L'ancien président sud-africain Jacob Zuma, forcé à la démission en 2018 à la suite d'accusations de corruption, a accusé samedi son successeur Cyril Ramaphosa de « trahison et d'être « corrompu », deux mois avant une importante réunion du parti au pouvoir. « Le président est corrompu » et « il a commis une trahison », a-t-il déclaré dans sa première réaction à des allégations selon lesquelles M. Ramaphosa serait impliqué dans une obscure affaire de cambriolage dans une de ses propriétés. Cette violente charge contre le chef de l'Etat place dans la tourmente M. Ramaphosa, élu sur la promesse de lutter contre la corruption, avant que l'ANC ne décide, lors de son congrès de décembre, de le présenter ou non comme candidat pour un second mandat à la présidentielle de 2024. « Aucun président ne devrait gérer des affaires privées quand il est en fonction », car cela est contraire au serment prêté par le chef de l'Etat, a poursuivi M. Zuma lors d'une conférence de presse à Johannesburg. M. Zuma, au pouvoir de 2009 à 2018, s'est ensuite demandé ce qui se serait passé s'il avait été accusé de cacher « des millions de dollars sous (son) matelas », ajoutant qu'aucun président, y compris Nelson Mandela, n'avait été trouvé avec de grosses sommes d'argent dans leur maison. Une commission indépendante a été constituée en septembre par le Parlement sud-africain pour enquêter sur une cette affaire de cambriolage qui gêne depuis plusieurs mois le président Ramaphosa, accusé de blanchiment et corruption. Les résultats de l'enquête pourraient conduire à un éventuel vote au Parlement pour sa destitution. M. Ramaphosa est accusé d'avoir dissimulé à la police et au fisc un cambriolage datant de 2020 dans une de ses propriétés, au cours duquel d'importantes sommes en espèces ont été trouvées, cachées dans du mobilier. Une enquête a été ouverte après une plainte déposée en juin par l'ancien chef du renseignement sud-africain, Arthur Fraser. Selon ce dernier, des cambrioleurs se sont introduits dans une ferme appartenant au président à Phala Phala, dans le Nord-Est du pays, et y ont dérobé quatre millions de dollars (4,08 millions d'euros) en numéraire. La plainte accuse M. Ramaphosa d'avoir dissimulé à la police le cambriolage et au fisc l'argent trouvé sur place, ainsi que d'avoir organisé l'enlèvement et l'interrogatoire des voleurs, puis de les avoir soudoyés pour qu'ils gardent le silence. M. Ramaphosa dénonce une manœuvre politique, nie les allégations d'enlèvement et de corruption, remet en cause le montant du vol évoqué et soutient que l'argent provenait de la vente de bétail. – Forte pression – Mais pour l'ex-président Zuma, la conférence de l'ANC en décembre « va devoir traiter de ce cas » et décider si le président peut rester ou pas. « Beaucoup disent que le président a échoué », a-t-il poursuivi. Un autre ancien chef de l'Etat, Thabo Mbeki, a aussi déploré la situation de l'ANC avant le congrès de décembre. « Notre président est sous forte pression (.) à propos de l'affaire de la ferme de Phala Phala », a-t-il dit lors d'une réunion distincte à Johannesburg. L'ancien président Zuma, condamné à quinze mois de prison ferme pour avoir obstinément refusé de répondre à une commission enquêtant sur la corruption, a quant à lui fini de purger sa peine au début du mois. Deux mois après avoir entamé sa peine, M. Zuma avait été libéré pour raisons de santé et placé sous contrôle judiciaire. Samedi, il a qualifié son incarcération « d'illégale » et a fustigé les magistrats. « Le fait est que la plus haute juridiction de ce pays a violé la loi », a-t-il dit, en estimant « qu'il faut nous assurer que les juges ne se transforment pas en politiciens ». M. Zuma, qui doit encore répondre devant la justice d'une affaire de pots-de-vin datant de plus de vingt ans, avait annoncé fin septembre des velléités de retour en politique. Le soutien à l'ANC a plongé sous la barre des 50% pour la première fois lors de scrutins locaux en novembre 2021, dans un contexte de mécontentement croissant envers ce parti qui dirige le pays depuis trois décennies et la fin de l'apartheid. En juillet, le président Ramaphosa avait reconnu que le parti était « à son niveau le plus bas et le plus vulnérable depuis l'avènement de la démocratie ».