En abritant les 27 et 28 août 2022 la 8e conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (TICAD-8), la Tunisie espérait sortir auréolée et gagner la confiance aussi bien du pays initiateur de ce projet, en l'occurrence le Japon, que des pays africains invités à cet événement. Par l'acte grave et inédit qu'elle s'est hasardée à commettre en invitant unilatéralement les séparatistes du "polisario", heurtant profondément le sentiment du peuple marocain et de ses forces vives, la Tunisie a recueilli le désaveu et le ressentiment d'un grand nombre de pays qui se sont déplacés pour prendre part à ce Forum. Outre le regret presque unanime exprimé quant à l'absence du Maroc, la Tunisie a subi un véritable revers par la faute de ses dirigeants qui ont, sciemment, violé les procédures de la TICAD et failli à leurs devoirs envers un pays avec qui, ils ont toujours entretenu des relations historiques basées sur le respect mutuel. Par sa démarche, plus que douteuse, la Tunisie a cherché à aller contre le sens de l'histoire. Au moment où la communauté internationale est plus que jamais unanime sur la pertinence de l'initiative marocaine pour le règlement de ce différend et sur la marocanité des provinces du Sud, le président tunisien a cherché à s'aligner sur des positions hostiles au Maroc et à ses droits les plus légitimes. Manifestement, l'invitation unilatérale par la Tunisie de l'entité séparatiste contre l'avis du Japon et en violation flagrante du processus de préparation de ce forum et des règles établies, a jeté un épais nuage sur cette conférence, que le pays hôte a dévié de sa vocation initiale et vidé de sa substance. Quel intérêt la Tunisie pourrait récolter en altérant ses relations historiques et d'amitié qui ont tout le temps unis les deux pays et les deux peuples ?, se demandent un grand nombre d'observateurs tunisiens. Au-delà des fanfaronnades que la Tunisie a cherché à conférer à cet événement, par les mauvais calculs de ses dirigeants et leurs errements suspects, le pays a subi un véritable camouflet: Désaveu général du pays pour ses choix plus que contestables, regret quasi-unanime quant à l'absence du Maroc et surprise de la présence imposée d'une délégation de l'entité séparatiste en violation des procédures de la TICAD. Cet échec patent et au demeurent prévisible se perçoit d'emblée à travers le niveau et le nombre de représentions de pays africains et des institutions internationales présentes. Trente-huit pays sur 54 et 9 organisations et institutions internationales et régionales ont été représentés à la TICAD-8. Dix pays seulement ont été représentés au niveau de leurs chefs d'Etat, un pays, le Soudan du Sud, par son vice-président, 8 pays par leurs chefs de gouvernement ou premiers ministres et 19 pays au niveau ministériel. Cette faillite dans l'organisation de ce Forum a été signalée par le Japon qui a dénoncé et exprimé son refus de la participation des séparatistes du "polisario" à la TICAD-8. Lors des travaux de la première séance plénière de la TICAD-VIII, la délégation japonaise a marqué explicitement son refus de souscrire aux mauvais choix faits par la Tunisie. La déclaration faite à ce propos ne souffre d'aucune équivoque, soutenant que "la présence de toute entité, que le Japon ne reconnaît pas comme un Etat souverain, aux réunions liées à la TICAD 8, y compris la réunion des hauts fonctionnaires et la réunion au Sommet, n'affecte pas la position du Japon concernant le statut de cette entité". Cette déclaration vient confirmer que les invitations au Sommet ne devraient être adressées qu'aux Etats officiellement reconnus par Tokyo et ne faisant pas l'objet de sanctions de la part de l'Union africaine. Le Japon avait d'ailleurs marqué officiellement dès le 19 août 2022 son rejet catégorique et sans équivoque de l'invitation qui avait été lancée la veille par la commission de l'Union africaine à l'entité séparatiste pour assister au sommet, en violation de la procédure dûment convenue, et fait savoir qu'elle ne lui était nullement opposable. La Tunisie a été également critiquée et désavouée par ses pairs africains. Le président du Sénégal et Président en exercice de l'Union africaine, Macky Sall, avait regretté que la TICAD soit marquée par l'absence du Maroc, un "éminent membre de l'union africaine". Le président de la Guinée Bissau et président en exercice de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), M. Umaro Sissoco Embalo, a quitté la 8ème TICAD pour protester contre la participation du "polisario" imposée par la Tunisie. D'autres pays africains, dont le Burundi, le Cap Vert, la Gambie, la Guinée Bissau, la Guinée équatoriale, les Iles Comores, le Libéria et la République Centrafricaine, ont officiellement exprimé leur colère regrettant l'absence du Maroc et déplorant le non-respect des règles établies pour la participation à ce Sommet. En Tunisie, les acteurs politiques et de la société civile ont été surpris, irrités et embarrassés par le comportement du Président Saied qui a mis à mal les relations historiques liant les deux pays. Réagissant à l'accueil du chef des séparatistes à Tunis, le président du parti Al Majd, Abdel Wahab Hani, a qualifié cet acte d'un "revirement dangereux" vis-à-vis des constantes de la diplomatie tunisienne. Pour lui, cet acte va sans doute "exposer les intérêts suprêmes de la Tunisie et sa crédibilité à de grandes difficultés". M. Hani s'est interrogé sur les raisons derrière l'accueil en grande pompe réservé au chef de l'entité séparatiste, alors que d'autres chefs d'Etat africains "frères" n'ont pas été reçus par Kaïs Saïed à leur arrivée à l'aéroport de Tunis. De son côté, l'ancien diplomate tunisien, Elyes Kasri, a dénoncé fermement cet acte, qui marque une rupture par la Tunisie de sa politique d'équilibre entre ses deux voisins maghrébins, le Maroc et l'Algérie. A travers cet acte, "la Tunisie rompt ainsi avec sa politique d'équilibre entre ses deux voisins maghrébins et s'aligne sur l'Algérie contre le Maroc qui n'a pas caché son mécontentement", a déploré encore cet ancien Directeur général pour les Amériques et l'Asie du ministère tunisien des Affaires étrangères. Le secrétaire général du Parti "Courant démocrate", Ghazi Chaouachi a, quant à lui, souligné que l'attitude de la Tunisie traduit "improvisation" et "incompétence" ainsi qu'un manque de vision claire en matière des relations diplomatiques. Il s'est demandé opportunément, "Que fait le polisario dans un sommet économique qui réunit les pays africains avec le Japon, d'autant plus que ce dernier ne reconnaît pas l'entité séparatiste ?" Mohamed Lassaad Abid, secrétaire général de l'Organisation Tunisienne du Travail (OTT), a affirmé que cet acte conduira à un isolement de la Tunisie aux niveaux "arabe", "africain" et "international", qualifiant cette démarche d'un suicide politique "inédit" de la diplomatie tunisienne. Englué dans des difficultés inextricables, vivant des tensions récurrentes, la Tunisie sort de cet événement encore plus isolée, critiquée et divisée.