Au lieu de concentrer ses efforts sur la montagne de griefs exprimés par ses citoyens, l'ANC, parti au pouvoir en Afrique du Sud, a consacré toute son énergie à gagner un chimérique statut de leadership dans le continent et dans le monde. Résultat : le parti de Nelson Mandela a essuyé un revers historique aux élections législatives, perdant sa majorité absolue à l'Assemblée nationale pour la première fois depuis trente ans. Quoique restant la première formation du pays, l'ANC aura d'énormes difficultés à s'offrir une majorité. Comme attendu, les Sud-Africains ont sévèrement sanctionné la corruption rampante dans les rangs des dirigeants de l'ANC et l'absence de réponses aux problèmes de pauvreté et de chômage, qui minent la première économie du continent. Loin des 230 sièges au Parlement sortant, le Congrès national africain (ANC) ne comptera que 159 députés sur 400 à la prochaine assemblée. Cela veut dire qu'il aura besoin d'une coalition pour pouvoir former un nouveau gouvernement. Et c'est là où le bât blesse, puisque la véhémence des autres partis envers le président Cyril Ramaphosa n'est un secret pour personne. Contestant les résultats de ce scrutin, l'Alliance démocratique (DA), premier parti d'opposition avec 87 députés, ne semble pas disposé à embarquer dans une aventure hasardeuse avec l'ANC. Or c'est la seule voie qui se présente devant le pouvoir sud-africain pour rassurer les investisseurs et éviter la fuite des capitaux, dont le pays a grandement besoin pour maintenir son économie chancelante à flot, autrement, Ramaphosa doit faire des concessions à son ancien rival et ex-président Jacob Zuma, dont le tout nouveau parti uMkhonto weSizwe (MK) est devenu, à la surprise générale, la troisième force du pays (49 députés). Faut-il rappeler que Zuma a été forcé à une démission humiliante par les alliés de Ramaphosa, avant d'être condamné à de la prison pour corruption, même s'il n'a passé que quelques heures en incarcération. Entre la peste et le choléra, l'ANC pourrait se tourner vers une autre formation de la gauche radicale représentée par l'EFF de Julius Malema, un autre transfuge qui accuse son ancien parti d'avoir trahi la mémoire et l'héritage de ceux qui ont combattu l'apartheid. Cyril Ramaphosa se trouve donc acculé. S'il choisit de faire appel à la droite incarnée par l'Alliance démocratique, il perdra le soutien des radicaux de son parti. Dans le cas où il penserait à Zuma ou Malema, il va jeter un froid dans les milieux d'affaires. À en juger par les déclarations et les positions tranchantes des uns et des autres, l'Afrique du Sud se trouve face à des lendemains incertains. Une situation qui risque d'accentuer davantage la crise économique du pays.