Le tribunal de Paris a jugé «irrecevables» vendredi les poursuites en diffamation du Maroc contre des ONG et médias français ayant révélé ou dénoncé sans preuve le recours par Rabat au logiciel Pegasus. Une décision absurde qui n'aborde pas le fond. La procureur générale de Paris Catherine Champrenault avait vu juste : les dispositions de la loi de 1881 «sont devenues de véritables facteurs d'obstruction à l'application de la loi pénale». Le tribunal de Paris a jugé irrecevables le 25 mars les poursuites en diffamation du Maroc contre des ONG et médias français après des allégations sur le supposé recours, démenti par Rabat, du logiciel d'espionnage Pegasus. Une décision qui occulte les faits au moment où, en France, les autorités judiciaires se demandent s'il faut sortir l'injure et la diffamation de la loi 1881 pour les inscrire dans le code pénal ordinaire alors que les propos attentatoires à l'honneur explosent partout. Les décisions annoncées, sans trancher le fond du dossier, s'appuient sur un article suranné et controversé de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, qui « ne permet pas à un Etat, qui ne peut pas être assimilé à un particulier au sens de ce texte, d'engager une poursuite en diffamation ». Les conseils du Maroc ont indiqué qu'ils faisaient appel. Parlant d' »allégations mensongères et infondées », le Maroc avait enclenché plusieurs procédures judiciaires en France, en Espagne. Plusieurs associations françaises plaident pour sortir plusieurs infractions de la loi sur la presse pour en faire des délits de droit commun. « Le Maroc, en interjetant immédiatement appel du jugement, renouvelle sa confiance en la justice française et s'en remet à la cour d'appel de Paris qui dira qu'Amnesty et Forbidden Stories ont joué les apprentis sorciers en publiant de fausses informations et en diffusant une fable invérifiée », ont déclaré les avocats du royaume, Me Olivier Baratelli et Me Rodolphe Bosselut. Lors de l'audience du 26 janvier, le parquet avait requis l'irrecevabilité des poursuites, citant uniquement une jurisprudence « constante » dans ce domaine. Celle de 1881. Les avocats du Maroc ne prétendaient pas que l'Etat en lui-même était recevable, mais qu'il pouvait agir au nom de ses services de sécurité et de renseignement. Les demandes au titre de la procédure abusive, formulées par certains médias et ONG, ont en outre été rejetées.