major de l'armée algérienne, a dirigé les opérations depuis son quartier général de Colomb-Béchar. Cette guerre a été marquée par l'intervention d'unités égyptiennes, envoyées par le président Nasser, qui se sont alliées aux Algériens. Après une victoire définitive du Maroc, qui allait conduire le roi Hassan II à Oran, le monarque et le président Ben Bella ont enfin consenti à se rencontrer le 30 octobre à Bamako, en présence de Modibo Keita, alors chef de l'Etat malien et de l'empereur Haïlé Selassié. Cette rencontre a débouché sur un accord : recourir à l'arbitrage de l'OUA. Après une ultime bataille remportée par le Maroc pour le contrôle de la palmeraie de Figuig, près de Colomb-Béchar, le cessez-le-feu a été déclaré effectif le 4 novembre. Mais, bien avant, le 28 octobre 1963, le roi Hassan II a dit avoir appris, tandis que se déroulaient les pourparlers algéro-marocains à Marrakech, que l'ANP s'était infiltrée dans la province d'Oudja, où elle avait mené une violente attaque contre le poste d'Ich, situé à cinquante kilomètres au nord-nord-est de Figuig. «Les forces auxiliaires en garnison dans ce poste et dont le nombre ne dépassait guère trente-cinq hommes armés de simples armes individuelles, ont été l'objet d'une attaque préméditée par de nombreuses unités de l'armée algérienne, équipées d'armes lourdes et de puissants matériels de destruction» a indiqué le roi Hassan II. Un autre acte de traîtrise, puisque les postes attaqués par l'armée algérienne n'ont jamais été contestés. Cette attaque était «une action préméditée afin de transformer des incidents frontaliers en un conflit généralisé. Les lieux attaqués, distants d'un millier de kilomètres d'Hassi-Beida et de Tindjoub, ne peuvent être mis en relation avec une quelconque escalade de tensions résultant d'un incident frontalier», a scandé Rabat. Le Maroc impose sa loi Le 30 octobre, à Bamako, le roi Hassan II et le président Ben Bella, se sont réunis pour tenter de résoudre «le différend algéro-marocain.» Face à la mauvaise foi algérienne, le Maroc a annoncé que ses troupes se trouvaient désormais à douze kilomètres de Tindouf, commune située à trois cents kilomètres à l'ouest d'Hassi-Beida, et à sept cents kilomètres à l'ouest de Colomb-Béchar. Dans la région d'Hassi-Beida, les Marocains ont déclaré avoir repoussé les troupes algériennes à trente kilomètres du poste militaire. La déclaration de Bamako, conclue après de longues délibérations, a laissé en suspens la question des limites de la zone saharienne à démilitariser. Le texte signé mentionnait un cessez-le-feu devant entrer en vigueur le 2 novembre à minuit. Une commission militaire, composée d'officiers algériens, marocains, éthiopiens et maliens, devait établir une zone de repli pour les troupes présentes, sans pourtant de définir des limites n'ont pas été clairement établies. Des délégués algériens ont affirmé que cette zone devait englober les postes d'Hassi-Beida et de Tindjoub, ce que contestaient les Marocains qui contôlaient ces localités. Un autre désaccord qui a également surgi entre les deux délégations sur la question de l'administration de la zone démilitarisée, que les Marocains souhaitaient voir sous leur contrôle. Le roi Hassan II envisageait d'organiser un référendum destiné aux tribus nomades de la région, afin qu'elles puissent choisir leur nationalité, ce à quoi les Algériens s'opposaient. Les deux pays avaient affirmé leur intention d'observer strictement le principe de la non-ingérence dans les affaires internes bilatérales, un pacte que l'Algérie n'a jamais respecté. Rabat, en plus de sa victoire, est parvenu à éviter d'inclure Hassi-Beida dans la zone frontalière que devaient quitter les deux armées. Les jours suivants la signature de l'accord de Bamako, l'atmosphère demeurait empreinte d'une méfiance sourde. Les troupes marocaines, bien que pour l'heure sur ordre de retrait, restaient en alerte, prêtes à répondre à tout mouvement suspect de l'Algérie. La mise en œuvre de l'accord de cessation des hostilités se heurtait à des obstacles imprévus. Les efforts de médiation internationale, bien que louables, n'étaient pas toujours bien accueillis. L'Organisation de l'unité africaine (OUA) se heurtait à des difficultés algériennes pour établir une surveillance efficace de la zone démilitarisée, comme cela avait été convenu. Des rumeurs persistantes circulaient quant à la réarmement de certaines factions par l'ANP, qui, au mépris des accords, commençaient à constituer des stocks d'armes. Le gouvernement algérien, malgré les promesses de dialogue, s'est engagé dans une course à l'armement, convaincu que la sécurité nationale fragile du pays ne pourrait être assurée qu'à travers une force militaire dissuasive. La Guerre des Sables, bien que limitée dans le temps et l'espace, est devenue emblématique d'un conflit plus vaste et d'une incarnation des obsessions algériennes envers le Maroc, qui s'étendent jusqu'à ce jour.