Tout va bien, semble dire Abdelmalek Sellal. Pour son premier discours économique de la rentrée, le Premier ministre a égrainé une série de chiffres censés démontrer la bonne santé de l'économie algérienne « malgré l'effondrement du marché pétrolier». Seulement, au fil de son exposé, Sellal omet d'apporter des précisions et fait preuve de démagogie dans la présentation des chiffres. PIB : une évolution en trompe-l'œil La croissance économique devrait se situer à près de 3,5% en 2016, avant d'atteindre 3,9% en 2017, selon le Premier ministre. Il impute cette performance à « un renforcement de la production nationale, notamment dans le secteur industriel ». Ce qui est faux. En effet, les dernières tendances démontrent un ralentissement de la croissance hors-hydrocarbures, selon les chiffres officiels de l'Office national des statistiques (ONS). Ainsi, l'évolution positive du PIB est essentiellement due à une reprise du secteur pétrolier, précise la même source. « Pour la première fois depuis 2006 on enregistre une croissance positive en 2015 dans le secteur des hydrocarbures et un recul de la croissance hors hydrocarbures », note l'ONS dans un document daté du 28 août. « Cette décélération de la croissance hors hydrocarbures est associée à une baisse du PIB en valeurs courantes. Ainsi le PIB nominal passe de 17.242,5 milliards de dinars en 2014 à 16.591,9 milliards de dinars en 2015, soit une baisse en valeurs courantes de 3,8% », ajoute l'ONS. Par ailleurs, cette prévision optimiste du Premier ministre est en contradiction avec les données du FMI, qui table sur un ralentissement de l'activité en Algérie. Surtout, Abdelmalek Sellal avance les données du PIB en valeur (ne prenant pas en compte la hausse des prix). De 17.677 milliards en 2016, cet indicateur passerait à 22.000 milliards en 2019, selon le Premier ministre. Or les chiffres en dinars, bien que positifs, sont trompeurs : la valeur de la monnaie algérienne est en constante baisse par rapport au dollar américain. Le taux de change joue donc en faveur du PIB algérien exprimé en valeur et en dinar. Mais si les chiffres sont exprimés en dollar, le PIB s'affiche en baisse. De plus le secteur des hydrocarbures représente une part importante, soit près du tiers de la richesse créée en Algérie. Les variations du prix du baril font que le PIB du pays sera plus ou moins important d'une année sur l'autre, dépendant des cours du brut. Réserves de change : un calcul hasardeux Par ailleurs, le Premier ministre assure que les réserves de change de l'Algérie ne baisseront pas en-deçà des 100 milliards de dollars à l'horizon 2019. Une affirmation pour le moins surprenante. En effet, le niveau des réserves de change est tributaire du solde global de la balance des paiements (balance commerciale + services). Or, cette dernière est largement déficitaire de plusieurs années, malgré un niveau record des prix du pétrole. De plus, le FMI et l'ensemble des économistes sérieux tablent sur une poursuite des déficits jusqu'à 2020. En 2015, l'Algérie a enregistré un déficit commercial de 13,71 milliards de dollars, sans compter la balance des services et autres éléments de la balance des paiements. Au premier semestre de l'année en cours, l'on comptabilise déjà un déficit commercial de 11 milliards de dollars. En réalité, au rythme actuel, les réserves de change fondent à raison d'environ 20 milliards de dollars par an. À la fin 2016, ces fonds devraient se situer à un peu plus de 120 milliards de dollars. Avec des importations incompressibles et une production nationale encore loin d'être suffisante pour les réduire, l'équation de Sellal semble impossible à résoudre. À moins que ses prévisions se basent sur une forte remontée des cours du pétrole dès l'année prochaine. Il serait alors l'un des rares à faire un tel pari.