Les avocats du Maroc entendent aller jusqu'au bout pour que les allégations sur l'affaire Pegasus soient examinées par justice française. «Derrière l'affaire Pegasus, des fieffés coquins et des fieffés menteurs. C'est un dossier vide», a déclaré lors d'une émission télévisée Me Olivier Baratelli. Me Rodolphe Bosselut a déclaré aussitôt : «Pour défendre les intérêts du Maroc, nous ne transigerons pas, mon collègue (Olivier) Baratelli et moi. La non-recevabilité des plaintes du Maroc serait un déni de justice». Le Maroc, cité dans une enquête controversé sur le logiciel d'espionnage Pegasus, a multiplié les attaques judiciaires en France contre les médias ayant ébruité l'affaire sans avancer des preuves, notamment via des procédures en diffamation à la recevabilité qui sera peut-être confirmée en mars. Le 22 juillet 2021, le Maroc avait lancé une première procédure en diffamation contre Amnesty et Forbidden Stories, les deux organisations ayant obtenu la liste des numéros de téléphones ciblés par les clients de Pegasus, logiciel développé par le groupe israélien NSO. Plusieurs citations directes en diffamation visent le quotidien Le Monde et son directeur Jérôme Fenoglio, une autre poursuit Mediapart et son patron Edwy Plenel, et une autre attaque Radio France, également membre du consortium, a précisé l'avocat. La première audience procédurale a eu lieu le 15 octobre devant la chambre spécialisée en droit de la presse, mais si un procès se tenait, il ne devrait pas avoir lieu avant environ deux ans, en 2023. D'autant que cette procédure va se heurter à une jurisprudence récente de la Cour de cassation: saisie déjà par le Maroc après plusieurs rejets de ses plaintes, la Cour a jugé en 2019 qu'un Etat ne pouvait pas engager de poursuites en diffamation publique, faute d'être un particulier au sens de la loi sur la liberté de la presse. Mais cette loi est vertement critiquée car elle empêche d'aborder le fond dans plusieurs affaires judiciaires. « L'Etat marocain est parfaitement recevable » puisqu'il agit aussi pour « le compte de ses administrations et de ses services », a assuré Me Baratelli qui entend ferrailler contre cette jurisprudence défavorable. De son côté, le ministre marocain de l'Intérieur, Abdelouafi Laftit, a déposé à Paris une plainte en « dénonciation calomnieuse » à l'encontre de Mediapart et de son directeur de publication Edwy Plenel, a annoncé dans un communiqué l'avocat du ministre, Me Rodolphe Bosselut. Le ministre entend contester « les allégations insidieuses et les calomnies colportées depuis plusieurs jours par ces médias qui portent des accusations graves, contre des institutions qu'il représente, sans avancer la moindre preuve concrète ».