Les dirigeants des pays de l'Otan sont réunis mardi pour un sommet crucial en Lituanie, aux portes de la Russie, afin d'envoyer un message de soutien à l'Ukraine qui poursuit une difficile contre-offensive face à Moscou et attend des engagements sur une future adhésion. A la veille de cette réunion, c'est l'intégration de la Suède dans l'Alliance qui a connu un coup d'accélérateur: le président turc Recep Tayyip Erdogan a finalement accepté de lever son veto à cette candidature, après plus d'un an de blocage. La réunion des 31 dirigeants des pays de l'Alliance se tient mardi et mercredi à Vilnius, à quelque 35 km de la frontière avec le Bélarus, allié de Moscou, et non loin de l'enclave russe de Kaliningrad, sous la protection notamment d'avions Rafale déployés par la France et de batteries de missiles Patriot par l'Allemagne. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, attendu lors de ce sommet, a réclamé « un signal clair » de la part des Occidentaux sur les perspectives d'adhésion de son pays. « L'Ukraine mérite de faire partie de l'Alliance. Pas maintenant car maintenant, c'est la guerre, mais nous avons besoin d'un signal clair et ce signal est nécessaire dès maintenant », a insisté M. Zelensky dans un message sur Telegram. Tous les pays membres reconnaissent que cette perspective n'est pas envisageable tant que la guerre dure. Elle serait de fait synonyme de conflit mondial: l'Article 5 de l'Alliance stipule qu'une attaque contre un membre est une attaque contre tous les membres. Mais le débat entre Alliés se corse quand il faut formuler cette promesse d'adhésion. Kiev « a sa place » dans l'Alliance? Kiev doit avoir « une voie » vers l'adhésion quand « les conditions seront réunies »? Depuis des semaines, les diplomates cherchent la formule subtile qui contentera tout le monde, y compris Kiev. Les pays baltes se montrent les plus empressés. A Vilnius, les vitres des autobus transportant les journalistes vers le centre de presse affichaient un message éloquent: « Pendant que vous attendez ce bus, l'Ukraine attend de devenir membre de l'Otan ». Le Kremlin, de son côté, a déjà mis en garde l'Otan sur les conséquences « très négatives » pour la sécurité européenne d'une adhésion de l'Ukraine. Cette perspective avait été utilisée comme justification par Vladimir Poutine pour lancer son invasion. L'Otan va tracer une « voie de réformes » pour l'Ukraine afin qu'elle puisse rejoindre l'Alliance atlantique, mais sans « calendrier », a affirmé mardi le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan. « Une voie de réformes pour l'Ukraine » sera tracée mais « je ne peux pas donner de calendrier », a déclaré M. Sullivan à des journalistes au sommet de l'Otan à Vilnius. Il a aussi annoncé une rencontre mercredi entre le président américain Joe Biden et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky. «Feuille de route claire» D'ores et déjà, l'Ukraine s'est félicitée de l'intention de l'Otan de la dispenser du « Membership action plan » (MAP), sorte d'antichambre à la candidature à l'Alliance qui fixe un certain nombre d'objectifs de réformes. « Mais l'Ukraine devra encore mener d'autres réformes avant d'adhérer à l'Otan », a souligné un responsable occidental sous couvert d'anonymat. S'il a été très allant sur l'assistance militaire conséquente à Kiev, le président américain Joe Biden a toujours été beaucoup plus réservé quant aux promesses d'adhésion de l'Ukraine à l'Alliance. « Le processus d'adhésion à l'Otan prend du temps », a-t-il martelé sur CNN avant de s'envoler pour l'Europe. Et le locataire de la Maison Blanche a évoqué, pour l'heure, un accord similaire à celui qui lie les Etats-Unis et Israël: l'Etat hébreu reçoit tous les ans plusieurs milliards de dollars de Washington en aide militaire, ce qui lui offre une visibilité à long terme. Ces engagements de fourniture d'armes sur le long terme sont discutés entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne. Selon des sources diplomatiques, ces engagements seraient formulés en dehors du cadre de l'Otan. Les promesses d'armes viendraient en complément des dizaines de milliards de dollars d'équipements déjà livrés à l'Ukraine depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, il y a un peu plus de 500 jours. Ian Brzezinski, du centre de réflexion Atlantic Council à Washington, regrette lui les réticences de la Maison Blanche à accorder à Kiev « une invitation et une feuille de route claire » vers l'adhésion à l'Otan. « Prendre cette décision est essentiel pour renforcer le moral des Ukrainiens à un moment décisif de la guerre et convaincre Moscou que ses ambitions hégémoniques sont vouées à l'échec », estime-t-il. « Ce n'est pas seulement dans l'intérêt de l'Ukraine, mais pour le bénéfice stratégique de la communauté transatlantique. » Le sommet de Vilnius sera le premier pour la Finlande, qui est devenu en avril le 31e pays membre de cette alliance militaire.