L'ambassade des Etats-Unis à Alger a-t-elle fait la promotion d'un architecte condamné par une cour fédérale de Chicago à la prison pour des faits de parjure, fraude et détournement de fonds ? Le très sérieux Jeune Afrique s'interroge après que, le 21 novembre, la représentation américaine à Alger a annoncé sur sa page Facebook que «la Grande mosquée d'Alger, inaugurée en novembre 2020, a été sélectionnée comme l'une des meilleures réalisations architecturales au monde en 2021.» La Grande Mosquée d'Alger (GMA) est un bâtiment lié à toutes sortes de polémiques. En 2012 déjà, une pétition circulait en faveur d'un arrêt de sa construction au bénéfice d'infrastructures plus urgentes. «La construction de la Grande mosquée d'Alger dont le coût avoisine les 20 milliards de dollars n'est pas une nécessité nationale comme les autres infrastructures et investissements nécessaires» a-t-on argué à l'époque. Ensuite, son chantier, achevé fin avril 2019 après plus de sept années de travaux, et la compagnie chargée de la construction, le géant du BTP China State Construction Engineering (CSCEC) qui a fait venir ses ouvriers de Chine. Puis, son coût ensuite: trois fois et demie plus cher, à la charge des contribuables algériens. Cette bâtisse symbolisait tous les ratés du «système» algérien, la «gestion calamiteuse» de l'argent public par l'ex-chef de l'Etat de Bouteflika, comme l'avait décrit la presse algérienne, mais aussi sa «mégalomanie» et ses «caprices». En 2020, au moment de l'inauguration de la mosquée, Abdelaziz Djerad, ancien premier ministre a remplacé au pied levé le président Abdelmadjid Tebboune, transféré en Allemagne pour des «examens médicaux approfondis» après avoir été contaminé par la Covid-19 Le dernier fait controversé a été dévoilé par le magazine Jeune Afrique : L'ambassade des Etats-Unis à Alger aurait «fait la promotion d'un architecte condamné par une cour fédérale de Chicago à la prison pour des faits de parjure, fraude et détournement de fonds». L'ambassade, «qui félicite les Algériens pour cette récompense, indique que ce prix a été décerné par le Chicago Athenaeum Museum of Architecture and Design conjointement avec The European Centre for Architecture Art Design and Urban Studies.» Qui est derrière ce musée ? Un certain Christian Narkiewicz-Laine, accusé en 2002 d'avoir falsifié des factures, détourné des fonds, utilisé le courrier américain à des fins frauduleuses, puis a menti au FBI lors des interrogatoires. Il a été condamné en 2003 à trois mois de prison. Selon l'acte d'accusation, en 1995, Narkiewicz-Laine a contacté le consulat danois à Chicago pour coparrainer une exposition d'architecture et de design danois à l'Athenaeum, son musée. Le consulat a accepté d'aider à solliciter 75 entreprises danoises pour des produits et, dans certains cas, pour des contributions allant jusqu'à 10 000 $ chacune pour soutenir l'événement. Le consulat et le musée ont ouvert un compte courant commun pour recevoir les fonds ; l'Athenaeum devait être remboursé sur le compte des dépenses et des factures de tiers. Entre mai et novembre de l'année 1996, 158 500 $ ont été collectés et déposés dans le compte conjoint et 138 000 $ ont été versés à l'Athenaeum, en partie pour le rembourser pour des factures – prétendument gonflées ou totalement fausses. En outre, selon l'acte d'accusation, M. Narkiewicz-Laine a facturé directement trois des sociétés commanditaires et a déposé l'argent (8 500 $) sur un compte lié à son musée, éludant les paiements du consulat. Il est accusé d'avoir fraudé le consulat royal du Danemark sur un total de 62 763 $. Que vaut cette consécration ? Rien, comme les motivations qui ont déterminé la construction de la mosquée : Pour le sociologue Belakhdar Mezouar, le monument «n'a pas été construit pour le peuple». Il est l'«œuvre d'un homme (Abdelaziz Bouteflika, NDLR) qui voulait rivaliser avec le voisin marocain, rendre son nom éternel et présenter cette réalisation dans son CV, afin d'accéder au paradis le jour du Jugement», dit-il, résumant l'opinion générale.