Le président américain Joe Biden a dû faire face à deux batailles jeudi 14 janvier, tentant alors de sauver du naufrage parlementaire sa vaste réforme électorale après avoir vu la Cour suprême bloquer son obligation vaccinale dans les entreprises privées. Joe Biden face aux fragilités de son poste. Le président américain bataillait, jeudi 14 janvier, pour sauver du naufrage parlementaire sa vaste réforme électorale, après avoir vu la Cour suprême bloquer son obligation vaccinale en entreprise, lors d'une journée noire qui expose crûment les limites de son pouvoir. « J'espère que nous y arriverons mais je n'en suis pas sûr », a-t-il admis, visiblement tendu, à propos de sa grande loi devant protéger l'accès des Afro-Américains aux urnes. Il s'était déplacé, ce qui est rarissime, au Capitole pour une réunion avec les sénateurs démocrates, consacrée au projet. « Si nous échouons la première fois, nous pouvons tenter une deuxième fois », a toutefois ajouté le président de 79 ans, qui continue à batailler. Il a reçu dans la soirée le sénateur Joe Manchin et la sénatrice Kyrsten Sinema, deux démocrates modérés qui bloquent pour l'instant le projet. Cette réunion, qui a duré environ une heure et 20 minutes et s'est terminée peu avant 19 h , a été « un échange de vues franc et respectueux sur les droits de vote », a déclaré un responsable de la Maison Blanche. Joe Biden ne peut rien faire en revanche après la décision de la Cour suprême, qui a bloqué sa décision d'imposer soit le vaccin anti-Covid-19, soit des tests réguliers dans les entreprises de plus de 100 salariés. Il s'est dit « déçu ». La mesure, chère à Joe Biden, était dénoncée comme un abus de pouvoir par les élus républicains. Dans un pays où seulement 62 % de la population est totalement vaccinée, la question révèle de profondes fractures politiques. La haute juridiction a cependant validé l'obligation de vaccination pour les employés des structures de santé qui bénéficient de fonds fédéraux. De trop grandes promesses ? Cette succession de mauvaises nouvelles entame un peu plus le crédit politique d'un président déjà très impopulaire et qui a peut-être fait des promesses trop grandes, avec une marge de manœuvre trop mince. Joe Biden a ainsi promis de protéger l'accès aux urnes des minorités et la transparence des opérations de vote face à une multitude de réformes engagées par les Etats conservateurs, en particulier dans le sud du pays. Les ONG assurent que ces mesures adoptées par des républicains discriminent particulièrement les Afro-Américains, qui ont très largement voté pour Joe Biden à la dernière élection. Pour faire barrage, le président démocrate veut harmoniser les pratiques de vote et donner au gouvernement fédéral un droit de regard sur les initiatives locales. Pour passer cette grande réforme au Sénat, il faudrait en théorie une majorité augmentée de 60 voix. Or le camp démocrate compte 50 voix plus celle de la vice-présidente Kamala Harris, et les républicains 50. Faute de pouvoir convaincre des sénateurs de l'opposition, farouchement opposés, les démocrates n'ont qu'une solution pour sauver leur projet : rompre cet usage parlementaire et passer en force à la majorité simple. « Spirale infernale » Mais cette manœuvre a été torpillée d'abord par Kyrsten Sinema. Selon la sénatrice de l'Arizona, cette stratégie ne ferait qu'alimenter la « spirale infernale de la division ». Joe Manchin, autre sénateur centriste qui a déjà bloqué à lui tout seul un immense programme social de 1 850 milliards de dollars de Joe Biden, a fait savoir, dans un communiqué, qu'il ne « voterait pas pour éliminer ou affaiblir » cette règle de majorité augmentée. Les deux élus sont favorables à la réforme elle-même, mais n'ont jamais fait mystère de leur attachement au seuil des 60 voix – même dans un paysage politique polarisé comme jamais peut-être, où, après le tumultueux mandat de Donald Trump, le dialogue partisan est devenu extrêmement difficile, voire impossible. Sans leurs voix, la réforme est condamnée. Ce jeudi noir rappelle cruellement à Joe Biden qu'il n'a qu'une très faible latitude. Il doit composer avec un Congrès qu'il ne contrôle pas vraiment, des Etats conservateurs en rébellion ouverte sur de multiples sujets (avortement, droit de vote, stratégie sanitaire…) et une Cour suprême désormais très conservatrice, après les nominations faites par Donald Trump. Dans quelques mois, Joe Biden risque par ailleurs de perdre toute majorité au Congrès lors d'élections législatives de mi-mandat. Il serait alors, de fait, paralysé jusqu'à la prochaine présidentielle.