Abdelmadjid Tebboune au château royal d'Amboise ? Pourquoi pas. Restituer l'épée et le burnous de l'émir (Abd el-Kader) ? Non. Une reconnaissance des dommages engendrés par les essais nucléaires français et réclamer ainsi des indemnisations ? Hors de question. La mémoire et la coopération économique ? Délibérations interminables. L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ? On verra : entre Paris et Alger, la partie de ping-pong qui tient lieu n'est pas une activité de loisir, mais une grotesque pitrerie où les différents pongistes redoutent une humiliation politique qui serait fatale. Les rencontres entre les responsables français et algériens se poursuivent pour préparer la visite d'Etat d'Abdelmadjid Tebboune : peut-être, mais entre le «programme» de l'Elysée et «les conditions» du régime algérien, ce déplacement, annoncé initialement pour le 1er mai 2023, n'aura pas lieu bientôt. La visite du président Tebboune en France, sans cesse renvoyée aux calendes grecques, fait en réalité l'objet d'une incroyable surenchère instrumentalisée par le régime algérien. Si, officiellement, celui-ci cherche un terrain d'entente avec Paris sur des dossiers tels que la mémoire, les circulations ou les essais nucléaires français dans le Sahara, officieusement, les caporaux algériens font traîner le déplacement présidentiel et l'exploitent sous son angle le plus utilitaire afin de pousser Paris à des concessions sans équivalent et à sens unique, neuf mois avant la présidentielle. Le président algérien Tebboune «a conditionné sa visite en France ["faisant toujours l'objet de préparatifs» et qui dépend du progrès de cinq dossiers" selon la diplomatie algérienne]» à la restitution par Paris d'objets liés à l'émir», a écrit, dans son édition du 10 mars, n° 4 026, le Journal du dimanche (JDD, publication dominicale de référence en France). «Le président Tebboune fait du "retour" de reliques de l'émir Abd el-Kader, figure algérienne du XIXe siècle, la condition de sa venue en France. Ses prédécesseurs étaient moins sourcilleux pour venir profiter d'une villégiature discrète chez l'ex-puissance colonisatrice. Cette réclamation surjouée sert à raviver la "rente mémorielle"» déclame l'hebdomadaire à travers un article fouillé qui passe au crible le «chantage mémoriel algérien» et «une relecture partisane de la vie d'un combattant au parcours hors du commun.» Culpabilisation coupable «Ne manquant jamais une occasion de culpabiliser la France pour son passé colonial, le pouvoir algérien s'est emparé de la frénésie de la restitution des œuvres d'art pour jeter de nouveau l'opprobre sur son voisin méditerranéen. Ce fétichisme consistant à "relocaliser" l'art dans le pays d'origine, le réduisant à sa seule culture vernaculaire, peut étonner. La restitution, devenue réparation, se transforme alors en nouvelle prise de guerre», commente le JDD. «Peu importe que sa rétrocession soit juridiquement discutée, ce qui compte, c'est de démontrer la prédation occidentale. En revendiquant surtout les armes de l'émir, l'Algérie ne veut honorer que le résistant à la conquête française et gommer son rôle spirituel. Longtemps confronté aux islamistes, le pouvoir FLN préfère insister sur sa stature politique sous-entendant la préexistence d'un Etat à la colonisation française. En réalité, Abd el-Kader ne domine que quelques concessions faites par l'armée, de manière tribale et nomade. Enseigné à l'école, le récit du héros algérien reste controversé de ce côté de la Méditerranée», divulgue le JDD. Selon la même source, la commission de réconciliation lancée par le président français Emmanuel Macron «se heurte aux réalités des exigences algériennes peu disposées à une mémoire partagée de l'émir. Le gouvernement algérien ne choisit pas ses icônes en fonction de la réalité historique, mais de sa conformité au discours anticolonialiste. Le pieux penseur Abd el-Kader n'intéresse pas le pouvoir algérien qui le soumet à un droit d'inventaire pour ne garder de lui que sa dimension martiale et perpétuer la haine de la France. L'Algérie n'a ainsi pas exigé de la Turquie, son ancien colonisateur, ou de la Syrie, la même restitution d'effets de son émir», avant de conclure : «la réconciliation des mémoires, à laquelle rechignent les dirigeants d'Alger, attendra.»