C'est avec une certaine curiosité que Dbibina suivait les informations, écoutant les propos tenus par le ministre français de l'intérieur Gérald Darmanin à Rabat. Pour quelqu'un qui n'aurait pas suivi les évolutions des relations entre la France et le Maroc durant ces dernières années, ces déclarations seraient celles, normales, d'un responsable étranger à l'égard d'un pays ami. Or, la France et le Maroc connaissent depuis plusieurs années des relations très distantes. Qu'a donc dit donc Gérald Darmanin ? Après avoir été reçu par son homologue marocain Abdelouafi Laftit, le responsable français a parlé de beaucoup de choses dont le ''partenariat stratégique'', puis il a souligné la ''convergence de points de vue sur les enjeux sécuritaires et défis communs'', ... Darmanin a enfin ''remercié les services de sécurité marocains pour leur appui opérationnel et logistique dans le cadre des préparatifs des Jeux Olympiques de Paris 2024''. Gérald Darmanin est le ministre de l'Intérieur d'un pays qui se sent menacé, et qui du coup est exposé à toutes formes de violence urbaine et de menaces extérieures. C'est dans ce contexte que le ministre français a tenu à dire que ''sans nos amis marocains et l'excellence de la police judiciaire marocaine, la France serait plus en danger qu'elle ne l'est'', avant de revenir à cette idée et d'insister sur le fait que ''sans les services de renseignement marocains, la France serait plus touchée''. C'est pas mal comme déclaration. Pourquoi Darmanin a-t-il dit cela et pourquoi a-t-il chaudement remercié les Marocains en reconnaissant la compétence de leur police et de leur renseignement ? Dbibina se souvient des récentes arrestations, ces derniers mois, de plusieurs individus recherchés par la justice française, sous mandats internationaux, qui ont été capturés au Maroc ; il ne se passe pas une année sans qu'au moins une de ces personnes, accusées de trafic de drogue ou de crimes, ne soit appréhendée dans le royaume. Et encore, on ne doit pas tout savoir. Et Dbibina se rappelle également qu'aux heures sombres de 2015 avec les attentats terroristes du magazine Charlie Hebdo puis du 13 novembre de la même année, la police et les services marocains s'étaient mobilisés pour aider leurs homologues français à trouver la planque d'Abderrahim Abaoud, en France. Cette étroite collaboration sécuritaire aux moments difficiles, pense Dbibina, c'est une chose qui ne s'oublie pas et Gérald Darmanin vient encore une fois de le rappeler et de le confirmer. Le Maroc, seul appui solide de la France Mais le ministre français n'est pas venu que pour remercier, mais aussi pour s'assurer de l'assistance sécuritaire marocaine pour les jeux olympiques prévus dans trois mois à Paris. La France se sent menacée et dans ces moments, se dit Dbibina, on revient aux vrais amis. Mais les vrais amis, ce sont aussi ceux qui reconnaissent leurs erreurs, quand ils en commettent. Dbibina ne peut évidemment pas s'empêcher de penser à l'affaire Pegasus, quand les médias français, service public inclus, s'en étaient pris violemment au Maroc et à ses services, accusés d'avoir espionné et écouté de hauts dirigeants français. Dbibina reste sur un sentiment d'inachevé quand même. Pourquoi Gérald Darmanin n'a-t-il pas, par exemple, fait comme les amis espagnols du Maroc, services de renseignement ou présidence du conseil, et même la justice, qui ont déclaré clairement que dans cette affaire Pegasus, le Maroc n'y était pour rien ? Et pourtant, Dbibina en est convaincu, Darmanin doit bien connaître la vérité, c'est-à-dire que le Maroc n'espionne pas ses amis. Et Dbibina, en plus du sentiment d'inachevé, sent quelque chose d'autre qui le dérange dans l'attitude française, amicale, sincère, engagée mais comportant quand même une forme d'opacité, peut-être même de duplicité. En effet, au moment même où Darmanin était tout aimable au Maroc, les médias espagnols rapportent qu'un juge allait rouvrir l'enquête sur Pegasus en Espagne et ses possibles implications marocaines, après des informations fournies par la France, toujours selon ces médias. Les informations sont nécessairement fausses, comme le Maroc le dit depuis si longtemps, mais pourquoi la France fournit donc ces éléments à l'Espagne, en ce moment ? Geste très inamical, conclut Dbibina. Peut-être ce fameux ''en même temps'' français ? L'avenir le dira, comme on dit, et comme on dit aussi, la prudence est mère de toutes les vertus.