Un tribunal algérien avait ordonné fin décembre l'emprisonnement de deux anciens premiers ministres d'Abdelaziz Bouteflika pour corruption, qui appellent que ce dernier soit entendu par la justice. Bouteflika à la barre ? Jusque-là, l'ex-président déchu a été épargné malgré que son régime a fait l'objet de mises en accusation publiques en matière de corruption. Les milliards de dollars de capitaux algériens, les commissions sur les grands contrats, les rétributions illégales, l'extorsion de fonds, les réseaux parallèles de distribution des biens , la circulation anormale des devises : l'ère Bouteflika s'est nourrie du contournement des réglementations, de l'absence de règles bien établies qui s'appliquent à tous et d'une ambiguïté savamment entretenue entre ce qui est légal et illégal, formel et informel. Aujourd'hui, deux de anciens lieutenants de Abdelaziz Bouteflika réclament que l'ex-chef de l'Etat octogénaire soit entendu par la justice algérienne le plus vite possible. En décembre, Ahmed Ouyahia, qui a été Premier ministre à quatre reprises, a été condamné à 10 ans de prison et Abdelmalek Sellal, deux fois premier ministre, a été emprisonné pendant 12 ans. Ils ont nié toutes les accusations, y compris « détournement de fonds publics, abus de pouvoir et octroi de privilèges indus », maintenant, il réclament que l'ancien président soit entendu par la justice. Le tribunal d'Alger avait également infligé des peines de 10 ans de prison à deux anciens ministres de l'Industrie et des peines allant de trois à sept ans à cinq hommes d'affaires de premier plan. Selon des acteurs de la société civile, les mécanismes de corruption sous Bouteflika couvraient différents secteurs commerciaux et productifs algériens : du marché médical à celui de l'armement, en passant par l'énorme marché des hydrocarbures ; et les pots-de-vin se sont généralisés en haut de l'échelle sociale, chez la nomenklatura jugée responsables des dysfonctionnements politiques et économiques du pays et accusée d'avoir miné les institutions De nombreux anciens hauts responsables sont en détention alors que l'armée cherche à réprimer les manifestations de masse qui ont commencé en février 2019 pour exiger la poursuite des personnes impliquées dans la corruption et la destitution de l'élite dirigeante, qui règne depuis 1962. Abdelaziz Bouteflika a démissionné en avril 2019 sous la pression des conjuguée de la rue et de l'armée. Les manifestants dénoncent le fait que son cercle rapproché soit toujours au pouvoir. Le verdict annoncé est lié à la corruption dans le secteur de l'assemblage automobile et au « financement caché » de la campagne de Bouteflika pour un cinquième mandat de cinq ans lors d'une élection qui a été annulée plus tôt l'année dernière. Parmi les hommes d'affaires emprisonnés figurait Ali Haddad, ancien chef de la plus grande association commerciale d'Algérie, emprisonné pendant sept ans. L'ancien ministre des Transports Abdelghani Zaalane a été le seul accusé acquitté. Toutes les personnes jugées étaient des alliées de Bouteflika et ont nié les accusations. Le fils de Sellal, Fares, actionnaire d'une usine de montage de voitures, a été condamné à trois ans de prison. Le tribunal a également prononcé une peine de 20 ans de prison par contumace pour l'ancien ministre de l'Industrie Abdesslam Bouchouareb, qui se trouve à l'étranger. Un mandat d'arrêt international a été émis par le même tribunal.