Cinq jours après le drame, le gouvernement marocain n'a pas encore réagi à la mort de deux vacanciers assassinés de sang-froid par des garde-côtes algériens alors qu'ils s'étaient égarés en jet-ski dans une zone maritime frontalière, à l'exception de la déplorable sortie de Mustapha Baïtas, mentionnant qu'il s'agit «d'une affaire qui relève de la compétence du pouvoir judiciaire». La léthargie politique d'Aziz Akhannouch ne peut aboutir qu'à un grand cataclysme, dont l'effet immédiat serait de paralyser le Maroc dans un état de choses de plus en plus insoutenable. Le silence d'Aziz Akhannouch est un fait de plus à ajouter à cette longue action du gouvernement marocain contre lui-même. Le 24 août, devant ses ministres, Aziz Akhannouch a tenu le langage de la confiance et de la satisfaction, mais dans des phrases assez fades. «Retour de l'Etat social» et de «la promotion des investissements» en vue de «créer des emplois», en somme. Quand on est au gouvernail d'un navire lancé à pleines voiles dans un océan tourmenté, l'essentiel est de voir trop bien les obstacles et les écueils qui en obstruent la marche ou en menacent la sûreté, ce que Aziz Akhannouch ne fait jamais. La société entend les confidences officielles sur le besoin de stabilité, extérieure et intérieure, d'ordre, de mouvement régulier dans le jeu des institutions ; mais elle voit le peu de goût du gouvernement pour tout ce qui ressemble à une amélioration des choses. Décisions qui surgissent de nulle part En pleines vacances, les automobilistes ont retrouvé des niveaux de prix qui n'avaient plus été vus depuis des mois. En août, cinq hausses inexpliquées ont lourdement affecté le budget énergétique des Marocains, alors que le marché international de l'or noir est relativement calme. Aziz Akhannouch peut-il justifier ces augmentations alors que les cours du pétrole restent encore loin de leur niveau moyen de 2022 quand ils avaient franchi la barre symbolique des 100 dollars, après le début de la guerre en Ukraine ? le chef de l'exécutif, un magnat du pétrole, est décrié pour son double rôle de dirigeant politique de premier plan et d'actionnaire principal d'Afriquia, à la tête du marché local des hydrocarbures (avec Total et Shell). Le gouvernement se refuse jusqu'à présent à subventionner les carburants comme avant 2015 mais accepte de débloquer des aides sporadiques aux transporteurs routiers (soit 180 000 véhicules). Pour quelle raison ? Nul ne le sait. La Banque centrale table désormais sur une inflation toujours élevée de 5,5 % en 2023, contre 6,6 % en 2022, Qu'a fait M. Akhannouch pour juguler cette spirale qui touche la vie de millions de personnes ? Quant à la croissance économique, la BAM a révisé à la baisse sa prévision pour 2023 à 2,6 %, avant une reprise à 3,5 % en 2024, des chiffres qui s'aggravent à la suite du tâtonnement et des tiraillements d'Aziz Akhannouch. On nous parle bien d'une majorité solide qui se serait formée par l'entente de diverses fractions politiques ; mais quelle majorité que cette coalition de partis qui ne pourront jamais s'entendre sur une ligne politique homogène ? Au lieu de d'entamer sa rentrée politique, ce qui était la question urgente, la majorité d'Akhannouch s'est laissé égarer dans des questions secondaires, et jusqu'ici, ce qui ressort des débats sur la scène sociale, c'est une véritable colère contre l'action insuffisante du gouvernement, et une méfiance extrême contre ses plans d'avenir. Beaucoup se demandent si Akhannouch possède le sentiment des nécessités de la situation et l'intelligence pratique des affaires. Tout semble facile, à ne considérer que les bonnes intentions, et tout vient échouer contre les répugnances, les doutes, les préventions, sinon les ambitions personnelles. Le pays avant le parti : c'est la devise que doit observer chaque personne qui a le sentiment de sa grave responsabilité.