La «Mecque des révolutionnaires», selon la terminologie d'une époque éculée, n'est plus qu'un habitacle déserté. L'Algérie, qui ne pèse plus dans le concert des nations, est obsédée par deux questions : placer la question du Sahara sur le terrain de la décolonisation et du droit à l'autodétermination (avec le succès que l'on connaît), et harceler les pays arabes qui ont signé des accords de paix avec Israël, dont le Maroc, même au détriment de la cause palestinienne. Dans les années 2010-2020, l'objectif prioritaire de la diplomatie algérienne consiste à éviter l'isolement définitif du pays, mais la démarche choisie est contestable. «Vous vous rappelez l'aide de 100 millions de dollars accordée à Mahmoud Abbas par l'Algérie fin 2021 ? Le chèque de cette contribution financière n'a jamais été encaissé par les Palestiniens. Cette annonce n'était qu'une réaction désespérée à la visite du ministre israélien de la défense Benny Gantz au Maroc, conclue par un accord de coopération sécuritaire avec Rabat» : alors que ce papier s'élabore lentement, les confidences de notre source pleuvent : «Les textes algériens à l'ONU ? L'ambassadrice américaine Linda Thomas-Greenfield leur réserve un seul sort : la corbeille.» Dans les instances internationales, «c'est l'Afrique du Sud qui a accusé Israël de contrevenir à la Convention des Nations unies sur le génocide. Pretoria traîne Alger à sa remorque et c'est le Congrès national africain (ANC) qui donne le ton», a-t-on glissé. L'Algérie ne défend plus la Palestine. Elle mène, plutôt, depuis 2020, une croisade contre les pays arabes qui ont signé des accords de paix avec Tel-Aviv. Rupture avec le Maroc, crise silencieuse avec Abou Dhabi, relations réduites au Bahreïn et la Jordanie. Le 10 janvier, le Haut conseil de sécurité (HCS) sous la présidence d'Abdelmadjid Tebboune a dénoncé «les agissements hostiles émanant d'un pays arabe.» Sans le nommer officiellement, il était clair qu'il s'agissait des Emirats arabes unis. Dans les cénacles algériens, le pays est accusé d'avoir rejeté la candidature de Sabri Boukadoum au poste d'émissaire de l'ONU en Libye, d'alimenter un sentiment anti-algérien au Sahel et d'accentuer son rapprochement avec Rabat. En octobre 2022, les factions palestiniennes signent à Alger un accord de réconciliation : les promesses y sont lourdes de sens : élections législatives, présidentielle anticipée, un gouvernement solide et la fin des divisions politiques intestines. Dans les faits, la réalité est moins reluisante : «L'Algérie a utilisé quatorze factions palestiniennes pour bomber le torse avant le sommet de la Ligue arabe qu'elle a abrité, et qui a échoué. Les 'Déclarations d'Alger' que le régime impose comme médiateur pour revigorer sa diplomatie moribonde n'ont aucune conséquence véritable», tonne une source proche du dossier qui ajoute : «Le dialogue interpalestinien a été détourné par l'Algérie pour se donner une légitimité qui lui manque.» Ecran de fumée En février, le journaliste Lakhdar Benbicha a consacré un long article publié sur le site On Orient, qui aborde l'effacement algérien dès qu'il s'agit du soutien à la Palestine. Pour lui, les algériens «sont désormais sans voix, mal représentés par un pouvoir frileux qui ne pèse plus sur la scène internationale», soulignant le fait que «l'interdiction absolue de manifester qui avait été décrétée par un simple communiqué du gouvernement» concerne également la Palestine. «En octobre 2023, alors que la guerre sur Gaza tourne déjà au grand carnage, des tentatives de marche de soutien aux Palestiniens sont réprimées sans ménagement, le pouvoir excipant de son soutien à la cause palestinienne pour laisser entendre qu'il n'y avait pas besoin de manifester», note la même source. Les responsables politiques qui appellent à manifester en faveur de Gaza sont soit arrêtés et interrogés, soit font l'objet d'une interdiction de sortie du territoire national (ISTN), «la nouvelle arme utilisée, souvent en dehors des règles du droit», tance l'article. «Au-delà des tentatives – vaines – de ressouder les liens entre le Fatah et le Hamas, et le paiement régulier d'une contribution financière à l'Autorité palestinienne, le soutien de l'Algérie est sans consistance», juge M. Benbicha. La dépression est quasi-générale. «Même si les médias mis au pas brodent sur le 'grand retour de l'Algérie' sur la scène internationale, les revers diplomatiques s'accumulent : candidature rejetée pour l'adhésion au groupe des BRICS malgré un périple du président Abdelmadjid Tebboune à Moscou et Pékin, échec du bras de fer engagé durant dix-neuf mois avec Madrid après l'alignement espagnol sur le Maroc sur la question du Sahara, relations devenues difficiles avec les voisins du Sahel, le Mali et le Niger...» Le Maroc en action, l'Algérie spectatrice Le Maroc a annoncé, lundi 24 juin avoir envoyé mardi 40 tonnes d'aide humanitaire dans la bande de Gaza par voie terrestre. Ce lot est arrivé à l'aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv avant d'être transféré au point de passage de Kerem Shalom où il a été pris en charge par les autorités palestiniennes. Selon des sources diplomatiques, le Maroc a été le premier pays à utiliser cet itinéraire. Au même moment, l'Algérie ne participe aucunement à l'aide internationale destinée à la bande de Gaza, un territoire confrontée à une famine généralisée. .